L'enseignement immersif consistant à parler en langue régionale en cours, ne se fera pas dans les écoles publiques françaises : le Conseil constitutionnel censure une partie de la proposition de loi Molac, adoptée par les députés et les sénateurs en avril dernier. Réactions en Alsace.
L'enseignement, qui permet en Alsace, une immersion en langue alsacienne ou allemande, ne pourra pas se faire dans les écoles publiques, comme cela existe dans les écoles d'enseignement bilingue ABCM-Zweisprachigkheit. Le Conseil constitutionnel a rejeté ce vendredi 21 mai, la partie de la proposition de loi Molac, qui l'aurait permis. Ce rejet déçoit et met en colère la sénatrice et conseillère départementale à la Collectivité européenne d'Alsace, Laurence Muller-Bronn. Pour elle, qui vient de Gerstheim, un village où une école pratique cette immersion à 100 % en alsacien ou allemand : "C'est une très grande déception et je suis en colère, parce que l'amendement sur l'enseignement immersif est passé par le vote de l'Assemblée nationale et du Sénat. On a senti qu'il y avait une volonté de toutes les provinces de France à un retour à leur patrimoine linguistique."
En Alsace, on y avait pourtant cru un peu le 8 avril 2021, quand l'Assemblée nationale avait définitivement adopté la proposition de loi en faveur des langues régionales, par 247 voix pour, 76 voix contre et 19 absentions. Mais les sages du Conseils constitutionnel ne voient pas la place des parlers locaux de la même façon. Plutôt comme une sorte de menace pour le français. Dans leur décision de ce vendredi 21 mai 2021, ils retoquent une partie de la proposition de loi pour motif que cet enseignement est contraire à l'article 2 de la Constitution qui dispose que "les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français."
Incroyable ! Le conseil constitutionnel censure l'enseignement par immersion et l'usage des signes diacritiques en #languesregionales car contraire à l'article 2. Je réclame en urgence un projet de loi constitutionnel pour modifier cet article.
— Paul Molac (@Paul_Molac) May 21, 2021
Aux yeux de Laurence Muller-Bronn, le gouvernement revient ici sur une volonté des élus qui représentent les citoyens français. "En quoi ce texte pose-t-il problème ?" demande-elle. "C'est le ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer qui a organisé la demande de révision. Il ne veut pas reconnaître les particularités et les langues régionales, mais pourquoi avoir peur d'une des richesses de notre pays ?" La sénatrice précise que cette immersion linguistique était une proposition faite aux parents et aux enfants et non une obligation, une opportunité. "Cela aurait permis également de faire reconnaitre l'enseignement associatif et aurait pu déclencher des aides." estime-elle.
"L'immersion linguistique existe dans de nombreuses structures associatives du pays, donc ce n'est pas anticonstitutionnel, sinon cela n'existerait pas."
"C'est un mauvais signe que donne le gouvernement" estime la sénatrice qui s'interroge sur la raison de cette mobilisation qui, selon elle, "vise à tuer les langues régionales". En quoi les langues régionales gênent-elles? Le sénat et l'assemblée nationale représentent les Français, c'est incompréhensible." conclut-elle.
Dans un communiqué, Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, chargée de l'Insertion et candidate aux élections régionales du Grand Est, exprime également sa déception: "Je constate avec regrets, malgré ces avancées, que le combat pour la protection et le développement des langues régionales fait débat et suscite à nouveau des réticences."
En Alsace, il existe dix écoles ABCM Zweisprachigkheit qui ont toujours pratiqué l'enseignement bilinguisme français-allemand. Certaines ont ajouté l'immersion en alsacien, quand elle avait les enseignants pour le faire. L'Eurométropole de Strasbourg voulait s'en inspirer pour ses écoles publiques. Ce projet est remis en cause par la décision de Conseil constitutionnel. C'est l'incompréhension chez les défenseurs des langues régionales, pour qui elles ne représentent pas une menace, mais au contraire elles enrichissent la France grâce à leur diversité.