Féminicide : "Elle avait peur, mais personne n'a réagi", témoigne une sœur de victime, morte à Strasbourg en décembre

Leyla Cetindag a perdu sa sœur, morte sous les coups de son ex-mari le 23 décembre dernier à Strasbourg. Alors que le ministre de l'Intérieur a annoncé de nouvelles mesures ce dimanche 1er août, la jeune femme insiste sur l'importance d'une meilleure écoute et prise en charge des plaignantes.

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La voix chevrotante, les mains tremblantes et les yeux humides. Près de huit mois après les faits, Leyla Cetindag est encore marquée, émue, dévastée par le drame qui a secoué sa vie et celle de sa famille ce 28 décembre 2020. Ce jour-là, quasiment une semaine de silence, inquiétude et de vaines recherches, le corps de sa soeur, Yasemin, une jeune femme de 25 ans, est retrouvée enterrée dans la forêt de Vendenheim.

Une tragédie tristement banale pour laquelle un rassemblement est organisé le samedi 2 janvier, dans le froid de la place Kléber à Strasbourg. L'autopsie, elle, conclura à un étranglement. Son ex-conjoint, dont elle était séparée depuis six mois et avec qui elle a eu quatre enfants, est rapidement désigné comme le principal suspect et placé en détention provisoire. Son procès devrait avoir au printemps 2022. "Il faut qu'il paye, lance Leyla Cetindag. Ça ne nous rendra pas Yasemin. Mais c'est un acte si odieux, si barbare, qu'il mérite de payer."

Ma sœur avait peur, elle ne se sentait pas protégée

Leyla Cetindag, la sœur de Yasemin

En attendant, restent la tristesse et une immense amertume. "Ma soeur était pleine de vie, mais elle avait peur, elle se sentait menacée, mais pas protégée. La police, la justice, et même l'assistante sociale ont bâclé leur travail. Il n'y pas eu de téléphone grand danger ou de bracelet électronique. Personne n'a vraiment réagi et maintenant elle n'est plus là", constate-t-elle, encore en colère.

Deux plaintes et 13 mains courantes déposées

La relation entre Yasemin Cetindag était pourtant devenue conflictuelle, voire explosive depuis plusieurs années. "Ça c'était dégradé avec la naissance des enfants, et ça s'est accentué avec leur séparation. Elle n'était jamais tranquille. Son ex-mari n'a eu droit qu'à un rappel de la loi", confie-t-elle encore. Deux plaintes, l'une pour menace de mort, avaient été déposées. L'une d'elles sera finalement retirée, mais il faut ajouter également 13 mains courantes. Des signaux qui auraient dû alerter les autorités compétentes selon Leyla Cetindag. 

Sur fond de nouvelles mesures annoncées ce dimanche 1er août dans un entretien exclusif au Parisien par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, la Schilickoise insiste sur le caractère primordial de l'écoute dont devraient jouir les femmes victimes de violence. "Sinon, on sait comment ça se termine: dans la rubrique fait-divers. Et puis, on passe à autre chose, jusqu'au drame suivant", ajoute-t-elle.

Accompagner au-delà de la plainte pour éviter l'isolement

Le gouvernement a recensé 102 féminicides en France en 2020. Pour améliorer la lutte contre les violences conjugales, le gouvernement compte étoffer son arsenal. Traitement prioritaire des plaintes et suppression des mains courantes, officier spécialisé dans chaque commissariat ou gendarmerie, recrutement d'officiers de police judiciaire, des "bonnes nouvelles" pour Sabrina Bellucci, la directrice de Viaduq 67, une association d'aide aux victimes.

"Améliorer la transmission d'informations au sein de la chaîne pénale, prendre en charge systématiquement et avec sérieux des faits qui viennent d'être révélés, ce sont des éléments très importants, insiste-t-elle. Ce qu'il faut également, c'est de ne pas lâcher les victimes. Porter plainte est souvent une décision très lourde à prendre, c'est une prise de risque aussi. D'où l'importance d'accompagner les femmes, pour qu'elles osent parler plutôt que de rester dans le silence et l'isolement."

Des policiers en sous-effectif et déjà débordés

Du côté du syndicat Alternative police CFDT Grand Est, on pointe surtout la tension au niveau des effectifs qui risque de contrarier la mise en oeuvre des mesures voulues par le ministre de l'Intérieur. "Rien qu'à Strasbourg, il manque 60 fonctionnaires de police. On sait s'adapter, on le fait depuis toujours. On priorise déjà les violences conjugales, mais on risque aussi de moins bien traiter les autres dossiers si on ne nous donne pas plus de moyens", explique Sylvain André.

Un principe de réalité auquel se greffe un autre constat: travailler dans le domaine des violences conjugales exige des compétences spécifiques. "Cela demande d'être formé à la psychologie des victimes par exemple. Souvent, elles se terrent dans le silence par peur des représailles. Je ne suis pas certain que supprimer les mains courantes incite les femmes à parler davantage", conclut le policier, qui plaide pour la création de brigades spécialisées.

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