Les antinucléaires sceptiques face à la voie choisie pour fermer Fessenheim

Fermer la centrale de Fessenheim, oui, mais comment? Pour traduire dans les faits une promesse de campagne de 2012, le gouvernement de François Hollande privilégiera la négociation avec EDF, au risque de mécontenter les antinucléaires, qui auraient préféré davantage de fermeté.

Le projet de loi sur la transition énergétique, présenté cette semaine par Ségolène Royal, ne fait aucune mention du dossier Fessenheim, et ne dote pas non plus l'Etat du pouvoir de fermer une centrale. "Le nom de Fessenheim n'a pas à être indiqué dans une loi. C'est un engagement présidentiel. Juridiquement, c'est à l'entreprise de prendre ses responsabilités", a précisé Mme Royal dans une interview au Monde.

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Le texte prévoit en revanche que l'Etat établira un "dialogue fructueux" avec l'exploitant, comme l'a précisé la ministre, et fixe un plafond maximal de production de l'ensemble du parc nucléaire - ce qui a d'ailleurs été plutôt bien accueilli par les parlementaires écologistes. Avec ce plafond, si EDF veut mettre en service comme prévu son EPR à Flamanville (Manche) en 2016, il devra en même temps fermer un réacteur... par exemple Fessenheim, même si la loi ne le précise pas. "Sauf que, sur le papier, rien n'empêche EDF de choisir d'en fermer une autre", note avec irritation André Hatz, porte-parole de l'association locale "Stop Fessenheim", qui se dit "très déçu" car avec ce projet, "c'est EDF qui pilote l'Etat, et non l'inverse".

 "La dangerosité n'est plus évoquée" 

Plus globalement, les anti-Fessenheim auraient souhaité un décret gouvernemental pour fermer la centrale "immédiatement, parce qu'elle est dangereuse". La sécurité est en effet au coeur des reproches adressés à la doyenne des centrales françaises. En 2012, le candidat Hollande avait d'ailleurs justifié sa promesse de fermeture par le fait que Fessenheim était "proche d'une zone sismique, ce qui est quand même un risque". Seule l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est cependant habilitée à évaluer ce risque, et à contraindre en conséquence l'opérateur EDF à arrêter l'installation. Or l'ASN a donné son feu vert, en 2011 et 2013, à l'exploitation des deux réacteurs de Fessenheim pour dix années supplémentaires. Aujourd'hui, "c'est vrai, la dangerosité n'est plus évoquée" comme motif de fermeture, convient Jean-Michel Malerba, le délégué interministériel chargé du dossier. Pour lui, la solution finalement retenue est la "façon la plus sûre de procéder", et quoi qu'il en soit "l'objectif d'une fermeture fin 2016 est maintenu". Pour Arnaud Gossement, avocat spécialiste en droit de l'environnement, il n'était de toute façon "pas possible, sur un plan juridique", que l'Etat se dote du pouvoir d'imposer à EDF de fermer une centrale. Un tel dispositif aurait pu être retoqué par le Conseil constitutionnel pour violation du droit à la propriété, selon le juriste.


"Idiotie"

L'engagement de François Hollande "a été pris trop vite, sans analyse juridique préalable", estime l'avocat. Pour autant, selon lui, la future loi fixe un "objectif très ambitieux" de réduction du nucléaire et entraînera nécessairement la fermeture de réacteurs. Reste que l'engagement du président se heurte toujours à une vive opposition, de la plupart des élus locaux comme des syndicats de la centrale, vent debout pour défendre quelque 2.000 emplois au total. la semaine dernière, "rien ne justifie la fermeture de l'usine". La mise à l'arrêt "serait une idiotie et nous ne laisserons pas faire", a-t-il prévenu. "Le gouvernement est piégé par cette promesse présidentielle", analyse de son côté Jean-Luc Cardoso, délégué CGT à Fessenheim. "Maintenant qu'il faut trouver un autre argument que la supposée dangerosité, alors on nous dit que c'est une question de principe, un symbole pour la transition écologique", raille le syndicaliste. "Mais nous refusons qu'on fasse un symbole de quelque chose qui rapporte de l'argent et qui fonctionne bien". Sur la même ligne, Michel Sordi, le député (UMP) de la circonscription, ne comprend pas qu'on veuille "fermer une usine qui emploie 2.000 personnes et qui gagne de l'argent". "Il faut reporter cette fermeture, car localement rien n'est prêt", plaide le parlementaire, pour qui "l'échéance de 2016 est intenable".
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