Le film "Une année difficile", comédie satirique qui sort ce 18 octobre, s'est appuyé sur l'expertise de Crésus, association d'aide aux personnes surendettées. Son président Jean-Louis Kiehl a fait part de son expérience aux réalisateurs. Il nous explique de quelle manière.
Le 18 octobre sort en salle "Une année difficile" (voir bande-annonce ci-dessous), réalisé par Eric Toledano et Olivier Nakache. Sorte de satire sociale, le film traite avec humour et légèreté du réchauffement climatique et du surendettement à travers deux personnages, Albert et Bruno. Surendettés et en bout de course, ils rêvent que la Banque de France efface leurs dettes. Pour y parvenir, ils comptent sur l’aide d’Henri, un bénévole d’association interdit de casino.
Ce bénévole est inspiré de ceux d'une association, elle, très sérieuse et bien connue : l'association Crésus. Elle œuvre depuis plus de trente ans au service des personnes surendettées. Chaque année l'association traite 130 000 dossiers au niveau national. Son président, Jean-Louis Kiehl, a été approché par les réalisateurs pour son expertise de la procédure de surendettement. Comment s'est passée cette rencontre ? C'est ce qu'il nous explique en répondant à quelques questions.
Comment avez-vous apporté votre expérience aux réalisateurs ?
Dans la phase d'écriture de leur scénario, ils se sont immergés dans le milieu associatif. Ils sont venus partager le quotidien de notre antenne parisienne où ils ont participé à des ateliers budgétaires.
Je les ai rencontrés et leur ai expliqué ce que sont le surendettement et le rôle de Crésus, fédération d'associations devenue le modèle d'accompagnement des ménages en grande difficulté, née en Alsace.
Ils ont construit le film de façon très intéressante en reliant deux problématiques importantes : la surconsommation, on est dans une société où on éprouve des tentations régulières et la souffrance climatique. J'ai trouvé ça assez ingénieux.
Jusqu'à quel point le film est réaliste ?
Ils se sont inspirés, avec humour, de ce que l'on fait. Le bénévole de Crésus, interprété par Mathieu Amalric, est un joueur de casino interdit de jeu. La journée, il aide les personnes en difficulté et le soir, il fait des tentatives pour aller au casino.
Les deux protagonistes du film vont devenir bénévoles dans une association de défense de la nature et de la surconsommation et participer à des manifestations pour qu'on consomme moins. Ce film est tourbillonnant. Ils ont du talent. Ils ont transformé la matière première qui est grave, le problème de la consommation et du surendettement qui conduit parfois les gens ou désespoir, voire au suicide, en une comédie légère. En apparence.
C’est un sujet très grave, le surendettement, parce que ça brise des familles. On a quand même 130 000 dossiers par an au niveau national. On a plus de 2 700 000 ménages qui sont inscrits au fichier d'interdiction de crédit, le FICP. Notre rôle, c'est d'inspirer les pouvoirs publics, de coopérer avec le monde bancaire. C'est typiquement alsacien de se dire que ce n'est pas la peine de se battre mais qu'il faut essayer de rendre le monde meilleur. Et nous, on a réussi à créer à Strasbourg une plateforme qui est unique en Europe, où les banques peuvent nous transférer leurs clients en difficulté avant qu'il ne soit trop tard.
Les deux protagonistes du film, surendettés, ont contracté des crédits alors même qu'ils étaient déjà en situation difficile. En France cela est possible parce qu'il n'y a pas de vérification. Obtenir la création d'un fichier des crédits qui n'existe pas encore, c'est le combat de Crésus depuis 32 ans. Il n'y a plus que l'Afghanistan, l'Ouzbékistan, la Corée du Nord, Cuba et la France qui n'ont pas de registre des crédits. Si vous avez une fiche de paye, vous pouvez prendre un crédit puis un deuxième, un troisième, personne ne vérifie.
Au-delà du traitement humoristique, le film est-il crédible ?
Oui, ce sont des situations que l'on rencontre. Un des protagonistes se fait passer pour un pilote d'avion alors qu'il travaille la nuit à Roissy et obtient des crédits avec des fiches de paye falsifiées. C'est au citoyen bien sûr d'être de bonne foi mais il revient aussi aux banques de faire des vérifications avant d'accorder des prêts.
Le crédit est nécessaire. Nous ne sommes pas contre le crédit. Si je continue à œuvrer c'est pour essayer de changer les choses. Le problème de la surconsommation c'est aussi, je pense, une crise intellectuelle. On a créé un programme d'éducation financière en formant 3 000 bénévoles en France. Dans les lycées et les collèges, ils ont pour mission d'apprendre aux jeunes ce qu'est un budget, comment marche un crédit l'assurance. Chaque année, on touche par ce moyen 110 000 jeunes.
À quoi fait référence le titre "Une année difficile" ?
Je pense, à la période covid et celle du confinement, qui est certes une année difficile, mais pas seulement. Si vous entendez les discours des présidents de La République depuis Charles De Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Sarkozy, Macron, ils nous disent tous chaque année, le 31 décembre, que ce sera une année difficile. Mais finalement c'est la vie et l'amour qui l'emportent, c'est ce que, moi, je comprends.
Vous continuez à travailler au développement de Crésus ?
Je préside la fédération qui regroupe 29 associations et 240 points d'accueil en France. En 2008, au moment de la crise, on a créé une fondation et chaque fois qu'il y a crise, Crésus est là. Et moi aussi. J’ai 70 ans, un jeune homme. Vous savez, je pourrais enfiler mes chaussons et rester à la maison mais je continue à me battre. Tout à l'heure, je vais aux studios de la radio RMC, ensuite, je rencontre des économistes pour renforcer ma culture économique et puis, à 15h30, je vais au Crédit Mutuel qui souhaite nous proposer une salariée, bientôt à la retraite, au service de Crésus. Je remonte demain à Strasbourg parce que le siège perpétuel de Crésus est toujours en Alsace où je réside.