Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête au 1er tour de l'élection présidentielle à Strasbourg et à Mulhouse, avec respectivement 35,48% et 36,06% des voix. Des élus et un politologue détaillent les raisons de ce score historiquement haut pour la France Insoumise dans ces deux villes alsaciennes.
Les électeurs des deux grandes villes alsaciennes, Strasbourg et Mulhouse, ont placé Jean-Luc Mélenchon en tête de l'élection présidentielle, devant Emmanuel Macron et Marine Le Pen. A Colmar, il est en deuxième position.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce vote atypique par rapport au reste de l'Alsace, encore fortement ancrée à droite.
Pour le politologue Richard Kleinschmager, le vote Mélenchon sur ces deux villes n'est pas si surprenant : "Sur Strasbourg et Mulhouse on est dans une vieille tradition de l'accentuation du poids de la gauche."
La jeunesse de l'électorat
Ce vote traditionnel à gauche, ces deux villes le doivent à la jeunesse de leur électorat. "Strasbourg, grâce à son université, a une population assez jeune", fait remarquer Richard Kleinschmager.
Quant à Mulhouse, "elle est une des villes les plus jeunes de France de plus de cent mille habitants et le vote jeune a été très largement pour Jean-Luc Mélenchon", observe de son côté Axel Renard, chef de file LFI de la 5e circonscription pour les législatives à Mulhouse.
Le vote utile
Deuxième raison commune à Strasbourg et Mulhouse : le vote écologiste. "La perspective, pour la gauche, d'aller au 2e tour a dû booster un certain nombre d'électeurs écologistes qui ont entendu un discours écologiste chez Mélenchon", explique le politologue.
Ce qui peut expliquer le score médiocre de Yannick Jadot, le candidat écologiste. "Là on a un vrai divorce. On est dans une élection avec beaucoup de divorces avec les schémas antérieurs".
En troisième lieu, ce qui rassemble Strasbourg et Mulhouse, c'est le vote de contestation contre Macron. "Les électeurs de gauche de 2017 n'ont pas rencontré de la part du président autant d'affection à gauche qu'ils le souhaitaient ou l'espéraient." Ils se sont donc reportés sur la France Insoumise, le parti de Mélenchon, le parti socialiste ayant quasiment disparu.
Le vote des quartiers populaires
Mais au-delà de causes communes dans le vote Mélenchon, Mulhouse se distingue de Strasbourg par son profil sociologique, comme l'explique l'élu mulhousien Jason Fleck : "Mulhouse est une des villes les plus pauvres de France. Un tiers des Mulhousiens vit sous le seul de pauvreté. Jean-Luc Mélenchon parle de choses concrètes : de pouvoir d'achat, d'un SMIC à 1400 euros, de la retraite à 60 ans. Les jeunes ne trouvent pas de CDI, font des petits boulots comme livreur de pizzas ou à l'usine chez Peugeot et subissent comme une violence cette précarité."
Le succès de Jean-Luc Mélenchon auprès des jeunes est là, pour l'élu mulhousien : celui de dénoncer le pouvoir de l'argent, confisqué par les plus riches, "tandis que Marine Le Pen préfère avoir une rhétorique de la haine à l'encontre de certaines minorités". Une rhétorique qui peut fonctionner, notamment en milieu rural parmi les classes populaires, déplore Jason Fleck. Dans les quartiers populaires de Mulhouse, le sentiment de déclassement se manifeste autrement.
Une présence sur le terrain
Pour l'Insoumis mulhousien Axel Renard, la présence sur le terrain a joué un rôle crucial : "C'est ce qui nous différencie des élus de droite, nous sommes présents dans les associations. Nos militants sont des gens qui vivent en permanence au milieu du tissu associatif, au milieu des quartiers les plus précaires. Notre force : on est toujours présents et non une entité qui flotte au-dessus des électeurs et qui n'est là que pour les élections."
Un travail de fond a été mené depuis cinq ans. Un travail de fourmi pour amener les gens jusqu'à l'urne, ajoute Morgan Legay, militant Insoumis à Mulhouse : "C'est nous qui avons fait la campagne pour l'inscription sur les listes, ce n'est pas l'Etat ni la mairie et ça a marché. On était là sur le terrain tous les jours".
L'objectif maintenant c'est le 2e tour et les législatives. "On pense qu'on peut faire un gros score aux élections législatives, le 3e tour", espère Morgan Legay. Même si Jean-Luc Mélenchon a dit ne vouloir "aucune voix pour Le Pen", un nombre non négligeable d'électeurs pourraient franchir le Rubicon, selon Richard Kleinschmager.
Résultat le dimanche le 24 avril 2022.