Le château de Troissy, près de Dormans, accueille des collégiens et lycéens du monde entier. Peu d’élèves par classe, un suivi personnalisé, cette école privée hors contrat s’inspire du modèle anglo-saxon. Nous avons suivi, pendant 24 heures, ces adolescents.

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Ils s’appellent Valentin, Sofia, Marc-Frédéric, Mencia ou Masha. Ils sont Français, Belges, Espagnols, Chinois, Serbes, Marocains, ont entre 13 et 19 ans, et depuis la rentrée de septembre, le château de Troissy, dans la Marne, est devenu leur maison.

Cet internat permanent est une école indépendante, elle n’est pas liée par un contrat à l’Etat. L’établissement a ses propres règles, sa propre méthode d’enseignement.


Les 7 « P » : politesse, propreté, ponctualité, persévérance, perspicacité, probité, pacifisme


Au château de Troissy, le réveil des élèves n’a rien d’un conte de fées. Dans le dortoir des garçons, la voix grave de Frédéric réveille les adolescents, parfois difficilement. Le surveillant de nuit frappe à la porte, allume la lumière, passe et repasse. « Le réveil le matin, c’est vachement dur et ça empire au cours de l’année »  lâche Valentin, élève de 1ère, les yeux encore un peu gonflés. Originaire de la région parisienne, il a intégré l’internat l’an dernier. Depuis, il a dû s’adapter au rythme et au règlement de l’école.

Le téléphone portable est interdit, l’uniforme obligatoire, et chaque lundi, avant de rentrer en classe, les élèves chantent la Marseillaise.


Effectif réduit, suivi personnalisé et pédagogie active


Un si grand château pour 25 adolescents seulement. Le matin, ils suivent les cours académiques par classe, des petits groupes de moins de dix élèves. L’école a son propre logiciel comme outil pédagogique. Une plateforme en ligne pour travailler en autonomie. Marc-Frédéric est Belge et s’est habitué à cette nouvelle méthode « chacun avance son rythme mais tout le travail est vérifié derrière».

le gros avantage de cette école, c’est l’effectif, ça nous permet de mettre l’accent sur les difficultés des élèves, au cas par cas
-Alexandre Pierre, professeur de physique-chimie et de SVT


Le château accueille des élèves du monde entier


Anglais, histoire-géographie, mathématiques, sciences économiques et sociales, le matin est consacré au programme de l’année mais contrairement à l’enseignement public, ici, les professeurs sont plus libres et n’ont pas forcément le diplôme requis. Titulaire d'une thèse en immunologie, Alexandre Pierre dispense la physique chimie et les Sciences de la Vie et de la Terre « le gros avantage de cette école, c’est l’effectif, ça nous permet de mettre l’accent sur les difficultés des élèves, au cas par cas.»

Les élèves vivent en permanence au château, week-end compris, pour certains. Si leurs parents ont décidé de les envoyer dans cet établissement, c’est pour améliorer leur français, leurs notes mais aussi leur comportement.

L’idée, c’est de proposer quelque chose qui n’existe pas dans toutes les villes de France, on attire des enfants du monde entier qui viennent pour apprendre la langue française
-Aldrick Allal, PDG du groupe Diderot Education


Imaginez un château, en pleine campagne, au cœur du vignoble champenois, à quelques kilomètres de Dormans. Le domaine s’étend sur cinq hectares. Un court de tennis, une piscine couverte de 25 mètres de longueur, un terrain de basket, de volley, le cadre semble idéal pour étudier. Les adolescents sont comme dans un cocon.  

Mais ces conditions de travail assez exceptionnelles ont un coût. Les frais de scolarité s’élèvent à 25.000 euros par an. « L’idée, c’est de proposer quelque chose qui n’existe pas de manière classique dans toutes les villes de France, on attire à cet égard des enfants du monde entier qui viennent chez nous pour justement apprendre la langue française, qui viennent s’immerger dans la culture française », explique Aldrick Allal, PDG du groupe Diderot Education.

Objectif affiché : 100% de réussite au bac avec mention. Difficile d’avoir du recul, après 18 mois seulement d’existence, mais dans l’ensemble, les élèves ont l’impression de progresser.


Au château, on l’appelle « chef »


Dans tous les châteaux, il y a un chef. A Troissy, il se nomme Sébastien Perchat, 32 ans de métier. Et si ce n’est pas tous les jours un festin de roi, le cuisinier fait de son mieux pour satisfaire ses convives.

Après une carrière dans la restauration, dans la collectivité avec l’hôpital d’Epernay, il prépare aujourd’hui les repas des adolescents et de l’équipe pédagogique. « On a un ratio de 7 euros par enfant, j’essaye de faire mon menu sur la semaine, de mettre du poisson, de la dinde, du bœuf. Pour les desserts, on essaye de les faire maison au maximum mais comme je suis tout seul à travailler, ce n’est pas évident, non plus » confie Sébastien Perchat.


Théâtre, cinéma, le 7ème art à l’honneur


L’après-midi, les élèves ont le choix entre plusieurs activités. Sport (tennis, football, danse, basket…) pour se défouler ou préparer le baccalauréat, FabLab, laboratoire de fabrication, ou cours de photo pour développer leur créativité mais aussi cinéma et théâtre, les deux ateliers phares de l’établissement. Le château de Troissy est labellisé « internat du 7ème art ». 

Le théâtre, ça m’aide à parler devant les gens, c’est important surtout si je deviens avocate
-Masha, élève de terminale

Vittoria a 13 ans et vient de région parisienne, Masha est Serbe et en a 18. L'une est en 4ème, l'autre en terminale. Elles doivent imaginer ensemble une saynète autour d’une potion magique et de super pouvoirs. Avec le théâtre, elles se libèrent, « ça m’aide à parler devant les gens, l’année dernière, c’était beaucoup plus dur car je ne parlais pas vraiment. J’hésite entre suivre des études d’avocate d’où l’importance de savoir parler ou intégrer une école de management de luxe », nous explique Masha.

Pour Vittoria, quand elle monte sur scène, elle change de peau « j’aime beaucoup jouer, être une autre personne, inventer des choses, faire les exercices d’improvisation, je trouve cela super. J’aimerais devenir avocate ou juge… rien à voir avec le théâtre » conclut-elle en souriant. Rien à voir pas tant que cela. Car le théâtre, c’est aussi une école de la vie.

Avec le cours de théâtre, on essaye de développer : la concentration, l’écoute de soi, des autres, sa capacité à être précis, à observer, à être réactif, détendu par rapport au regard de l’autre
-Vincent Sauvagnac, professeur de théâtre

Comédien de formation, Vincent Sauvagnac est leur professeur « on essaye de développer toute une gamme de compétences : la concentration, l’écoute de soi, des autres, la capacité à être précis, à observer, à être réactif, détendu par rapport au regard de l’autre, ce sont évidemment des compétences que l’on peut mettre en application dans la vie. »

C’était la première fois que je tenais un appareil-photos dans mes mains. Le plus dur, c’est de bien avoir le focus, bien faire les mouvements. Si je continue tous les jours à essayer d’apprendre les fonctionnalités de l’appareil, je pourrai tourner de vraies séquences
-Ram, élève de 3ème


Dans un autre bâtiment de l'école, trois élèves apprennent les techniques du cinéma. Le château de Troissy est le seul internat permanent hors contrat en France labellisé 7ème art. Appareil-photos, stabilisateur, éclairage, Samantha et Ram découvrent pour la première fois le matériel. Exercice du jour : filmer leurs camarades du théâtre. « C’était la première fois que je tenais un appareil-photos dans mes mains, c’était facile. Le plus dur, c’est de bien avoir le focus, bien faire les mouvements pour filmer les personnages qui parlent. Si je continue tous les jours à essayer d’apprendre les fonctionnalités de l’appareil, je pourrai tourner de vraies séquences » se félicite Ram, élève de 3ème.


Réussite et esprit de famille

L’Education nationale, je me suis un peu opposé à leur système. Depuis que je suis ici mes notes se sont améliorées, je travaille moins mais de manière plus intense
-Télio, élève de Terminale


Au château de Troissy, tout est mis en place pour pousser à la réussite. Télio vient de Bourges, il passe le bac cette année et compte bien l’obtenir avec mention. « L’Education nationale, je me suis un peu opposé à leur système, alors j’ai décidé de venir ici. Depuis, ça s’est un peu amélioré, je travaille moins mais de manière plus intense, c’est plus efficace».

On est très soudé vu qu’on vit ensemble, c’est comme une deuxième famille, c’est le point positif de l’internat
 -Valentin, élève de Seconde


Après les activités, à 18h30, les élèves ont une heure d’étude pour effectuer leurs devoirs. Chaque soir, deux professeurs sont à leurs côtés pour les épauler. Les adolescents n’hésitent pas aussi à s’entre-aider.

Loin de leurs proches, ils ont trouvé, au château, une deuxième famille.  « On est très soudé vu que l’on vit ensemble, c’est comme une deuxième famille, c’est le point positif de l’internat » concède Valentin, élève de Seconde.

Après le dîner, les jeunes ont un peu de répit. Certains se couchent tôt, d’autres jouent au poker ou au tennis de table au foyer. Extinction des feux à 22h30. Le château s’endort.
 
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