La Cour des comptes épingle dans son rapport la gestion de la prise de participation publique dans la société Manurhin, exemple selon elle d'une opération de soutien public "mal conduite" par l'Etat.
"Les conditions dans lesquelles le soutien public a été décidé puis mis en oeuvre dans la précipitation apparaissent particulièrement contestables", écrit la Cour dans son rapport.Le groupe Manurhin, employant environ 130 salariés, avait fait l'objet en septembre 2010 d'une augmentation de capital de 2,35 millions d'euros souscrite par des investisseurs privés, qui faisait de la société financière familiale, Thannberger & Cie son actionnaire de référence. Mais en 2011, faisant face à des difficultés financières persistantes, ses dirigeants ont recherché de nouveaux partenaires investisseurs, notamment publics. Les entreprises publiques Sofired et Giat Industries ont ainsi été sollicitées par leurs administrations de tutelle. Parallèlement, des pourparlers ont été engagés début 2011 par Thannberger avec une société slovaque, Delta Defence.
L'augmentation de capital a finalement eu lieu en février 2012, à hauteur de 7,316 millions d'euros (portée ultérieurement à 8 millions), souscrite pour 4 millions par Giat Industries (2 millions) et Sofired (2 millions), pour 3 millions par Delta Defence et pour 1 million par le management du groupe, explique la Cour. Mais les conditions dans lesquelles l'opération a été réalisée et sa gestion est critiquée par la Cour. Elle relève ainsi que les diligences, les vérifications professionnelles d'usage avant d'investir dans une entreprise tierce, ont été "effectuées dans l'urgence".
"des conditions ambiguës et contestables"
Elle relève également l'intervention coûteuse de plusieurs sociétés de conseil, au nombre de dix entre janvier 2011 et mars 2012 pour un montant total de 1,2 million d'euros. Par ailleurs, poursuit la Cour, "en l'absence d'une décision et d'instructions claires de leurs autorités ministérielles, d'importantes divergences de vues subsistaient entre les différents acteurs publics" (comité interministériel de restructuration industriel (CIRI), Agence des participations de l'État (APE), direction générale de l'armement, Sofired et Giat Industries. Cela a permis à Delta Defence, "bien que minoritaire, avec 34% du capital social", de prendre le contrôle de l'entreprise à leur détriment. Ce n'est finalement qu'en octobre que les deux actionnaires publics ont obtenu une majorité pour destituer le directoire qui était entre les mains de Delta Defence, souligne-t-elle.
"Quelle que soit l'issue, favorable ou défavorable, des tentatives de protection des intérêts du groupe Manurhin, menées sous l'impulsion des actionnaires publics depuis l'automne 2013, la Cour relève que l'État s'est engagé dans cette opération dans des conditions ambiguës et contestables", conclut-elle.