Rund Um. Des passionnés consacrent tout leur temps libre à leurs bonsaïs. Certains les prélèvent eux-mêmes dans la nature, d'autres les font venir du Japon pour les mettre en pot. Ils ciblent des arbres uniques, insolites, qu'ils cherchent ensuite à sublimer.
Dans tous les coins de son jardin, Daniel Heckel cultive des bonsaïs. En trente ans de collection, il a amassé près de 100 arbres, avec une affection toute particulière pour les mélèzes, le seul conifère à perdre ses aiguilles l'hiver. Il est capable de parler des heures de chacun d'entre eux.
Il faut dire qu'il sélectionne précautionneusement chacun de ses bonsaïs. Des heures de repérage en montagne et en forêt pour trouver la pièce parfaite, unique, insolite. Il se réfère notamment au tronc de l'arbre : il doit sortir de l'ordinaire, avoir du caractère.
À l'image de ce mélèze d'une vingtaine d'années qu'il vient de prélever (avec autorisation) dans les Alpes. "Il a déjà un tronc massif, de belles branches, de jolies courbes. Il a aussi des blessures causées par des avalanches, des chutes de pierres et des skieurs. Cet arbre a toute un vécu. Une histoire que moi, je n’aurais pas pu lui donner", explique-t-il.
Des artistes, tels des peintres et sculpteurs
L'arbre a une forme particulière : on parle d'arbre "battu par les vents". Cela correspond bien à l'idéal japonais. "Là-bas, tout doit avoir l’air naturel. Tout doit être en mouvement, dynamique, asymétrique pour qu’il y ait de quoi observer. Les Japonais estiment que ce qui droit, régulier, n’est pas intéressant. C'est l'inverse de notre façon à nous de voir les choses. Moi, j'aime ça", confie encore Daniel Heckel, président du Matsugawa bonsaï club à Mertzwiller (Bas-Rhin).
Une esthétique dont cet ancien judoka est tombé sous le charme lors d'un voyage au Japon. Depuis, il s'occupe quotidiennement de ses bonsaïs, parfois même plusieurs heures par jour : taille, ligature, arrosage... Il sculpte même ses arbres sur fond noir, tel un photographe, pour que chaque défaut lui saute aux yeux.
Un travail d'artiste qu'il compare à celui de peintres ou de sculpteurs. Dans la culture du bonsaï également, chacun a sa signature, mais ces œuvres d'art-là ne seront jamais terminées. "Un éternel recommencement", confirme Freddy Reeb, lui aussi membre du Matsugawa bonsaï club.
Un investissement de temps...et d'argent
Régulièrement, une ou plusieurs fois par an selon les essences, chaque arbre doit être taillé pour que son centre reste touffu. "Il faut beaucoup de temps pour qu'on obtienne une forme vraiment intéressante, indique-t-il. Il y a toujours de quoi faire sur un bonsaï."
Lui fait venir la plupart de ses "trésors" du Japon. Comme ce frêne aux toutes petites feuilles, dont il n'existerait qu'un seul exemplaire de ce type en Europe. Ou encore cet érable trident. "Là-bas, ils les cultivent comme nous les géraniums. Ils en élèvent des milliers afin qu'ils répondent à leurs standards. À moi ensuite d'en faire quelque chose."
Une passion qui a un prix. Certains bonsaïs coûtent plusieurs milliers d'euros, mais pour Freddy Reeb, c'est surtout un excellent anti-stress. Cajoler ses arbres lui apporte une certaine sérénité, du calme, à condition bien sûr de parvenir à les faire survivre. Pour cela, il faut surtout éviter de commettre l'erreur fatale : ces arbres miniatures en pot survivent rarement à l'intérieur.