À quelques jours du début de Paris 2024, deux tireurs médaillés aux Jeux olympiques et paralympiques remontent le temps pour mettre des mots sur leur expérience hors du commun. Ils décrivent un tourbillon d'émotions, entre entraînement laborieux et joie fugace. Confidences de deux sportifs qui vivent désormais loin des projecteurs.
C'est un moment dont rêvent beaucoup d'athlètes, monter sur un podium olympique. Une performance souvent vécue comme l'aboutissement d'une carrière. Alors à l'aube de l'ouverture des JO 2024, les souvenirs rejaillissent chez ceux qui ont eu le bonheur de s'illustrer. Même si la réalité est parfois plus nuancée.
Raphaël Voltz, trois médailles d'argent et une de bronze en quatre participations aux Jeux paralympiques, a précieusement conservé ses breloques dans leur étui d'origine pour les remettre un jour à ses deux filles. L'état de ces petites boîtes, abîmées sur l'extérieur, trahit l'intérêt qu'elles suscitent. Régulièrement, le tireur les promène dans des écoles où les médailles fascinent évidemment les élèves.
Le champion a des anecdotes à raconter sur chacune : la première qu'il a remportée en 2000 à Sydney (Australie), celle qu'un entraîneur a fait tomber au bout de quelques heures à Pékin (Chine) ou encore la dernière obtenue à Londres (Angleterre), particulièrement lourde.
"Elle pèse 480 grammes, sourit-il. Quand vous l'avez un moment autour du cou, vous mesurez son poids". Dans tous les sens du terme. Car elle récompense des années d'entraînement et de sacrifices. Au point finalement de devenir accessoire pour certains.
La médaille olympique cédée à un collectionneur
Michel Bury, vice-champion olympique de tir en 1984 à Los Angeles (États-Unis), a ainsi cédé son trophée à un collectionneur. "La médaille, ce n'est que pour le symbole, un simple objet, estime-t-il. Moi, j'ai toujours regardé vers l'avant, pas vers l'arrière. Ce que je retiens, c'est surtout le processus, tout ce qu'il a fallu mettre en place pour l'obtenir. C'est ça le plus important. Et une médaille aux championnats du monde ou d'Europe a tout autant de valeur."
Le village olympique, c'est quelque chose de très particulier. Imaginez un restaurant qui peut accueillir simultanément 1000 ou 2000 personnes et où vous pouvez manger tout ce que vous voulez, à toute heure du jour et de la nuit !
Michel BuryVice-champion olympique
Reste que les Jeux olympiques n'ont lieu qu'une fois tous les quatre ans et que contrairement aux autres compétitions, ils réunissent toutes les disciplines ou presque. "10.000 sportifs du monde entier sont présents. Et c'est vrai que le village olympique, c'est quelque chose de très particulier, d'inhabituel. Imaginez un restaurant qui peut accueillir simultanément 1000 ou 2000 personnes... C'est comme un grand self-service où vous pouvez manger absolument tout ce que vous voulez, à toute heure du jour et de la nuit !", se remémore Michel Bury, toujours en contact avec d'autres tireurs et athlètes du monde entier.
Raphaël Voltz lui non plus n'a rien oublié des moments de fête après les épreuves, tous sports confondus. Sans doute les plus beaux souvenirs. Avant le retour à la réalité. Les podiums dans cette discipline plutôt confidentielle ont apporté une notoriété relative aux deux tireurs (qui conservent en eux le regret de ne pas avoir pu décrocher l'or) et n'ont pas changé leur quotidien. Tout juste leur ont-ils permis de basculer dans une carrière d'entraîneur, ce qui n'est tout de même pas rien.
À part ça, les médaillés sont restés mener une vie paisible en Alsace. "Je ne tire plus, mais je joue aux cartes", révèle Raphaël Voltz, qui a arrêté sa carrière en 2014, à 43 ans.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a rien perdu de son âme de compétiteur, lui qui a toujours été admiré par ses coéquipiers de l'équipe de France pour son "professionnalisme : quand je fais quelque chose, je le fais à fond, ou je ne le fais pas ! C'est ce qui m'a permis de faire des résultats et c'est pareil au skat (jeu de cartes). Les autres autour de la table viennent encore d'en faire l'expérience à l'instant", poursuit-il, hilare, après avoir largement gagné une partie.
Michel Bury, médaille d'argent aux JO ou pas, a lui toujours gardé son équilibre dans sa forêt à Windstein (Bas-Rhin). C'est là, tronçonneuse à la main, qu'il préparait jadis les grandes échéances.
"Quand vous coupez, fendez, puis empilez du bois, tout le corps travaille, explique-t-il. Cela représentait une grosse partie de ma préparation physique à l'époque. Et je peux vous assurer que ça me repose également car l'environnement est exceptionnel". Une manière d'être toujours en forme... olympique, à 72 ans.
Paris 2024 de l'intérieur
L'un et l'autre suivront Paris 2024. Ils auront notamment les yeux rivés sur leur héritière, la tireuse alsacienne Océanne Muller, 5e de la dernière édition à Tokyo et pleine d'ambition. Raphaël Voltz vivra même les Jeux paralympiques de l'intérieur. Il a été sollicité par France Télévisions pour commenter les épreuves de tir. Alors comme à son habitude, il potasse pour exceller.
Un destin incroyable pour le Bas-rhinois, devenu tétraplégique après un accident sur un plan d'eau lorsqu'il avait 17 ans. Le footballeur avait alors démarré le tir, l'une des seules disciplines praticables en fauteuil proposées dans les environs de Strasbourg. Un goût pour le sport et ses valeurs qui l'a aidé à surmonter son handicap.
Le sport, c'est l'école de la vie. Quand on démarre un sport, il faut d'abord apprendre. Et quand on apprend, on commence par perdre. Il faut se battre. Si on se bat, on a une chance de gagner. Si on ne se bat pas, c'est perdu d'avance. Dans la vie aussi, il faut se battre.
Raphaël VoltzQuadruple médaillé aux Jeux paralympiques
"Je dis toujours que le sport, c'est l'école de la vie, insiste-t-il. Quand on démarre un sport, quelle que soit la discipline, il faut d'abord apprendre. Et quand on apprend, au départ on perd. Il faut se battre. Si on se bat, on a une chance de gagner. Si on ne se bat pas, c'est perdu d'avance. Dans la vie aussi, il faut se battre."
Raphaël Voltz et Michel Bury sont les parfaits ambassadeurs de cet état d'esprit. Et leur(s) médaille(s) aux Jeux olympiques et paralympiques, fussent-elles un simple morceau de métal, une extraordinaire reconnaissance.