Trois jours avant le déraillement d'une rame d'essai de TGV le 14 novembre 2015, le conducteur avait eu lors d'un test sur la même ligne "de grandes difficultés" à freiner suffisamment pour ne pas dépasser la vitesse limite à l'endroit de l'accident.
Le 14 novembre 2015, l'accident de la rame d'essai du TGV faisait 11 morts et 42 blessés à Eckwersheim. Le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) avait confirmé au mois de février que la "vitesse très excessive" de la rame était la "cause unique" du déraillement du TGV, tombé dans le canal de la Marne au Rhin après avoir abordé une courbe à 265 km/h alors que la vitesse prévue était de 176 km/h.
Selon les enquêteurs, l'exploitation des données de l'enregistreur embarqué dans la rame permet "d'affirmer que l'excès de vitesse constaté était dû uniquement à un déclenchement du freinage trop tardif d'environ 12 secondes". Le 11 novembre, lors d'un essai effectué sur le même tronçon, un cadre présent dans la cabine de pilotage avait réalisé une vidéo montrant que le conducteur avait eu "de grandes difficultés à respecter les vitesses inscrites sur sa feuille de route", a indiqué à l'AFP la source proche de l'enquête, confirmant une information du Parisien. "Selon les images, la rame avait eu du mal à ralentir suffisamment pour ramener le TGV vers la vitesse attendue à cet endroit-là", a-t-elle ajouté.
"On était dans une situation de presque accident ce jour-là", a réagi à l'AFP Me Gérard Chemla, avocat de plusieurs familles de victimes. Dès le 11 novembre, "on avait tous les moyens pour se rendre compte de la dangerosité de l'endroit où aura lieu le drame trois jours plus tard et de l'importance d'anticiper davantage le freinage", a-t-il estimé.
Pourtant, "on en a tiré aucun enseignement. Pire, le 14 novembre, il semble qu'on ait freiné un kilomètre plus tard, ce qui a causé l'accident. Cette catastrophe pose la question de l'organisation sécuritaire des procédures d'essai", a-t-il ajouté. Lors de l'accident du 14 novembre, 53 passagers étaient présents dans la rame : des salariés pour des raisons professionnelles, mais aussi des invités non-salariés.
Un rapport commandé par la SNCF et Systra après l'accident et remis début juillet, que l'AFP s'est procuré, formule plusieurs préconisations pour mieux encadrer les essais ferroviaires. Ses auteurs, l'ancien président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) André-Claude Lacoste et l'universitaire Jean-Luc Wybo, recommandent notamment de "positionner deux caméras équipées de micros dans la cabine de conduite", l'une filmant la voie, l'autre le pupitre de commande du train.
Le "cadre transport traction" (CTT) - le supérieur du conducteur - présent en cabine serait relié par un casque-micro au chef d'essais, installé dans la voiture-laboratoire où il pourrait visionner les images filmées à l'avant du train et disposerait d'un "bouton de freinage d'urgence". Alors que sept personnes étaient présentes en cabine lors de l'accident du 14 novembre, ce nombre doit être "strictement limité à quatre", une cinquième personne pouvant "ponctuellement" y être admise lors d'un essai à vitesse normale. En revanche, "lors des essais en survitesse, aucune personne extérieure ne doit être autorisée à monter dans le train".
Les auteurs conseillent en outre de "rendre obligatoire le "briefing" avant chaque marche d'essais" et d'"instaurer un +débriefing+ après chaque marche". Ils suggèrent par ailleurs de créer une formation et une "habilitation spécifique" pour les pilotes d'essais, comme dans l'aéronautique. Pour les essais en survitesse, "pourrait être étudiée la possibilité de simulations numériques", comme pour les sous-marins militaires, ajoutent-ils.