Le 16 mai dernier, 19 pompiers français se sont portés volontaires pour faire analyser leurs cheveux et trouver des traces éventuelles de PFAS. Résultat, 6 d’entre eux, dont deux Haut-Rhinois, sont particulièrement impactés par ces polluants éternels qui seraient présents dans leurs équipements. Décryptage.
Les organisations syndicales de sapeurs-pompiers se sont rassemblées sur l’Esplanade des Invalides à Paris ce mardi 28 mai. Conférence de presse organisée pour dévoiler les résultats "alarmants" des tests PFAS, réalisés sur 19 sapeurs-pompiers dans toute la France.
Enseignement principal, 100% des pompiers testés sont exposés et les cheveux d’un tiers d’entre eux contiennent au moins 4 catégories de polluants.
"Les pompiers sont au-dessus des normes", martèle Michaël Pacanowski, représentant SPASDIS-CFTC 68. Ces substances per- et polyfluoroalkylées, surnommés "polluants éternels" du fait de leur difficulté à se dégrader dans l’environnement seraient présents dans les matériaux imperméables et les mousses anti-incendie qu’ils utilisent. "On a de nombreux collègues qui ont des cancers. Cancer du cerveau, cancer des poumons, notamment. Chez les pompiers, on a quand même une certaine hygiène de vie, on fait du sport. Donc on se pose des questions", s’alarme ce dernier.
Les pompiers plus contaminés que la moyenne des Français testés
D’autant que sur les 19 pompiers testés "6 font partie des 10% de la population étudiée la plus contaminée. Il y a des PFOA et PFOS, les plus communs que l’on retrouve chez presque tout le monde, mais aussi bien d’autres", détaille Sophie Pape, responsable du laboratoire strasbourgeois Kudzu Science qui a réalisé les analyses. Mandaté par le député écologiste de Gironde Nicolas Thierry, à l’origine d'un projet de loi visant à interdire l’utilisation des polluants éternels, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale en avril dernier, le laboratoire a déjà étudié en un an plus de 150 échantillons, toute population confondue.
"Les pompiers sont plus contaminés que la moyenne. Et d’avoir autant de personnes davantage contaminées dans un même panel, ça soulève effectivement des questions. Mais il faudrait faire une étude à plus grande échelle pour établir une statistique plus fiable", ajoute-t-elle.
"Je me dis que c’est inquiétant pour la suite"
Florian, sapeur-pompier professionnel
Parmi les 6 professionnels en question figurent deux Haut-Rhinois, dont Florian, 23 ans. Ce dernier n’a que 6 ans d’ancienneté et se dit "surpris" par les résultats. "Je suis le plus jeune testé et je fais partie de ceux qui ont le plus de polluants. J’en suis au tout début de ma carrière, j’ai encore de belles années devant moi, et pour autant je suis contaminé à des produits cancérigènes, toxiques. Je me dis que c’est inquiétant pour la suite".
La suite ? Il n’est pas certain qu’il y en ait une pour lui chez les pompiers justement. "Risquer ma vie, ma santé, risquer d’avoir un cancer, des maladies professionnelles pour 2000 euros par mois, je ne sais pas si ça en vaut la chandelle. Il me reste 40 ans à travailler, je ne sais pas si j’ai envie de le faire dans ses conditions. Ça me dégoûte, d’autant qu’on n’est pas épaulé par notre hiérarchie et par les pouvoirs publics".
Un appel aux pouvoirs publics
Quelle réponse attendre ? Au plus haut niveau de l’Etat, les organisations syndicales se sont rendues jusqu’au ministère de la santé pour déposer les résultats de l’étude. Ils militent pour le lancement en urgence d’une campagne massive de tests PFAS des pompiers pour déterminer l’étendue du problème, ainsi que la mise en place d’une campagne d’information dans l’ensemble des métiers du feu pour sensibiliser sur les risques liés aux polluants.
"On est là, au service de la population, au niveau de la retraite, on a pris deux ans de plus comme tout le monde, et parallèlement les cancers sont plus fréquents. On ne prend pas suffisamment en compte notre santé", s’indigne encore Michaël Pacanowski. En plus des PFAS, le représentant syndical a dans son viseur l’implantation d’une future caserne à Illzach sous des lignes à haute tension. "On trouve ça aberrant. 63000 volts au-dessus de nos têtes. Aucun pompier ne veut y aller. C’est une décision politique, pas opérationnelle".
Déplorant l’absence de dialogue avec la direction du SIS 68, et l’absence de réaction de la part de la Collectivité Européenne d’Alsace, le SPASDIS-CFTC envisage le dépôt d’un préavis de grève le 26 juin prochain, jour de passage de la flamme olympique en Alsace.
Dans l’intervalle, la loi prévoyant d’interdire l’usage de polluants éternels dans les produits du quotidien arrivera au Sénat le 30 mai prochain.