Au soir du 10 avril, Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième du 1er tour de l'élection présidentielle avec 22% des suffrages, appelait ses électeurs à "ne pas donner une seule voix à Marine Le Pen".
Il aura manqué 421.308 voix à Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) pour aller au bout de son défi : coiffer Marine Le Pen (Rassemblement National) au poteau et se qualifier pour le second tour de l'élection présidentielle face à Emmanuel Macron (La République en Marche), arrivé lui en tête avec 27,9% des suffrages exprimés.
Mais en lui apportant 22% des voix, les électeurs du leader de la gauche ont un rôle à jouer au second tour. Vont-ils suivre l'appel de leur candidat déçu à ne "donner aucune voix à Marine Le Pen"?
En Alsace, où il est arrivé en tête dans certaines grandes villes - Mulhouse et Strasbourg notamment - certains ont décidé que non. Ils nous expliquent pourquoi.
Florian, 21 ans : "5 ans de plus avec Macron m'effrayent plus que Le Pen"
Florian a 21 ans et est actuellement en formation. Il vit à Eguisheim (Haut-Rhin). Cet électeur qui se dit de gauche a opté pour l'option "tout sauf Macron" et estime qu'un vote blanc ou l'abstention lui donnerait plus de chances d'entamer un deuxième mandat.
"J'étais vraiment convaincu par Jean-Luc Mélenchon, à la fois l'homme, son franc-parler, et ses idées, sur l'économie, l'écologie. Le soir du 1er tour, ça a été une profonde déception. Je l'ai écouté parler, mais il a eu beau répéter quatre fois "pas une voix ne doit aller à Marine Le Pen", j'ai décidé de ne pas le suivre.
Car pour moi, c'est tout sauf Macron. Les cinq dernières années ont été trop difficiles, le pouvoir d'achat, ses manipulations permanentes... Sa gestion de la crise sanitaire, les gilets jaunes, il ne faut pas oublier... Ma mère fait partie du personnel soignant, j'ai eu l'occasion d'en côtoyer, et je dis non : les applaudir en 2020 pour ensuite continuer de les maltraiter, non!
Et son programme, la retraite à 65 ans, les universités payantes, je n'adhère pas du tout... Alors, non, je n'adhère pas non plus à Marine Le Pen, je suis de gauche, ses idées sur l'immigration par exemple, ce n'est pas du tout mon truc... Certaines de ses idées peuvent m'effrayer, mais moins que 5 ans de plus avec Macron. Et chaque vote blanc, chaque abstention, c'est donner une chance à Macron de repasser. Donc je voterai Le Pen."
Eric, 58 ans : "Le Pen, ça ne peut pas être pire que Macron, il faut essayer"
Eric a 58 ans et est chauffeur de car dans la région d'Altkirch. Cet électeur qui a toujours voté à gauche, s'est abstenu au second tour de l'élection présidentielle en 2017, a cette fois décidé de franchir le pas et votera Marine Le Pen le 24 avril.
"Oui, je vais passer d'un extrême à l'autre ! Ce ne sera pas de gaieté de cœur, car dans ma famille, on a toujours voté à gauche... Les petits partis de gauche m'ont beaucoup déçu, ils ont pris plein de voix à Mélenchon, c'est pas passé loin!
Mais Macron, je ne peux plus, je ne peux plus, je peux vraiment plus! Il a fait tellement de promesses non tenues, il a maltraité le personnel soignant, maintenant il veut toucher aux retraites...
Voter blanc, c'est donner une voix à Macron. Le front républicain, ça ne me parle pas, il faut arrêter de diaboliser tel ou telle candidat(e)... Chez Le Pen, il y a des idées bonnes, et des mauvaises, mais comme chez tous les candidats. On peut essayer autre chose, et ça ne peut pas être pire que Macron.
En 2017, je n'avais pas voté au second tour, là je fais un pas de plus, j'en suis conscient. Et s'il faut donner une majorité à Marine Le Pen aux législatives, eh bien, je le ferai, même si je suis de gauche. Il faut être un peu cohérent..."
François, 47 ans : "Si je vais voter, ce sera pour Le Pen, parce que Macron a menti"
François a 47 ans. Ce Mulhousien est en recherche d'emploi dans la restauration ou le commerce. Ancien socialiste, il a voté Macron au second tour de l'élection présidentielle de 2017. Mais on ne l'y reprendra plus : son sentiment d'avoir été trahi est tel qu'il envisage cette fois de voter Le Pen.
"Je ne suis pas d'accord avec toutes les idées de Mélenchon, mais j'ai cru qu'il pouvait porter un nouvel avenir pour la France. Il s'était assagi. Le résultat du 1e tour m'a débecté, et quand je l'ai entendu appeler à ne pas voter Le Pen, je me suis dit "ça, c'est à moi de décider".
En 2017, j'ai voté Macron au second tour. C'était particulier, cet homme nouveau, plus jeune que moi... Je me suis dit pourquoi pas? Et j'étais à l'opposé des idées de Le Pen. Et puis il y a eu la crise du Covid. Nous, à Mulhouse, on était au cœur du truc, on a vécu les masques qu'on ne trouvait pas... Ensuite, il y a eu cette obligation vaccinale déguisée ; moi je me suis vacciné parce que je voudrais bosser dans la restauration, alors pas le choix... Je l'ai mal vécu. Et j'ai des amis qui ne le sont pas, et quand j'entends un président de la République dire qu'il veut les emmerder, ce n'est pas acceptable.
Sans compter cette gabegie d'argent pour des cabinets de conseil... Ils ne sont pas assez pour décider? Il faut encore dépenser tout cet argent? Non, vraiment, ça m'a vraiment déplu, au point que le barrage républicain, ça ne me parle plus...
L'indécision est permanente, c'est compliqué car ma haine des deux candidats est à 50/50. Mais si je vais voter, je voterai pour Le Pen, parce que Macron m'a menti, a menti à tout le monde.
Marine Le Pen s'est adoucie, avec le phénomène Zemmour. Après, c'est vrai que depuis dimanche, son ton est de nouveau plus virulent, ce n'est pas bon... J'écoute beaucoup les analyses, et je vais regarder le débat de l'entre deux tours. Ca peut me convaincre... et il restera le vote blanc en dernier recours. Je me laisse jusqu'au dernier moment pour me décider".