Les gens vont parfois en forêt pour récupérer du bois de chauffage, cueillir des fruits, ou ramasser des champignons. En ces temps de disette économique, il peut être tentant de faire ainsi pour arrondir les fins de mois. Mais attention : des règles sont à connaître.
L'affouage et le glanage, en avez-vous déjà entendu parler ? Le fait de ramasser du bois, pour l'un, ou des fruits et champignons, pour l'autre, peut passer pour une idée séduisante ces derniers temps.
Mais tout ceci ne se fait pas librement. Il convient de connaître certaines dispositions avant de vouloir bénéficier de la générosité de Mère Nature.
France 3 Champagne-Ardenne a appelé l'Office national des forêts (ONF), gestionnaire des forêts publiques françaises, pour en savoir plus. C'est l'un de ses responsables commerciaux adjoints, Olivier Seveleder, basé à Nancy (Meurthe-et-Moselle), qui a donné les détails relatifs aux forêts publiques, qu'elles soient communales (gestion municipale) ou domaniales (relevant directement de l'État).
Une vieille tradition
L'affouage est une pratique coutumière qui remonte au Moyen Âge. De nos jours, les dispositions y afférant se trouvent inscrites dans le code forestier. "Le texte n'a quasiment pas été modifié depuis le code forestier de 1801, juste après la Révolution." Voilà pour la partie historique. Et en pratique ?
"Il s'agit des dispositions par lesquelles une commune peut décider de conserver du bois, réserver une partie de la ressource de sa forêt pour ses habitants." On parle bien des forêts communales, et d'un usage du bois "propre et domestique". Depuis les années 2010, il n'est plus autorisé de revendre ce bois ensuite.
Il ne s'agit pas "d'un droit d'usage", qui tiendrait pour acquis ad vitam : il peut être remis en cause. "Ça peut être remis en cause chaque année par le conseil municipal. En fonction d'éléments économiques, sociaux... La commune va donc délibérer pour savoir s'il y aura des coupes, ou des parties de coupes qui seront réservées pour l'affouage aux habitants. Elle peut très bien décider de ne pas le faire."
Si on prévoit 20 stères par habitant et qu'il y a 50 de ces habitants, ça fait 1.000 stères.
Olivier Seveleder, responsable commercial adjoint à l'ONF
La liste arrêtée (on la nomme "le rôle d'affouage") est nominale. "Il est décidé qui y a droit ou non. La règle la plus simple, par exemple, c'est d'en réserver seulement aux gens en résidence principale sur la commune, qui y habitent toute l'année." Les quantités mises à disposition sont raisonnables, "en cohérence avec le nombre d'habitants. Si on prévoit 20 stères par habitant et qu'il y a 50 de ces habitants, ça fait 1.000 stères."
En général, il faut s'inscrire en appelant la mairie et respecter les critères qu'elle fournit. Le rôle est publié vers la fin de l'été ou le début de l'automne, histoire de laisser assez de temps pour récolter le bois en vue de passer l'hiver jusqu'au printemps.
S'équiper pour récolter
"Des coupes sont programmées au titre du document de gestion durable de la forêt", précise l'expert. "Au sein de ces coupes programmées, certaines vont être vendues à la filière bois professionnelles, d'autres seront réservées pour l'affouage. Cela relève du choix de la commune."
Du côté de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine, la très grande majorité du bois concerné est laissé "sur pied", c'est à dire qu'il n'a pas été coupé par les services municipaux. "Chaque habitant doit aller exploiter son lot de bois de chauffage." Il est rare que la commune "façonne" (c'est l'expression) ce bois, pouvant alors être récolté facilement.
Ce n'est pas tout à fait gratuit. "Les affouagistes ont une taxe à payer auprès de la commune. Celle-ci en fixe le montant. Elle permet de financer les frais dont la commune doit s'acquitter, notamment la taxe foncière sur la propriété forestière même si elle est très faible. Il y a aussi ce qui est dû à l'ONF au titre de la garderie des forêts."
"Et après, il y a le prix de la matière, le prix du bois fixé aussi par la commune. Elle peut très bien décider de faire un geste social, en ayant un prix de matière qui soit en-dessous de la valeur réelle du marché." C'est l'un des pouvoirs de la commune. À noter qu'aucun affouage n'a lieu au sein des forêts domaniales (juste une poignée de ventes règlementées, limitées en quantité, à quelques particuliers).
Des fruits et champignons aussi
Le glanage peut concerner des baies, des fruits, des champignons (mais surtout pas le bois)... "La forêt appartient toujours à quelqu'un. Et si on lit le texte du code forestier, rien ne peut y être ramassé sans l'accord du propriétaire, le gestionnaire. En ce qui concerne les forêts publiques, c'est l'ONF."
"Mais dans les faits, on a un système de tolérance." On peut donc sortir son panier et aller cueillir des champignons, "pour faire son omelette le soir". Parce qu'il n'y aucun dommage causé au patrimoine forestier.
Tel n'est pas le cas avec "quelqu'un qui organise une opération complète de parcours de la forêt pour ramasser l'ensemble des champignons pour en faire le commerce. Ça, c'est interdit : on a déjà fait des opérations avec la gendarmerie." Tout est une question de limites. Ces dispositions sur le glanage concernent les forêts communales et domaniales.
"C'est pareil pour fruits. Les myrtilles du massif vosgien, si les gens viennent sans outils et avec juste un panier pour les ramasser pour leur tarte, il n'y a pas de problème." Le sens de la mesure est donc présumé.