C'est même une histoire très sérieuse. Olivier Dessy, 44 ans, et sa poule Loreleï, 9 mois, prendront le départ le 5 avril prochain du canton des Grisons en Suisse pour rejoindre un mois plus tard, si tout va bien, Rotterdam. 1300 kms en kayak et en bonne compagnie.
Ça lui picorait la tête depuis un certain temps. Prendre le large. S'évader. Seul. Faire le point sur sa vie. Se ressourcer. Loin des turpitudes de ce monde de fous. Blabla. D'aucuns marchent vers Compostelle. Olivier Dessy, lui, a choisi de ramer jusqu'à Rotterdam. Chacun son truc. Et comme la solitude, à la longue, c'est pesant, Olivier partira avec Loreleï. Sa poule. Au sens propre. Ce qu'on vous propose ici ce n'est ni plus ni moins qu'une histoire belge. Au sens propre.
Objectif : Rotterdam
Olivier Dessy est photographe professionnel. Pas kayakiste pour deux rames. Aussi, parcourir 1300 kms sur le Rhin relève pour lui du défi. Du défi sportif. "Le vélo ? Non, il y a trop de circulation. A pieds ? Non faut tout porter. Du coup, je me suis dit tiens le Kayak." Voilà comment naissent les grandes idées.
"J'ai cherché alors un cours d'eau assez long et pas trop compliqué pour mon voyage. Je suis tombé sur le Rhin." Pourvu qu'il ne tombe pas dedans mais ça c'est une autre histoire. Après quelques repérages, c'est entendu. Olivier fera 40 à 50 kms par jour et bivouaquera sur les rives du Rhin. "En complète autonomie, je vais prendre des aliments lyophilisés, un filtre à eau, un réchaud et bien évidemment des graines. Peut-être mangerai-je des oeufs si Loreleï n'est pas trop stressée." Pas de wurst, pas de schnitzel, pas de rösti, pas de gouda. Si Olivier traverse six pays, il n'en goûtera, au mieux, que les alluvions.
Objectif : atteindre la mer du Nord à Rotterdam (Pays-Bas) dans les 30 jours. "J'ai repéré l'itinéraire. Au début, il y a pas mal de remous, de rapides puis ça se calme. C'est vers la fin qu'il faudra faire plus attention avec les péniches et le trafic fluvial qui se densifie. Mais ça devrait aller, je ne suis pas angoissé."
Un Kayak gonflable et une poule mouillée
On l'aura compris, Olivier voyage léger. " J'en ai pour 3000 à 4000 euros d'équipement. Je voulais du solide et du léger. Mon bateau fait 20kg, mon sac 20 aussi. Du coup, j'ai fait appel à des sponsors pour avoir le meilleur équipement possible et voyager dans de bonnes conditions." Olivier prendra aussi le sac de couchage de son père, celui que ce dernier a utilisé pour Compostelle. Il pèse un peu lourd mais que voulez-vous "Je suis sentimental."
O combien sentimental. Parce que pour embarquer une poule dans l'histoire, il faut être, oui, au mieux sentimental au pire un peu piqué. "A la maison, on a une quinzaine de poules. On les aime beaucoup. Au début c'était pas prévu et puis je me suis dit pourquoi pas ? Les pirates en avaient à l'époque sur les bateaux pour les manger et pour les oeufs. Moi je ne la ferai pas griller non. Elle me tiendra compagnie et si elle est pas trop stressée, j'aurais des oeufs"
Lorelei a le pied marin
-Olivier Dessy-
Loreleï (vous noterez son nom qui fleure bon le romantisme allemand et les légendes rhénanes), n'est pas n'importe quelle poule. C'est une Vorwerk. Pas aussi solide que le Thermomix (pour les connaisseurs) mais pareillement tout-terrain. Sociable, vive, pas trop peureuse, et serial pondeuse, cette race, allemande de surcroît, est parfaite pour ce voyage."Déjà je voulais une race allemande, pour le clin d'oeil. Et puis Loreleï a le pied marin. On a fait plusieurs essais de deux-trois jours sur le Rhin, elle a beaucoup d'équilibre. Bon une fois elle s'est envolée mais elle sait très bien nager". Pas une poule mouillée cette poule .. mouillée.
Une retraite Into the Wild ok mais avec une poule de luxe donc. Et sans prises de bec. "Elle est de charmante compagnie, bien apprivoisée. C'est chouette d'avoir quelqu'un comme ça avec soi. Je lui parle et elle sait se faire comprendre." Loreleï aura tout de même un fil à la patte (c'est ça la vie de couple) pour éviter le naufrage mais ponctuellement : "Pour passer les écluses ou s'il y a des rapides. Quand je serai occupé et que ne je pourrai pas la surveiller. Tout le reste, elle sera en liberté."
Moi ça me rappelle Titanic, l'océan en moins. Pourvu que ce ne soit pas de mauvais augure.
Un manifeste écologiste
Blague à part, le projet d'Olivier et de Loreleï est un projet fou mais ambitieux. Car le photographe profitera de son envolée sauvage pour immortaliser le Rhin à certains endroits bien mis à mal. " L'idée c'est de photographier les berges, l'environnement, de voir concrètement les conséquences du réchauffement climatique. Chaque soir, je prendrai des notes, je remplirai un journal de bord. Je verrai le Rhin sauvage, le Rhin domestiqué, le Rhin abîmé par l'homme aussi sans doute. Et je figerai ça. Mon oeil artistique sur cette descente." L'objectif étant, on l'a dit, d'atteindre, déjà, Rotterdam puis de publier un livre sur cette aventure. Départ le 6 avril prochain. Arrivée le 6 mai à Rotterdam. Enfin dans ces eaux-là.
Et pour votre information, sachez qu'il n'est nul besoin d'être belge pour avoir un grain. Une autre poule, bretonne cette fois, a elle aussi pris le large en 2014. Le grand large. Il s'agit de Monique. Elle, a fait le tour du monde au sens propre et au sens figuré. Quatre ans de voyage sans y laisser une plume. Avec au retour, un manifeste pour la sauvegarde des océans.