Le sort d'Ascometal, un des fleurons de la sidérurgie française, et de ses 2.000 salariés dont plusieurs centaines de lorrains d'Hagondange (57) et de Custines (54), se joue dans la bataille de l'ombre que se livrent actuellement son actionnaire et ses créanciers, tous Américains.
Le conflit actuel oppose le fonds d'investissement Apollo Global Management, actionnaire principal d'Ascometal, et ses créanciers Morgan Stanley et Bank of America, deux des plus grandes banques mondiales. Tous américains. En jeu, le sort d'Ascometal, un des fleurons de la sidérurgie française, et de ses 2.000 salariés dont plusieurs centaines de lorrains d'Hagondange (57) et de Custines (54).
Moins d'une année après la fermeture des hauts-fourneaux d'Arcelormittal à Florange, l'avenir d'un autre fleuron de la sidérurgie française inquiète l'Etat, au point que le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, n'a pas hésité à mentionner le groupe sidérurgique parmi les dossiers chauds de ce début d'année.
"Il faut parvenir à un sauvetage de la totalité des sites en réduisant le plus possible la perte d'emplois". Arnaud Montebourg.
Les sources proches du dossier consultées par l'AFP coïncident: Ascometal est promis "à un bel avenir" grâce à ses produits "extrêmement pointus", destinés notamment à l'industrie pétrolière et automobile.
Mais l'ancienne filiale d'Usinor, passée en 1999 sous le contrôle de l'italien Lucchini, est asphyxiée par une très lourde dette contractée lors de son rachat il y a près de trois ans par le fonds Apollo, avec le soutien des deux banques américaines.
Le fonds d'investissements américain avait alors proposé 300 millions d'euros plus 100 millions d'euros de reprise de dettes.
Mais le montage financier élaboré par les repreneurs, déjà fragile, a été sérieusement mis à mal par la dégradation du marché de l'acier en Europe, où le groupe réalise 87% de son activité, notamment dans le secteur automobile, son principal débouché.
Plombé par le remboursement de sa dette qui se serait emballée pour dépasser 360 millions d'euros, selon les sources interrogées, Ascometal ne parvient pas à sortir la tête de l'eau et a frôlé le dépôt de bilan au 31 décembre 2013.
Selon certaines sources, le groupe a évité la faillite grâce à une dispense ("waiver") accordée par les banques qui ont repoussé à la mi-février l'exigence du paiement de la dette. D'autres attribuent ce même geste à l'Etat. Quoi qu'il en soit, l'entreprise dispose désormais "des financements de court terme nécessaires pour faire face à ses besoins", a indiqué à l'AFP un porte-parole d'Ascometal.
"Des négociations entre les banques créancières, l'actionnaire d'Ascometal, Apollo, et les services de l'Etat sont en cours", a-t-il ajouté, précisant que ces discussions "progressent avec pour objectif d'assurer la pérennité et le développement de l'entreprise et devraient aboutir dans les prochaines semaines."
Les prochaines semaines seront décisives : Apollo comme les banques ont intérêt à éviter une mise en liquidation judiciaire qui les priverait de tout pouvoir de décision.
Ascométal compte trois grosses usines en France, produisant de l'acier avec des fours électriques, à Dunes-Leffrinckoucke (près de Dunkerque, Nord), Hagondange (Moselle) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Il dispose aussi de sites à Custines (Meurthe-et-Moselle) Le Marais (Loire) et Le Cheylas (Isère).
La localisation des sites français :
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Poker menteur
Pour réduire le fardeau de la dette, Apollo a proposé aux banques de l'effacer, mais la perspective de perdre leur mise ne les a évidemment pas convaincues. Au contraire, elles ont sorti de leur chapeau Anchorage, un fonds de retournement américain, qui a présenté en décembre une offre de reprise alternative. Apollo, qui a réalisé un joli coup en investissant dans un autre fleuron industriel français, Constellium (ex-Péchiney), était là le grand perdant."Il s'agit d'une lutte entre un actionnaire et les banques qui ont l'impression d'avoir été entraînées dans une affaire où elles ont pris des risques compte tenu des conditions imposées par Apollo au départ", selon l'une des sources consultées.
Dans cette négociation, qui ressemble à une partie de poker menteur, il y a un élément incontournable: l'Etat, à la fois sollicité par Apollo et les banques dans leurs projets respectifs.
Le Ministère du Redressement productif a des atouts en main. Ascometal dispose d'actifs importants, dont la vente lui permettrait de réduire partiellement sa dette. Mais l'Etat, qui exige avant tout un projet industriel avec des investissements pour le développement du groupe, peut bloquer leur vente, comme il l'avait déjà fait en 2011.