Le social-démocrate Martin Schulz a été réélu mardi président du Parlement européen, face à des europhobes sortis renforcés des élections et qui ont d'emblée manifesté leur rejet de l'UE.
Ils se sont fait remarquer dès l'ouverture de la première session: plusieurs députés, au premier rang desquels Nigel Farage, le chef de l'Ukip britannique, ont ostensiblement tourné le dos au moment où était joué l'hymne européen dans l'hémicycle. "Nous ne reconnaissons pas et ne respectons pas le drapeau ou l'hymne européens, qui sont deux symboles de notre servitude dans une UE que le peuple britannique rejette", a affirmé le député Paul Nuttall.
Cette provocation a suscité des réactions indignées. L'eurodéputée libérale française Sylvie Goulard s'est dite ulcérée par ces "individus sans vergogne". "Rejeter la fraternité ne fera pas avancer les choses", a-t-elle déclaré sur son compte Twitter. Un autre français, l'UMP Philippe Juvin, a qualifié les protestataires de "débiles, 100 ans après le suicide collectif" de la Première Guerre mondiale. Après son élection, M. Schulz a prévenu que "celui qui ne respecte pas les règles de respect mutuel et de dignité humaine va me trouver contre lui". "Je ne l'accepterai pas", a-t-il insisté.
L'élu allemand a été reconduit à la présidence pour deux ans et demi avec 409 voix des 612 suffrages exprimés, sur un total de 751 députés. Il n'a donc pas fait le plein de ses voix. En vertu d'un accord de coalition avec le PPE (centre-droit) et les libéraux, il pouvait compter sur 479 suffrages. Sa réélection est survenue le jour où l'Italie prenait la présidence de l'UE pour les six prochains mois. Son dynamique chef du gouvernement, Matteo Renzi, veut en profiter pour impulser une Europe plus favorable à la croissance et plus solidaire. "L'Europe aujourd'hui, c'est de l'ennui (...) elle est submergée de chiffres et privée d'une âme", a-t-il lancé il y a quelques jours.
La page spéciale du journal consacrée à la session inaugurale
"Majorité de forces démocratiques"
Victimes de cette défiance après des années de crise et d'austérité, les quatre principales formations pro-européennes (PPE, socialistes, libéraux et Verts) ont toutes perdu des sièges lors des élections. L'addition des 221 députés PPE et des 191 socialistes n'aboutit qu'à une majorité fragile de 412 sièges. Les deux groupes sont donc allés chercher les libéraux et leurs 67 députés pour consolider leur assise. Ils devraient aussi pouvoir compter sur des convergences avec les Verts (50 élus). Face à eux, la force montante des europhobes est incarnée par l'EFDD de Nigel Farage, qui compte 48 députés autour de l'Ukip et des populistes italiens du Mouvement Cinq Etoiles de Beppe Grillo.Les Britanniques sont aussi les piliers du groupe conservateur, qui au terme d'une rude bataille, est parvenu à décrocher la place enviée de troisième force du Parlement avec 70 députés. Son candidat à la présidence a même attiré au delà de ses seuls élus, en obtenant 101 voix. Parmi les 52 députés non inscrits, près de la moitié viennent du Front national français. Sa présidente, Marine Le Pen, a échoué à constituer un groupe, ce qui la prive d'une meilleure visibilité et de moyens financiers conséquents. Leur capacité de nuisance sur le fonctionnement des institutions de l'UE est affaibli par leurs rivalités, voire leurs haines.
Le nouveau Parlement bénéficie d'une "large majorité de forces démocratiques et pro-européennes", a assuré M. Schulz. "C'est encourageant pour tous ceux qui avaient des doutes, le Parlement peut continuer à travailler sérieusement". Mais "il faut que toutes les forces démocratiques s'unissent", prévient le président du PPE, Joseph Daul. A deux semaines du vote crucial sur le président de la Commission européenne, le 16 juillet, l'élection de mardi servait en effet de test et de répétition générale.
Elle se déroulera elle aussi à bulletins secrets et Jean-Claude Juncker, désigné la semaine dernière au terme d'une combat acharné du Premier ministre David Cameron,
reste contesté, y compris dans son propre camp.