Un an et demi après avoir acheté des billets pour France-Allemagne à Munich, le rêve, d’abord impossible à cause de la covid, s’est réalisé ce mardi 15 juin. Voici le récit de cette journée épique entre potes, conclue par une victoire des bleus 1-0 en ouverture de l’Euro.
A l’automne 2019, lorsque nous avions obtenu nos billets pour France-Allemagne à Munich, la covid n’avait pas encore bouleversé nos vies, les mots « conseil scientifique » et « confinement » n’avaient guère plus de sens que l’expression « gilets jaunes » un an auparavant. Et tous les quatre, nous étions loin d’imaginer qu’au d'un bout parcours jonché de mauvaises surprises, cette victoire des bleus ce mardi 15 juin puisse générer chez nous un tel sentiment de plénitude.
Ce bonheur, ce n’est pas seulement celui d’avoir gagné 1-0 contre l’Allemagne, chez elle, dans l’un des stades les plus mythiques d’Europe, l’antre du Bayern de Munich. Bien sûr, pour nous Alsaciens, battre notre meilleur ennemi, ce vieil et redoutable adversaire, fait toujours son effet (n’est-ce pas?). Ce bonheur, c’est d’abord celui d’avoir pu vibrer, s’enlacer, crier, et vivre un tourbillon d’émotions avec ses amis. Après des mois de couvre-feu, de confinements successifs et de fermeture des lieux culturels et sociaux, après des semaines à compter les carreaux de son appartement, il est bon de voir que les moments de partage avec des personnes que l’on aime n’ont rien perdu de leur saveur. Et que cela fait du bien.
2.500 Français chanceux tirés au sort... dont nous
Même dans une Allianz Arena dont la capacité d’accueil fut réduite à 22% de la capacité du stade, soit 14.500 supporters... Il nous avait manqué, ce pouvoir fédérateur du football. Elles nous avaient manqué, ces émotions et cette liesse. Cette histoire, notre histoire, c’est aussi celle de quatre chanceux. Car oui, avoir pu assister au match d’ouverture des bleus a aussi été rendu possible par un coup de pouce du destin. Ce coup de pouce, c’est ce mail, arrivé fin mai, indiquant que nous avions été tirés au sort. Très sincèrement, vu le contexte épidémique depuis fin 2020, nous n’y croyions plus. Il a fallu plusieurs jours d’ailleurs avant de vraiment réaliser. De jubiler.
L’organisation s’est alors faite dans l’urgence. Les contraintes professionnelles des uns et des autres nous ont obligés à opter pour un aller-retour express en voiture de Strasbourg jusqu’à Munich. Mais attention, ce ne fut pas si simple. Ce fut même un parcours du combattant. L’UEFA et les autorités allemandes en avaient encore sous le pied pour éprouver notre abnégation. Réalisation d’un test antigénique daté du jour à match à réaliser sur le territoire allemand, achat de masques FFP2 (obligatoires en Bavière), mise en place d’un protocole d’accueil très strict, notamment concernant les parkings.
Tests, FFP2, contrôles à l’entrée de Munich: le parcours du combattant
C’est à Kehl, juste de l’autre côté du Rhin, que l’étau se desserre, hier vers 13 heures, au moment de recevoir nos résultats de tests (sur rendez-vous) tous négatifs. Ouf. L’aventure continue. Accompagnés par Johnny et Vegedream (notre bande est très éclectique) mais aussi par un soleil de plomb, nous partons donc vers Munich. 4h plus tard, sans l’ombre d’un bouchon et sur un revêtement parfait, nous déboulons dans la capitale de Bavière, garons notre voiture, enfilons notre tenue de soirée, à savoir le dernier maillot deux étoiles des bleus avant de rejoindre le métro pour trois arrêts. Impossible de se tromper, des maillots blancs de la Mannschaft et bleus de la France se font toujours plus nombreux et affluent de tous les côtés. Tous se dirigent vers le même endroit, comme un pèlerinage, l’Allianz Arena. Elle s’offre d’ailleurs à notre vue dès la sortie de la rame.
En chemin, nous croisons le très sympathique champion du monde 98, Robert Pires, commentateur de l’Euro. Un moment, bien entendu, que nous immortalisons. Il est 18h30, c’est l’heure du début des chants, du chambrage, toujours sympa, entre les deux camps. Les supporters, quels qu’ils soient, sont tous très contents d’être là. Comme nous. Reste à passer le dernier obstacle du billet validé via un QR code et nous y voilà. Comme des enfants.
Des jets d’adrénaline permanents
A 20 heures, une bratwurst et une bière (sans alcool) plus tard, nous rejoignons nos places. Elles se situent porte L, dans un trois-quarts de virage, derrière le but français. Avec une jauge à 22%, nous jouissons d’un espace considérable. C’est confortable et déroutant en même temps. Mais c’est déjà bien. Très bien même. Les joueurs entrent sur la pelouse pour s’échauffer et la voix déjà un peu rauque, il est ensuite alors l’heure d’entonner la marseillaise. Et là, très vite, les premiers frissons, de joie, de soulagement, après des mois de privation.
Le reste, ce sont des jets d’adrénaline permanents. Du but contre son camp d’Hummels aux deux buts refusés à Mbappé puis Benzema, en passant par un VAR en mode silence radio au moment d’un tacle allemand litigieux dans la surface, c’est l’extase, la frustration, le suspense, les doutes, les cris, les accolades, et finalement les sourires victorieux.
Retour à 3h du matin, le cœur léger
Un peu avant 23 heures, nous voilà soulagés, mais surtout heureux. De ce succès mais aussi de ce de torrent d’émotions partagé entre nous et avec nos camarades de tribunes. Il était temps... Heureusement, les bonnes habitudes se reprennent vite. Il est déjà l’heure de reprendre la route. Deux d’entre nous travaillent ce mercredi. Au loin, l’Allianz Arena s’illumine aux couleurs du drapeau français (pas si chauvins nos voisins). Retour du bercail direction Strasbourg. Nous y arrivons vers 3 heures du matin. Les paupières lourdes mais le cœur léger et les têtes pleines de bons souvenirs. Que cela fait du bien de vibrer à nouveau.