Alsace : Coup de gueule d'un restaurateur "La porte est toujours ouverte, pass sanitaire ou pas"

Jésus est propriétaire, dans un petit village alsacien, d'un restaurant estampillé "zone libre". Comprenez où le pass sanitaire n'est pas obligatoire. Comme son homonyme, Jésus accepte tout le monde et surtout prêche la bonne parole, enfin la sienne. "Le pass sanitaire, c'est une vaste connerie."

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Il a choisi Jésus comme pseudo parce que "j'ai 33 ans et que je prêche la bonne parole." La comparaison s'arrête là. Notre Jésus aime la bonne chère, est alsacien. Il est surtout un homme ... en colère. Ce restaurateur a installé ses fourneaux dans un petit village du Bas-Rhin en même tant que le Covid. "Quand j'ai appelé le banquier, il m'a dit que j'avais un grain, mais j'ai tenu bon. Malgré tout, je ne le regrette pas."

Les chiffres donnent pourtant raison à son créancier : "Cette année, nous avons perdu 50 à 60% de notre chiffre d'affaires par rapport à 2020. Le loyer lui est à 100%, les charges aussi. Oui, nous avons eu des aides, mais cela ne suffit pas, sans compter les retards de paiement ..." Alors, Jésus a décidé de se rebeller "pour sauver ses fesses", par conviction aussi, mollement : "Le passe, on s'en branle un peu voilà." Oubliez le chapelet de messe, avec Jésus c'est celui de gros mots. 

"Une emmerde supplémentaire"

Les affaires ne sont pas bonnes, c'est le moins que l'on puisse dire. Malgré la vente à emporter, malgré les aides, Jésus est sur la corde raide. "Encore six mois comme ça et on va rentrer dans la spirale infernale où pour sauver nos fesses, il va falloir virer des gens ou mettre la clé sous la porte." En semaine, Jésus ne fait plus qu'une vingtaine de couverts contre le double l'année dernière à la même époque : "Ca ne suffit pas, clairement, pourtant on fait une cuisine de qualité, avec des produits de qualité. Le pass sanitaire est pour nous une catastrophe." Selon une enquête réalisée par le Syndicat des indépendants et des TPE, 87%  des restaurants sondés constateraient une baisse de leur fréquentation et pour 73% d'entre eux, elle atteindrait les 40%.

Aide-toi et les ciel t'aidera. Durant les derniers confinements, Jésus avait ouvert son établissement clandestinement. Cette fois, il a décidé "de s'éviter des emmerdes supplémentaires" en ne rendant pas le pass obligatoire. Il fait donc désormais partie des ces restaurants estampillés "zone libre".

Cette petite pastille verte, qui commence à faire des émules parmi les restaurateurs français, est devenue l'étandard des établissements qui, selon leur page Facebook "sont attachés à la liberté et à la dignité de tous et par conséquent, opposés au pass sanitaire." 

Ce macaron d'un nouveau genre, Jésus ne l'assume pas totalement quand même. "Nous avons le logo en effet mais je ne l'affiche pas sur la porte, au risque de voir les camionnettes de police débouler. Mais je le pose sur les tables pour que les clients le voient ... et en parlent."

Le credo du restaurateur est simple : tolérance. "J'accepte tout le monde, les vaccinés et les non-vaccinés, les pass et les sans-pass. Je suis moi-même vacciné, je n'ai rien contre, chacun fait ce qu'il veut en son âme et conscience, mais moi je refuse de refouler les gens comme des malpropres et de faire de la ségrégation. Ici, il n'y a pas de religion, pas de politique, des fois, on est un peu con, mais la porte est toujours ouverte."

Ici, il n'y a pas de religion, pas de politique, des fois on est un peu cons mais la porte est toujours ouverte

Jésus

C'est le cas de le dire. "Sur un groupe de cinq  personnes, si deux n'ont pas de pass, je ne vais pas les refuser, si ? Je contrôle quand même mais s'il le faut, je scanne cinq fois le même code c'est tout. Je tiens tout de même à préciser que 70% de mes clients ont le pass." 

 

Le bouche à oreille

Jésus est clairement anti-pass même s'il admet que : "C'est trop compliqué. Je comprends les clients vulnérables qui ont peur et qui sont rassurés avec le pass. Je comprends aussi ceux qui n'ont pas envie d'en avoir un et de se sentir surveillés. Je ne veux juste pas faire la police et refuser par exemple des clients non vaccinables, j'en ai au moins trois, je vais pas leur donner des barquettes. Je ne veux refuser personne. Ne mettre personne dans des cases. Sinon c'est de la ségrégation. De toute façon je ne pige pas la logique de ce pass : si je suis vacciné, je peux être porteur et diffuseur donc c'est quoi le but ? C'est un vrai sac de noeuds. " 

Je ne veux refuser personne. Je ne veux mettre personne dans des cases.

Jésus

De bouche à oreille, les sans-pass atterrissent chez Jésus. La pastille verte commence à devenir un argument marketing. Venez comme vous êtes, un slogan qui a déjà fait ses preuves avec les hamburgers alors pourquoi pas avec les knacks. "Même si je n'affiche pas le macaron et que je prèfère rester discret les gens savent, ça circule. Ca remplit pas le restaurant, mais j'en vois chaque jour qui viennent pour cette raison là. C'est clair." En cas de contrôle inopiné, la stratégie est élaborée en amont, dès l'entrée du restaurant. "Je leur fais confiance. Moi je veux bien les accepter mais en cas de pépin, ce sont eux qui doivent assumer. S'ils n'ont pas leur pass et que j'en ai scanné un autre, c'est à eux de dire qu'ils m'ont floué. C'est la règle. Ils risquent bien moins que moi avec une fermeture administrative." 

Je fais confiance aux clients. Moi je veux bien les accepter mais en cas de pépin, ce sont eux qui doivent assumer.

Jésus

Le restaurateur alsacien espère tout de même que ce petit-jeu de dupes-là ne durera pas trop longtemps. "C'est fatigant à la longue. On veut simplement faire marcher nos établissements, avant qu'il n'y ait une hécatombe, retrouver une vie normale au plus vite, en septembre ? " Jésus croit encore un peu aux miracles.

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