Attaque du Hamas en Israël : "des gens m’appellent en larmes, qu’ils soient juifs ou non, tout le monde est bouleversé"

Roï Azoulay est chef d'orchestre et il habite dans le sud d'Israël avec sa famille. Jacques Zucker est président de l'association Alsace-Israël. Les deux amis se parlent souvent. Depuis samedi, ils ne parlent que de l'attaque du Hamas. Témoignages.

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Ce sont deux amis proches. L’un est à Strasbourg, l’autre à Dimona, en Israël. "Je suis sonné par tout ce qui se passe depuis le 7 octobre. J’ai ma tante régulièrement au téléphone, c’est l’horreur. Dans deux kibboutz, ils ont tué tout le monde. Ils ont absolument tué tout le monde, l’équivalent de deux villages. En entrant dans les maisons et en tuant les gens dans leurs lits. Il était 6h du matin, ils dormaient encore. Je suis lessivé, ratatiné, c’est irréel."

Jacques Zucker a la voix qui tremble. Il est le président de l’association Alsace-Israël, qui œuvre pour "diffuser la culture alsacienne en Israël et vice-versa". Il a vécu en Israël quelques années et il est réserviste, "mais on ne m’a pas appelé après l'attaque, vu mon âge", explique tranquillement le septuagénaire. Le décompte des morts ou les découvertes macabres, il les a souvent avant les médias français.

Toute sa famille est à Tel-Aviv, et son ami Roï Azoulay est chef d’orchestre freelance, il habite à Dimona, à 80 km de la bande de Gaza, dans l’est du Neguev. Il a été chef de chœur de la grande synagogue de Strasbourg pendant trois ans. "L’Alsace, c’est ma deuxième maison. Ma femme est française, on vient ici plusieurs fois par an."

Nous sommes à 80 km de Gaza, donc c’est plus calme chez nous que dans d’autres villes, mais on est quand même angoissés.

Roï Azoulay, chef d'orchestre freelance, habitant de Dimona

Pour le musicien et sa famille, la vie a basculé samedi matin. "A 6h30, nous avons été réveillés avec les sirènes. Nous sommes sortis pour aller dans l’abri de la maison de mes parents, en portant les enfants dans nos bras. Il faut toujours faire vite, parce qu’il faut plusieurs minutes avant que le dôme de fer n’arrive à attraper les missiles. Depuis samedi, on dort tous les soirs là-bas. Nous sommes à 80 km de Gaza, donc c’est plus calme chez nous que dans d’autres villes, mais on est quand même angoissés, on suit les infos."

Roï Azoulay a été plusieurs années directeur du conservatoire de la région d’Eshkol, une petite région administrative limitrophe de l’Egypte et de la bande de Gaza, 30 communes au total, dont des kibboutz et des moshav, ainsi que le kibboutz de Beeri, l’un des villages victimes du Hamas.

"Ce sont des communes touchées par les massacres organisées par le Hamas samedi 7 octobre. Je les connais très bien, ce sont des communautés très chaleureuses, tout le monde travaille beaucoup, dans l‘agriculture. Les parents élèvent leurs enfants avec des valeurs. Quand j’y étais, pour le conservatoire, je me suis rendu compte que la génération que j’éduque n’a vécu qu’avec les missiles. Ça m’a choqué de comprendre qu’ils n’ont connu que ça. C’était déjà un gros traumatisme. Et là, ce qui s’est passé, c’est le coup de grâce."

"Un de mes anciens élèves de 12 ans a été kidnappé avec son père, sa sœur, sa grand-mère et sa cousine de 13 ans qui est autiste. Comment vont-ils ? Est-ce que cette jeune fille peut-être prise en charge ? Il y a déjà eu des kidnappings, mais c'étaient des soldats. Des civils, des enfants, des vieillards, on n’avait jamais vu ça. On ne peut pas l’imaginer. »

On ne retrouvera pas les otages.

Jacques Zucker, président de l'association Alsace-Israël

Jacques Zucker est aussi très secoué par les images des kidnappings. Dix-sept Français sont encore portés disparus. Le Hamas revendique plus de 100 otages, le Djihad islamique une trentaine. "On ne retrouvera pas les otages, quand je vois comment ils traitent cette jeune Allemande, à moitié nue, sur laquelle ils crachent. Ici à Strasbourg, j’ai des gens qui m’appellent en larmes, qu’ils soient juifs ou non, tout le monde est bouleversé."

La vie dans le sud d’Israël est à l’arrêt. Roï Azoulay ne sait pas du tout ce qu’il va se passer pour sa famille, sa ville. "Je suis dans le flou. C’est la même sensation qu’au début de la pandémie. On ne sait rien, on ne comprend pas tout et on ne sait pas combien de temps ça va durer. Normalement novembre et décembre sont les mois les plus occupés de l’année, j’ai 20 grands concerts prévus. Le 23 octobre, je dois venir jouer à Paris avec l’orchestre andalous d’Israël, les billets sont achetés, les répétitions sont prévues la semaine prochaine… je pense que ce sera annulé."

Certains enfants veulent absolument venir faire de la musique au conservatoire, comme un refuge.

Roï Azoulay, responsable des études de chant, conservatoire de Beer Sheva

Pour l’instant, il se concentre sur les conservatoires de musique qu’il dirige à Dimona et Beer Sheva. "Il faut garder le contact avec les élèves, on organise des cours par visio. Je fais ça et je m’occupe de mes enfants, puisqu’il n’y a plus d’école. À Dimona, nous sommes dans une ville protégée, donc ça va encore. Mais Beer Sheva est à 45 km de Gaza, on entend les sirènes en permanence. Alors, on essaie de réfléchir comment on garde le moral des enfants. Certains veulent absolument venir faire de la musique au conservatoire, comme un refuge. Ils veulent jouer de la musique, pour penser à autre chose qu’à la guerre."

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