Alpro, le leader européen des boissons végétales, annonce un investissement de 16,5 millions d’euros. Son usine d’Issenheim va augmenter la transformation du soja produit en Alsace.
Une progression fulgurante. "On est débordé, la demande est folle". Le directeur technique de l’usine Alpro ne mâche pas ses mots. Le soja a le vent en poupe. La consommation a triplé entre 2013 et 2020. Elle devrait encore s’envoler de plus de 50% d’ici 2025.
Pourtant, l’usine d’Issenheim dans le Haut-Rhin a longtemps végété depuis ses débuts en 1986. "A l’époque, on produisait 250 tonnes de boisson végétale", se souvient Jean-Noël Nail. "Aujourd’hui, on est à 200.000 tonnes". La demande a réellement décollé depuis une décennie. Pour l’accompagner, Danone, maison-mère d’Alpro depuis 2016, va investir 16,5 millions d’euros. 70.000 tonnes de boissons végétales supplémentaires sortiront chaque année à partir de juillet 2022.
Du soja 100% français et sans OGM. La filière tient à la précision. Car si la consommation progresse, l’image du soja reste très dégradée. Elle est souvent assimilée aux OGM et à la déforestation. En Alsace, pas de soja bio pour autant. La filière n’est pas correctement organisée contrairement au Sud-Ouest de la France. Alpro se fournira donc dans la région toulousaine pour le soja bio (20%) et en Alsace pour le soja conventionnel (80%).
Plus de 400 producteurs en Alsace
Alpro affirme ne pas acheter de soja sur le marché mondial. L’entreprise travaille par contrats avec des groupements d’agriculteurs. En Alsace, ils sont environ 400, essentiellement dans le Haut-Rhin, à participer à l’approvisionnement de l’usine. Benjamin Lammert est un pilier de la production de soja. Il confirme la progression. "Il y a 6-7 ans, on comptait 1.200 hectares de soja en Alsace. On en est à 6.000." Avec les ambitions d’Alpro, les surfaces devraient encore augmenter. "C’est un oléagineux plus simple à travailler qu’un maïs, mais il est aussi plus délicat".
La plante ne nécessite pas d’azote. Elle se débrouille seule, pourvu que l’agriculteur lui procure une bactérie de type Bradyrhyzobium. Mais comme le maïs, elle est gourmande en eau. "Les trois dernières années sèches ont été difficiles pour le soja, même avec l’irrigation. Les fortes chaleurs nuisent à la plante", confie l’agriculteur haut-rhinois.
Des millions d’euros pour la filière
Et puis, il faut investir dans le matériel. Le soja se présente sous la forme d’une tige avec 10 à 12 étages de gousses. Chacune renferme les précieuses graines. Le premier étage n’est qu’à quelques centimètres du sol. "Il faut donc une barre de coupe spéciale pour la moissonneuse-batteuse. Si on perd le premier étage, c’est 10% de rendement en moins". La barre de coupe n’est pas donnée. Plusieurs milliers d’euros. Le gouvernement met la main à la poche. 40 millions pour aider le monde agricole à s’équiper.
Car la production de cette protéine végétale représente un défi pour la France. Elle en produit peu et en importe beaucoup. Surtout pour l’alimentation animale (volaille, porcs, vaches laitières). L’époque est au retour à la souveraineté alimentaire. Mais le chemin sera long vu les quantités importées. Le gouvernement table sur un doublement des surfaces dédiées aux protéines végétales d’ici 2030. 120 millions d’euros y seront consacrés dans le cadre du plan de relance.
Si Alpro a construit sa filière pour l’alimentation humaine, celle du soja français pour l’alimentation animale doit encore progresser. En Alsace, l’usine Lienhart à Boofzheim est déjà engagée sur ce secteur. 14.500 tonnes de graines de soja sont transformées en tourteau, le produit dérivé destiné aux animaux. L’entreprise est la seule du genre dans le Grand Est. L’outil est aujourd’hui saturé, et la production de soja alsacien loin d’être suffisante.