Les arboriculteurs appellent cela la lutte. La lutte contre le gel pour sauver les arbres fruitiers en pleine floraison. La nuit du dimanche 3 avril, il a déjà fallu allumer les bougies, faire fonctionner les tours à vent. Mais le pire est annoncé la nuit prochaine avec des températures très froides.
Qui dit gel en avril, dit vergers en danger. Alors, ni une ni deux, j'appelle Daniel Dettling, arboriculteur à Westhoffen, dans le Bas-Rhin. C'est sa femme qui répond. "Ça va, je ne vous dérange pas?... En fait je vais me coucher, me répond une voix douce mais lasse, je vous passe mon mari."
Il faut dire qu'à deux heures du matin ce dimanche 3 avril, les Dettling sont réveillés par leur alarme anti-gel. La température est descendue à -0,5 degrés, il faut se lever pour allumer le dispositif de protection des arbres fruitiers. "Quand ça sonne, il faut vraiment se mobiliser pour réussir à se lever", me confie Daniel Dettling.
Une fois sur place, il s'agit d'allumer le dispositif mis en place au préalable, des bougies qui fonctionnent au pétrole. "On le fait sur un hectare (le domaine en compte 16, NDLR), parce qu'on ne peut pas tout protéger. Là, il s'agit de sauver les abricots, les pêches et les cerises. Et puis, il faut tout calculer, parce que une nuit de lutte c'est 1 500 euros, donc il faut que cela reste rentable."
Vers 8 heures les Dettling ont pu éteindre et enfin aller se coucher. Ils ne sont pas les seuls arboriculteurs d'Alsace à avoir dû écourter leur nuit. Sur la quarantaine de professionnels que compte la région, beaucoup se sont levés.
De plus en plus d'investissements dans la lutte antigel
Pierre Barth, président de l'association du verger expérimental d'Alsace que je dérange en plein footing de récupération, relativise tout de même. "Par rapport à d'autres régions, on a été relativement épargnés. Les températures négatives ont commencé mais un voile nuageux a permis qu'elles remontent assez vite. Pour ma part, j'ai mis en route les deux tours à vent (sorte d'énormes ventilateurs, NDLR) dans lesquelles j'ai investi".
Et c'est bien tout le problème. Les arboriculteurs sont de plus en plus contraints de s'équiper pour lutter contre le gel, avec des investissements de plusieurs dizaines de milliers d'euros. "Les nuits de lutte sont de plus en plus récurrentes, à cause de l'avancée de la floraison", explique encore Pierre Barth. La douceur s'installe plus tôt dans l'année, parfois dès le mois de mars enclenchant le processus de floraison, en danger donc, puisque les périodes de gel début avril sont fréquentes.
L'an dernier par exemple avait été catastrophique pour les arboriculteurs. "J'ai perdu tous mes abricots et une partie de mes cerises et de mes prunes, confirme Daniel Dettling, qui exploite des vergers depuis 2003.
Il redoute la nuit à venir. "Le froid devrait arriver plus tôt que la nuit dernière. Il va donc falloir tenir jusqu'à ce que les températures remontent." Une dernière nuit de lutte puisque selon Météo France, une perturbation arrive par l'ouest dans la nuit de lundi à mardi et devrait faire remonter les températures.