Alors que Cécile Kohler franchira le 1e février le triste cap des 1 000 jours de détention en Iran, les nouvelles de son état de santé mentale et physique sont inquiétantes. C'est ce qu'a confirmé la militante du droit des femmes, Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023, également détenue en Iran.
Invitée exceptionnelle de France Inter ce 8 janvier, Narges Mohammadi, emprisonnée en Iran depuis plus de 20 ans pour ses combats en faveur du droit des femmes dans son pays, prix Nobel de la paix en 2023, a pu donner quelques nouvelles de Cécile Kohler, l'enseignante haut-rhinoise détenue depuis le 7 mai 2022 ainsi que son compagnon Jacques Paris dans les geôles du régime islamiste.
"Lorsque j'étais dans la section générale d'Evin (prison située à Téhéran, NDLR), elle était détenue dans la cellule 209, c'est-à-dire en quartier de haute sécurité. Dès que les personnes sortaient de l'isolement, elles étaient transférées dans notre section et j'ai pu leur poser des questions, explique la jeune femme, interrogée par Sonia Devillers alors qu'elle est elle-même actuellement soignée, avant de retourner en prison. J'ai pu demander des nouvelles de Cécile à des prisonnières qui ont passé quelques jours en cellule avec elle, elles disent que sur le plan physique, elle est extrêmement affaiblie. Je suis très inquiète pour elle."
Un appel vidéo le jour de Noël
Inquiétude partagée par sa famille, qui a pu avoir un contact avec elle à Noël, un appel téléphonique "un peu plus long que d'habitude, environ dix minutes", précise Noémie Kohler, sa sœur. "Comme à chaque fois, elle fait bonne figure, elle tient à montrer qu'elle tient le coup. Comme nous d'ailleurs, on veut lui montrer qu'on est fort. Mais on sent dans la façon dont elle parle, dans ses tournures de phrases, que son désespoir est de plus en plus profond, qu'elle doute de sortir un jour. C'est très douloureux pour nous."
Depuis le début de sa détention, sa famille alerte sur les conditions de son emprisonnement. Le témoignage de Narges Mohammadi vient renforcer le sentiment d'urgence à sa libération. "Ce n'est pas possible de rester en bonne santé dans des conditions pareilles aussi longtemps", assène Noémie Kohler.
"Moi aussi j'ai été en isolement. Ce sont des conditions terribles, une vraie torture, confirme la militante iranienne. Il n'y a pas de promenade, quand j'y étais, on n'avait que trois sorties dans la cour de seulement vingt minutes, par semaine. La porte de sa cellule est fermée 24h/24, sauf sur autorisation exceptionnelle pour aller à l'infirmerie.
Se retrouver très longtemps à l'isolement, trois ans pour elle, être là sans pouvoir bouger, sans prendre l'air, peut vraiment lui être fatal.
Narges Mohammadi, prix Nobel de paix 2023
Le fait d'être à ce point isolée longtemps peut la mettre dans une situation psychique terrible, la mettre en grand danger. C'est l'occasion, pour moi, de déclarer mon inquiétude pour l'état de santé de Cécile. Cet isolement est inconcevable et insoutenable."
"Le fait d'entendre ces témoignages concrètement, ça nous met toujours un coup de poing dans le ventre, parce que ça nous confronte de nouveau au concret de l'enfer qu'elle endure", réagit Noémie Kohler au micro de France 3 Alsace.
Sur le plan judiciaire, le dossier de l'enseignante n'avance pas et la famille n'a pas d'autres informations que celles qu'elles trouvent dans la presse iranienne. Un procès avait été annoncé pour le 24 novembre, mais sans suite depuis.
1000e jour de détention le 1e février
Au niveau diplomatique, guère plus d'avancées, même si le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a réaffirmé le 7 janvier, lors de la conférence des ambassadeurs, maintenir la pression sur le régime de Téhéran pour "une libération complète" des otages français en Iran, qui sont au nombre de trois : Cécile Kohler et Jacques Paris, ainsi qu'un homme prénommé Olivier, lui aussi détenu depuis 2022."Nous avançons toujours dans l'obscurité totale, sans aucune lumière au bout du tunnel. Nous essayons de garder l'espoir, de s'accrocher à la conviction que l'Etat français fait tout ce qui est possible pour les sortir de là."
Espoir que la famille essaye de transmettre à Cécile lors de leurs rares et brefs échanges. "Nous nous attachons à lui donner des nouvelles très terre à terre de la famille, car nous avons constaté que c'est là que son visage s'illumine. Des nouvelles des neveux et nièces, tout simplement, des petites choses que nous listons en famille, et que nous nous transmettons, car nous ne savons jamais quand et qui elle va appeler.
Ce qui importe, c'est de la rassurer, lui dire qu'elle n'est pas oubliée, que des gens se mobilisent pour elle.
Noémie Kohler, sœur de Cécile
Le fait de savoir que nous lui avons envoyé 750 lettres au mois de décembre par exemple lui a fait énormément de bien, car elle a peur que les efforts s'essoufflent."
La date du 1e février, au 1000e jour de sa captivité, sera d'ailleurs l'occasion d'un nouveau rassemblement de soutien à Paris. À Mulhouse, c'est le premier vendredi de chaque mois que ses proches et soutiens se réunissent.