Le Sübrot et les Melechweckla, deux recettes d'Alsace presque oubliées mais entretenues par quelques boulangers

Rund Um. La plupart des Alsaciens connaissent encore le Sübrot, moins les Melechweckla (pains au lait). Les deux disparaissent peu à peu de nos boulangeries, mais des clients leur restent fidèles. Des sortes de "Madeleine de Proust". Découvrez l'histoire et la recette de ces pains.

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À la boulangerie Suhner de Sélestat, une place est toujours réservée pour le Sübrot (ou Sülaiwli, ou Süwecka, selon le nom qu'on lui donne). Il s'en vend une soixantaine chaque jour. Essentiellement à des clients qui ont dépassé la cinquantaine et consomment ce produit depuis toujours, mais aussi à des jeunes qui apprécient ce pain "différent".

Frédéric Suhner, le patron et boulanger, tient à proposer des Sülaiwla quotidiennement (voir recette en bas de page). Pour lui, il fait partie des incontournables d'une boulangerie alsacienne, comme les Bretzel, le Kougelhopf et les vols au vent. "Un boulanger alsacien, un vrai, doit avoir du Sübrot", affirme-t-il.

C'est même à cela, entre autre, que l'on peut reconnaître une boulangerie artisanale, estime-t-il : "Les franchises qui ont l’habitude d’acheter les baguettes et les croissants tous prêts ne peuvent pas trouver de Süwecka surgelés. Car les centrales travaillent pour toute la France. Or ailleurs, ils ne connaissent pas les Süwecka."

Le Sübrot, "pain à un sou" de l'entre-deux-guerres mondiales

La pâte est celle d'un pain blanc classique. L'originalité du Sülaiwli tient à sa forme. "Je le trouve plus léger qu'une baguette. Je ne sais pas si c'est vraiment le cas, mais c'est mon ressenti. Je préfère en tout cas", explique Claire, une cliente qui achète des Sübrot "quasiment tous les jours. J’en ai même acheté à Noël. La vendeuse m’a dit « aussi des Sübrot pour Noël » ! Oui, oui, toujours des Sübrot. Quand la boulangerie est fermée, je suis embêtée car on n'en trouve presque plus".  

Elisabeth, elle, a quitté l'Alsace pour les Vosges, mais revient régulièrement, "spécialement pour acheter des Sülaiwla. J'en ai toujours mangé, enfant déjà."

Ils auraient été inventés au XVIIIe siècle pour les clients des villes, avides de produits raffinés. Ils auraient ensuite peu à peu gagné la campagne et les fêtes de village, lors desquelles on les dégustait avec des knacks et de la moutarde. L'entre-deux-guerres mondiales a ensuite marqué leur grande époque. Ils coûtaient alors un sou, d'où leur nom, Sübrot, le "pain à un sou".

Les Melechweckla, viennoiseries d'un autre temps

Les Melechweckla, ou pains au lait, sont devenus encore plus rares. Les très nombreuses viennoiseries aujourd'hui proposées à la vente leur ont volé la vedette. "Ce sont quasiment des entremets, avec beaucoup de crème, de confiture, de chocolat... À l'époque, quand j'étais enfant, nous n'avions que les Melechweckla, les croix à la cannelle et les Stàngaweckla (un autre pain brioché), rien d'autre", se souvient Jean-Claude Iltis, boulanger meilleur ouvrier de France.

Il tient à perpétuer la recette, assez pauvre en ingrédients : très peu de sucre et de beurre, pas d'œuf. À mi-chemin entre un pain blanc et une brioche. Une spécialité alsacienne que l'on ne trouve nulle part ailleurs : "Dans le reste de la France, quand ils parlent de pain au lait, ils font en fait référence à notre brioche avec quatre œufs et 250 grammes de beurre pour un kilo de farine. Alors que là, la pâte est beaucoup plus légère."

Les Melechweckla doivent être bien moelleux et se conservent facilement. Jean-Claude Iltis aime les savourer à toute heure de la journée, aussi bien au petit-déjeuner avec du miel et de la confiture que plus tard, tartinés de saucisse de foie ou de saucisson. Enfant, ils en recevaient au goûter à l'école, avec une barre de chocolat. À chaque fois, un petit événement. 

Le boulanger retraité, membre de l'UBAC (Union des Boulangers Artisans Créateurs) rêve d'instaurer en Alsace une semaine des "produits oubliés". Histoire de remettre en vitrine le Sülaiwli et les Melechweckla et pourquoi pas, de donner aux consommateurs un goût de reviens-y. 

La recette du Sübrot :

Ingrédients :

  • 1 kg de farine
  • 18 g de sel
  • 20 g de levure de bière
  • 600 g d'eau
  • 100 g de levain (ou pâte fermentée). 

Procédé:

Pétrir les ingrédients, couvrir la pâte et laisser reposer 3 heures.

Séparer la pâte en deux pâtons de même poids. Etaler chacun d'eux à l’aide d’un rouleau sur une épaisseur de 1,5 à 2 cm, ils doivent avoir exactement la même taille. Badigeonner un peu d'huile et de farine sur l'une des pâtes, puis la recouvrir avec l'autre morceau. (Attention à ne pas mettre trop d’huile, faute de quoi le Sübrot ne s'ouvrira pas au four. Plus la pâte est collante, plus il faut mettre d’huile, et inversement, moins la pâte est collante, moins il faut en mettre.) Donner un petit coup de rouleau. Laisser reposer trois quarts d'heure.

Découper la pâte en carrés égaux de 150 grammes environ (ou un peu moins). Coller deux carrés bout à bout pour former un Sübrot. Couvrir et laisser reposer 1h30.

Cuire 25 minutes à 250 degrés. 

La recette des Melechwechla (pains au lait) :

Ingrédients :

  • 500 g de farine T55
  • 200 g de lait + 100 g d'eau
  • 10 g de sel
  • 20 g de sucre
  • 50 g de beurre
  • 25 g de levure

Procédé :

Pétrir tous les ingrédients jusqu'à ce que la pâte se décolle du fond de la cuve. Couvrir et laisser reposer 30 à 45 minutes. 

Peser des pâtons de 70 grammes, former des boules, et les disposer sur une toile ou sur du papier sulfurisé. Couvrir et laisser reposer 15 minutes.

Huiler et fariner légèrement le dessus de chaque boule. Marquer le milieu des boules (attention à ne pas les fendre entièrement) à l'aide d'un coupe-pâte ou d'un couteau. Laisser reposer 30 à 45 minutes. 

Cuire 10 à 15 minutes à 220 degrés.

Si vous avez vous aussi vos recettes alsaciennes fétiches, qu'elles soient anciennes ou modernes, propres à votre village ou à votre famille, connues ou pas, n'hésitez pas à nous les partager. Ecrivez-nous à cette adresse : rundum@france3.fr

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