Accident de TGV à Eckwersheim : les familles des victimes sortent du silence

Le 14 novembre 2015, l'accident de la rame d'essai du TGV faisait 11 morts et 42 blessés. France 3 Alsace a recueilli les témoignages des familles de deux victimes. Si l'émotion et la tristesse sont partagées, leurs sentiments sur la responsabilité de la SNCF divergent.

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Trois mois après le terrible accident d'une rame d'essai de TGV à Eckwersheim, la pire catastrophe qu'ait connue le TGV depuis son lancement en 1981, l'émotion est toujours très grande parmi les familles des victimes.

Christine Dujardin : "je crois que ma fille a fait l’objet d’une expérimentation"

Christine Dujardin a perdu sa fille dans cet accident. Fanny Mary, 25 ans, était l'une des nombreuses personnes invitées à bord de cette rame d'essai. Ce matin, sur Europe 1, la mère a fait part de son désarroi. "Je crois que ma fille a fait l’objet d’une expérimentation. Les premiers temps, les rames d’essai utilisaient des sacs de sable pour simuler le poids des voyageurs. Je me demande si cette fois-ci, on n’a pas utilisé des invités pour simuler le poids des voyageurs. Est-ce que ma fille n’a pas remplacé un sac de sable ? »
Le 14 novembre 2015, l'accident de la rame d'essai du TGV faisait 11 morts et 42 blessés. Christine Dujardin a perdu sa fille. Et depuis, elle ne cesse de poser des questions. ©France 3 Alsace

Interrogée par France 3 Alsace, Christine Duijardin demande ce soir à la SNCF de faire toute la lumière sur les causes de l'accident. "Le plus important, c’est de connaitre la vérité. Nous le devons aux victimes décédées, je le dois à ma fille. Il n’y a pas de dialogue avec la SNCF en ce moment car l’enquête est en cours. Le mal est fait. Si la SNCF fait apparaitre des éléments précis qui font avancer l’enquête, c’est bien. Nous, on pleure nos morts et eux pensent à la future LGV. C’est un drame qu’on portera jusqu’à la fin de nos jours."

Un site internet a été ouvert en mémoire des victimes

"Il y a ce côté humain qui a manqué notamment dans le traitement des corps. Pour la plupart, nous n’avons pas vu les corps de nos proches. Et le massacre, a été tout simplement épouvantable, c’était un carnage, un charnier épouvantable. Lorsqu’on trouve des restes humains plusieurs jours après le drame et que l’on s’aperçoit que les visiteurs se promènent à côté de la rame, que des gens font des selfies devant les restes fumants, c’est un manque de respect. Même les morts ont droit au respect et à la dignité. Nos proches ont rendu l’âme dans les décombres, dans la boue, sans que nous ayons pu leur tenir la main. Avec les familles des victimes nous avons besoin de nous revoir. Nous allons créer une association, et un site internet pour faire vivre la mémoire des personnes qui ont laissé la vie dans cet accident."

Nicolas Heury : "dire qu'on a pris des invités pour des cobayes, c'est se mettre de la colère pour rien"

Témoignage de Nicolas Heury (29 ans), fils de Daniel Heury (chef de bord, retraité depuis un an, décédé dans l’accident) et habitant Sarrebourg :"j'ai entendu le témoignage de la mère (de Fanny) et je ne partage pas son point de vue. On n'a forcé personne, sa fille est venue de son plein gré, comme tout le monde dans le train. Je n'en veux pas à la SNCF. On ne veut blâmer personne. Qu’on dise que c'est la faute du conducteur ou la faute aux conditions de sécurité, ça ne changera rien. Personne n'a voulu ça. Dans tous les cas, ça ne ramènera pas notre père. 

On sait que c'était un accident. Mon père n'était pas conscient d'un danger, il n’a jamais eu un problème en 36 ans de carrière. Si mon père avait su, personne ne serait pas allé dans ce train. Tout ce qu’on veut, c’est qu'on apprenne de cet accident et que cela n'arrive plus. On n'est pas à la recherche de la vérité, la vérité on la connait.

Il y avait souvent des invités dans les rames d'essais. Les familles ont envie de partager ces moments. Avec votre père, vous avez envie de partager les choses qu'il fait…il aurait été dans l'aviation, j'aurais été heureux de monter dans un avion, de partager les choses avec lui. C'est normal qu'il y aient des invités. Mais dire qu'on a pris des invités pour des cobayes, c'est se mettre de la colère pour rien. C’étaient pas des cobayes.

Nous sommes accompagnés par la SNCF, très soutenus par les assistantes sociales de la SNCF. J'ai contacté Guillaume Pépy, il m'a rappelé, je lui ai parlé. La SNCF, c’est une famille. Je travaille moi-même à la gare de Strasbourg. Tous ses collègues sont touchés, tout le monde vient me voir. C’est une famille."


La SNCF réagit

Guillaume Pépy, président de la SNCF et Jacques Rapoport, directeur de SNCF Réseau, rencontreront le 5 mars les familles
de victimes à l'occasion d'une réunion qui  aura pour objectif de leur donner accès à tout ce que l'on connaît à cette date.


André-Claude Lacoste, qui préside un comité d’experts indépendants sur les procédures d’essais, recevra Christine Dujardin pour lui expliquer ce que sont des essais de ligne à grande vitesse. La SNCF espère que ces deux rencontres seront "de nature à les apaiser".

Selon Bénédicte Tilloy, secrétaire générale de SNCF Réseau, la date de reprise des essais sur cette ligne n'est pas encore définitivement fixée. "Les essais vont se poursuivre avec des protocoles différents. Ils ne reprendront qu'avec des vitesses moindres et avec un système contrôlé automatiquement".

"Ces protocoles d'essai se font sous le contrôle de l'établissement public de sécurité ferroviaire, ce n'est pas la SNCF elle-même qui définit et applique ses propres règles, ce sont des protocoles qui s'imposent à nous", a pour sa part insisté Christophe Piednoël, directeur de l'information de la SNCF.

Accident de la rame d'essai TGV : l'enquête confirme une "vitesse très excessive"

Le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a confirmé lundi dernier que la "vitesse très excessive" de la rame d'essai d'un TGV,  était la "cause unique" du déraillement.
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