Pour le député PS Jean-Paul Chanteguet, président-rapporteur de la mission sur l'écotaxe, l'abandon de celle-ci "n'est pas envisageable, mais il convient de l'aménager". La mission d'information parlementaire a présenté, mercredi 14 mai 2014 à Paris, ses propositions pour l'avenir de ce dispositif
Actée par le Grenelle de l'Environnement le 26 avril 2007, suspendue à l'automne 2013 par le gouvernement Ayrault après une vague de manifestations, l'écotaxe sous sa forme initiale "est morte" selon le député socialiste Jean-Paul Chanteguet, président-rapporteur de la mission parlementaire sur ce dossier, qui plaide pour qu'elle soit renommée "éco-redevance poids lourds". Ce serait selon lui une manière de "re-légitimer" le dispositif, avec une "dénomination conforme à ses fondements".Dans le rapport présenté mercredi 14 mai 2014 lors d'une conférence de presse, Jean-Paul Chanteguet propose 13 mesures qui permettraient
d'aménager un système "indispensable au développement des infrastructures de transport", et dans lequel "l'État est massivement engagé".
Plusieurs solutions, suggérées par la ministre de l'Écologie Ségolène Royal, ont été écartées, dont la contribution des sociétés autoroutières et la possibilité de taxer les camions étrangers traversant le territoire français
"Le sentiment que j'ai eu c'est que madame la Ministre (Ségolène Royal) ne connaissait pas ce dossier et ignorait la règlementation européenne. Jean Paul Chanteguet, président-rapporteur de la mission parlementaire sur sur l'écotaxe.
La principale proposition du rapport est l'instauration d'une franchise kilométrique, afin de "moins pénaliser l'économie de proximité et de favoriser les véhicules les moins dommageables pour la route et les moins polluants".
Une marche à blanc obligatoire est proposée, et des exonérations imaginées pour certains véhicules. Celles qui avaient été prévues dans le précédent système sont conservées, de même que les abattements tarifaires prévus pour les régions périphériques, et notamment la Bretagne, terre de la révolte des "Bonnets Rouges".
Le rapport propose également la création d'un fonds destiné à l'achat de poids lourds "propres".
Moins de revenus que l'écotaxe à prévoir
L'écotaxe devait rapporter plus de 800 millions d'euros par an à l'État. Le produit dégagé par l'éco-redevance sera "légèrement dégradé", mais "permettra de préserver l'essentiel des moyens de l'Afitf", l'Agence de financement des infrastructures, selon Jean-Paul Chanteguet.La mission propose de légiférer pendant l'été, avant une marche à blanc à l'automne, et une mise en place au 1er janvier 2015.
Ségolène Royal s'est montré sceptique sur une application de l'écotaxe dans une interview à Paris Match à paraître jeudi. La mission parlementaire "part du principe que l'écotaxe va être appliquée. Moi, je pense le contraire", déclare-t-elle.
La ministre a précisé mercredi 14 mai que "les propositions de la mission parlementaire allaient être étudiées et qu'une décision serait prise avant la fin du mois de juin 2014."
Bertrand Pancher et François Grosdidier approuvent les conclusion de la mission
Le porte-parole de l'UDI pour l'écologie, le député de la Meuse Bertrand Pancher, s'est prononcé mercredi en faveur des conclusions de la mission parlementaire sur l'écotaxe, qui propose son maintien avec des aménagements, et il a "exhorté le gouvernement à en finir avec ses tergiversations"."A la différence des propos consternants et sans cesse divergents de la nouvelle ministre en charge de l'écologie, Ségolène Royal, sur le sujet, les parlementaires, notamment ceux de la majorité, ont pris leurs responsabilités en qualifiant de +désastreuse+ la renonciation à cette éco-redevance." Communiqué de Bertrand Pancher.
De son côté, François Grosdidier, sénateur-maire UMP de Woippy (57) et président de Valeur écologie, se félicite des pistes évoquées par les parlementaires de la mission d’information.
"C’est un retour à la raison après des propos juridiquement irréalistes, financièrement intenables, et écologiquement contre-productif. La mission confirme la pertinence de la décision (...) de mettre l’Ecotaxe en place. Les aménagements envisagés sont justifiés et offrent aux uns et aux autres, une porte de sortie honorable." François Grosdidier.
Ecotaxe : les principales dates (avec l'AFP)
Voici les principales dates de l'histoire de l'écotaxe, un prélèvement fiscal poids-lourds imaginé en 2007 mais régulièrement contesté et repoussé depuis, et qu'un rapport parlementaire publié mercredi 14 mai 2014 propose d'aménager.2007
- 26 avril: le Grenelle de l'Environnement acte le principe à l'horizon fin 2010 d'une écotaxe kilométrique sur les poids-lourds - français et étrangers -, hors autoroutes, afin de lutter contre les gaz à effet de serre.
- 4 février: 2.000 patrons bretons manifestent au péage autoroutier de La Gravelle (Mayenne) contre le projet.
- 23 juillet: le Parlement vote à la quasi-unanimité la mise en place de l'écotaxe à compter de 2011 pour les camions de plus de 3,5 tonnes circulant sur les routes nationales et départementales en France. Elle est censée rapporter plus de 800 millions d'euros par an à l'État.
- 18 avril : premier report de l'écotaxe à la fin 2012 pour raisons techniques.
- 18 janvier: le gouvernement Fillon choisit par appel d'offres un consortium mené par le groupe italien Autostrade - "Ecomouv'" - pour collecter la taxe.
- 3 janvier : le conseil des ministres acte la remise à plat de l'écotaxe, prévue désormais pour juillet 2013 et qui devrait rapporter "de l'ordre de 1,2 milliard d'euros" en année pleine, selon le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier. Elle sera ensuite reportée à octobre 2013, puis à janvier 2014.
- 2 août: un portique de collecte écotaxe est détruit par des manifestants bretons à Guiclan (Finistère).
- 22 octobre : l'écotaxe cristallise la colère des agriculteurs qui manifestent dans tout le pays.
- 26 octobre : violents affrontements entre forces de l'ordre et manifestants bretons coiffés de bonnets rouges - symboles de la révolution antifiscale en Bretagne en 1675 - lors d'une manifestation contre le dernier portique écotaxe du Finistère, à Pont-de-Buis.
- 29 octobre : le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, annonce la suspension de l'écotaxe, sans parvenir à calmer la colère des "Bonnets rouges" qui seront encore 15.000 à 30.000 à manifester à Quimper le 2 novembre.
- 5 novembre : le gouvernement dit qu'il souhaite renégocier le contrat signé par son prédécesseur avec la société Ecomouv', qui doit toucher 250 millions d'euros par an sur l'écotaxe. Une quinzaine de bornes ou portiques de collecte de l'écotaxe ont été détruits depuis le début de la contestation.
- 12 novembre : l'Assemblée nationale lance une mission d'information sur l'écotaxe.
- 3 avril: la nouvelle ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, prône une "remise à plat" de l'écotaxe aussitôt dénoncée comme un "enterrement de première classe" par les écologistes d'EELV.
- Le 15, la ministre évoque des pistes ciblant uniquement les camions étrangers et le 29 la possible contribution des sociétés d'autoroutes pour financer des infrastructures routières en cas d'abandon de l'écotaxe.
- 30 avril : "On va attendre les rapports des commissions, et au mois de juin, les choses se feront", assure Mme Royal.
- 12 mai: Cécile Duflot, redevenue députée écologiste (EELV), dit qu'elle soutiendra les "excellentes propositions" de la mission d'information parlementaire sur l'avenir de l'écotaxe.
- 14 mai: le rapport de cette mission propose d'aménager l'écotaxe - rebaptisée "éco-redevance poids lourds" - pour moins pénaliser les entreprises de transport.