En octobre 2021, la Strasbourgeoise Mathilde Karceles lançait une étude en ligne pour comprendre le phénomène de l’abstention. Après des milliers de participations, la citoyenne s’apprête à clôturer son site pour en analyser les résultats. Voici les premiers enseignements.
Elle pourrait atteindre un niveau historique. Supérieur au record du 21 avril 2002 avec 28%. Selon le dernier sondage Ipsos-Sopra Steria pour Le Parisien, Aujourd’hui en France et Franceinfo, l’abstention pourrait dépasser la barre symbolique des 30% au 1er tour de l’élection présidentielle. De quoi conforter la pertinence de l’étude en ligne lancée il y a six mois par Mathilde Karceles.
Pour comprendre ses motivations, il faut reprendre le parcours de cette Strasbourgeoise de 29 ans. Il y a dix ans, elle a été (la plus jeune) candidate aux élections législatives. Elle avait alors tout juste 19 ans. Ancienne étudiante à l'Institut d'études politiques de Strasbourg, elle a surtout été fortement marquée par l’abstention des dernières élections régionales et départementales (plus de 65%). Intervenante à l’ISEG Strasbourg (en communication politique et sociologie politique), elle a lancé son étude « Urnes et citoyens » pour essayer de comprendre le phénomène de désamour politique parmi les jeunes, et à laquelle on peut encore participer.
Depuis le lancement de l’enquête, dont les résultats seront connus début avril, des étudiants de l’ISEG ont rejoint le projet. Ils ont mené des entretiens semi-directifs pour étoffer son travail. Cela permet aussi à Mathilde Karceles d’entrevoir les premières tendances de l’étude. "Les gens qui votent le font par devoir, très peu par conviction", explique-t-elle.
"Beaucoup disent que ça ne les intéresse pas. Pourtant tout le monde parle de politique. La crise sanitaire, le pass vaccinal, les confinements, la guerre en Ukraine… Tout ca, c’est politique. En fait, il y a une différence qui ne s’opère plus. D’un côté, on s’intéresse à la politique mais de l’autre on s’éloigne du système politique et de l’acte de vote…"
Une tendance à voter comme on consomme
Mathilde Karceles
Parmi les autres constats de la Strasbourgeoise, le sentiment des personnes interrogées "qui ne se sentent pas représentées ou pas légitimes à voter". Mais il n’y a pas d’abstentionnisme « total », de « conviction » selon elle : "par exemple, les jeunes peuvent ne pas participer à une élection, mais à la suivante oui."
Mathilde Karceles perçoit une tendance de l’électeur à « voter comme on consomme » : "On va voter comme on irait acheter quelque chose, un produit." La Strasbourgeoise y voit l’effet d’une place croissante du marketing politique : "C’est la course aux likes, aux commentaires. On a l’impression qu’un homme politique se vend comme une voiture, comme un produit de consommation".
Parallèlement, les hommes politiques s’éloignent de plus en plus de la notion d’étiquette. "Aux municipales, les candidats ont peu montré leurs étiquettes. D’ailleurs les partis politiques adorent afficher l’étendard de la société civile et ne pas avoir d’étiquette. Ca n’a plus de sens d’afficher son parti, la différence se fait plus sur la personne que sur le programme."
Aux politiques de s’emparer du sujet
L’objectif de Mathilde Karceles n’est pas de lutter contre l’abstention. Mais de comprendre un phénomène pour que les politiques s’emparent du sujet. "On me demande souvent quelles solutions je propose, mais ce n’est pas mon rôle. Je constate simplement que l’abstention est importante, qu’elle a tendance à s’accentuer."
Ces premières notions seront au programme de tables-rondes.
- Mardi 15 mars 18h, amphi ISEG. Conférence « Urnes et Citoyens » - premiers résultats. En présence de Mathilde Karceles et Simon Borja (enseignant à l’ISEG)
- Vendredi 18 mars à 18h30, amphi ISEG. Table-ronde : Des jeunes engagés en politique (en présence de jeunes Unser Land et LREM)
- Mardi 22 mars 18h30, amphi ISEG. Table-ronde : Communication et marketing politique
- Lundi 28 mars 19h, amphi ISEG. Table-ronde : Le poids et la complexité de l’organisation démocratique