L’association pour la protection de la nappe phréatique d’Alsace (Aprona) a présenté les résultats d’analyses menées sur les eaux souterraines d’Alsace. Elles concluent à la présence préoccupante de nitrates, de pesticides et de PFAS.
46% des points de mesures de la nappe phréatique d’Alsace et 44% de ceux du Sundgau présentent un dépassement des limites de qualité pour au moins un des trois composants étudiés : les nitrates, les pesticides et les PFAS. Telle est la conclusion des relevés effectués par l’Aprona (Association pour la protection de la nappe phréatique d’Alsace) pour évaluer la qualité des eaux souterraines de la région.
L’étude de cet observatoire a été menée sur trois ans, s’appuyant sur 216 000 analyses à partir de relevés effectués sur 671 points de mesure. Ces mesures concernent la nappe phréatique d’Alsace ainsi que le réseau aquifère du Sundgau.
Trois grandes familles de polluants étaient plus particulièrement ciblées à travers ces analyses : les nitrates – polluants historiques libérés par les boues des stations d’épuration, certaines pratiques agricoles ou activités industrielles -, les pesticides et les PFAS – substances chimiques utilisées dans la fabrication de nombreux produits industriels -, qualifiés de « polluants éternels » car ils ne se dégradent pas avec le temps.
Nitrates : encore problématiques malgré une amélioration
En 2023, la limite de potabilité - fixée à une présence de 50 mg de nitrates par litre – était dépassée sur 12.2% des points de mesure de la nappe d’Alsace, et sur 6.8% de ceux mis en place pour les aquifères du Sundgau.
Si la situation s’améliore au nord de Strasbourg, le long du Rhin et en centre plaine Alsace, la teneur en nitrates des eaux alsaciennes reste problématique dans les "zones de bordure" comme le Piémont vosgien et le sud de Haguenau qui abrite une vaste masse d’eau appelée "Pliocène de Haguenau". Dans ces secteurs, la nappe reste vulnérable, en raison notamment de sa faible épaisseur qui limite la dilution des substances.
Pesticides : toujours très préoccupants
40% des points de mesure de l'Aprona attestent d’une présence des pesticides supérieure aux limites de potabilité. Aucun secteur de la nappe d’Alsace et du réseau aquifère du Sundgau n’y échappe.
Entre 2016 et 2023, une amélioration concernant la nappe d’Alsace est toutefois observée, avec une réduction de 18,5% du nombre de points de mesure dépassant le seuil de potabilité de l’eau.
Selon l’observatoire de l'eau, les herbicides utilisés pour les grandes cultures comme le maïs, les céréales ou les betteraves constituent encore, à ce jour, la plus forte menace pour la qualité de l’eau.
PFAS : contamination quasi-générale de la nappe d’Alsace
C’est une pollution dont on parle de plus en plus : la contamination aux PFAS, ces composants chimiques utilisés dans nos objets du quotidien pour leurs qualités antiadhésives, imperméabilisantes et de résistance aux fortes chaleurs. Ingérés via la consommation d’eau, d’aliments ou par inhalation, ils peuvent s’avérer toxiques pour les reins et le foie, et sont soupçonnés d’être cancérogènes, neurotoxiques et de jouer un rôle de perturbateurs endocriniens.
L’Aprona a recherché la présence de vingt de ces PFAS – alors qu’il en existe des milliers – dans les eaux souterraines alsaciennes. Et ses conclusions sont alarmantes : au moins une de ces substances a été détectée sur 91,2% des points de mesure de la nappe d’Alsace. Le réseau aquifère du Sundgau est davantage préservé, avec une contamination avérée sur « seulement » 44 % des sites de prélèvement.
Les concentrations les plus importantes concernent le Haut-Rhin et plus particulièrement le secteur en aval de Thann, Saint-Louis et le sud de Colmar.
Ce nombre de points de mesure concernés par la présence de PFAS est similaire au premier état des lieux réalisé en 2016.
Mais alors peut-on encore boire l’eau du robinet en Alsace ?
Malgré ces observations inquiétantes, l’eau du robinet reste encore buvable en Alsace, car elle est soit puisée très profondément, soit mélangée pour diluer les polluants.
Mais les factures liées à l’eau pourraient s’alourdir les prochaines années, à en croire Frédéric Pfliegersdoerffer, conseiller régional en charge de la question : "on peut s’inquiéter de la potabilité future, non pas parce qu’on va distribuer de l’eau qui n’est plus potable. Mais c’est une eau qui va forcément coûter plus cher, car elle va nécessiter davantage de traitements pour être sûr que nos concitoyens boivent une eau de qualité".
Cette étude de l’Aprona, baptisée ermes-ii, sera complétée en 2025 avec la divulgation de relevés étudiant d’autres polluants comme les substances pharmaceutiques, les hydrocarbures et les microplastiques. L’étude sera menée sur l’ensemble de la nappe du Rhin supérieur, incluant donc les données sur l’Alsace, mais aussi l’Allemagne et la Suisse.