Les productions issues de serres chauffées, méritent-elles l'estampille "bio"?

Ça chauffe autour des serres de production de fruits et légumes bio en France. Pourquoi ? parce que les serres où poussent nos tomates, fraises et salades hors-saison sont chauffées, pour atteindre les températures nécessaires à la croissance des fruits et légumes. Alors encore bio ou pas ?
 

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On n'y pense pas spontanément, mais certains modes de production de nos fruits et légumes bio contribuent aussi à la pollution de l'environnement. Des serres chauffées au fioul par exemple, un carburant issu du pétrole, classé dans les énergies fossiles, contribuent à polluer l'air. Alors les tomates, fraises ou salades qui y grandissent, même sans intrants chimiques de synthèse (engrais ou pesticides) peuvent-elles encore être considérées comme bio? La question commence à se poser dans le public et dans le monde agricole. 

Ces fruits et légumes méritent-ils d'être estampillés "bio"

L'appellation "bio" des fruits et légumes est-elle compatible avec la pollution provoquée par le chauffage des serres où poussent fruits et légumes? Faut-il changer nos modes de productions, ou ne plus consommer de tomates, fraises ou salades hors-saisons? Ou bien faut-il les nommer autrement, en précisant par exemple "production bio, sous serres chauffées à tel ou tel mode de chauffage? " Finalement "bio, mais pas écolo ?" la question n'est pas simple et en soulève beaucoup d'autres.
 

"Selon la règlementation européenne, les fruits et légumes cultivés sous serres chauffées, sont bio... mais je ne suis pas d'accord" 
- Dany Schmitt, responsable de la commission légumes des producteurs bio d'Alsace -

 


"Cela fait des années que nous nous appliquons à rééduquer les consommateurs à consommer des produits de saison. Nous leur répétons que les tomates, les concombres et les fraises, on ne peut pas en produire en hiver dans nos régions. Il faut rester cohérent. A l'Opaba (Organisation des producteurs d'agriculture biologique en Alsace), nous sommes d'accord de chauffer jusqu'à 5 degrés, pour mettre les cultures hors-gel ou produire des plants. Mais nous soutenons l'interdiction de chauffer au niveau de la production de légumes, entre le 1er décembre et le 15 mars. Se défendre d'utiliser des produits chimiques de synthèse et chauffer les serres jusqu'à 20 degrés, en plein hiver est une hérésie."
 

 

Existe-t-il des solutions "plus propres" ?

Pour chauffer les serres de cultures, certains préconisent de récupérer la chaleur résiduelle de la géothermie. C'est une idée défendue par Pierre Lammert, président des producteurs de fruits et légumes d'Alsace (production bio et conventionnée). "Plutôt que d'utiliser du fioul ou du gaz ou de l'électricité, produite spécialement, il serait possible d'utiliser la chaleur récupérée grâce à la géothermie. La chaleur fatale (celle qui reste après la production électrique par géothermie) pourrait servir à chauffer les serres. Issue d'une production non fossile, cette chaleur est quasiment "gratuite" explique Pierre Lammert  "puisque résiduelle. Il faudrait bien sûr l'amener jusqu'aux serres, mais dans le nord de l'Alsace, aux alentours de Haguenau et Reichstett, où se pratique la géothermie, des expériences sont en cours."

Cette méthode ne fait pas non plus l'unanimité, toujours pour une question de saisonalité. "Si on veut cultiver des tomates en hiver sous nos latitudes, il faut non seulement de la chaleur, mais aussi de la lumière, car les jours sont courts et l'éclairage naturel est insuffisant pour les plantes" avance de son côté Dany Schmitt. "il faut donc encore produire de l'énergie pour arriver à cette production désaisonnée".

 
 

Commercialement, pas évident à défendre 

Quand on veut rester cohérent en tant que producteur bio, les problèmes sont visiblement plus nombreux que ce qu'on imagine en tant que consommateur. Précisons qu'en Alsace, il y a surtout des productions en pleine terre, protégées par des tunnels, sans chauffage d'appoint, pour préserver les plantations du gel. Alors, pour les producteurs, ne pas produire en hiver, signifie subir la concurrence du sud de la France ou d'Espagne ou de plus loin encore. Car les consommateurs n'ont pas tous opté pour les légumes de saison. Et des clients que l'on perd un temps, sont peut-être perdus pour longtemps. Mais Dany Schmitt est convaincu : "Il faut poser des limites à ce que nous faisons, sinon on s’arrête où ? Il est temps de se réveiller. On veut que la planète soit plus propre, mais on veut que ce soit le voisin qui le fasse!"
 

Alors des producteurs alsaciens ont fait le choix de compléter leur offre de fruits et légumes bio avec ce qu'ils appellent "des compléments de gamme" de producteurs qui travaillent dans des climats plus chauds. Importer des fruits et légumes d'Espagne par camion, ne serait finalement pas moins polluant que de produire sous serres chauffées à 20 degrés en France? 
 

Et changer nos modes de consommation, c'est possible ?

Renoncer aux tomates en hiver et pas de fraises à Noël...ne les manger que lorsque c'est vraiment la saison...bref consommer responsable? Cela demande un effort que certains font. De leur côté, les producteurs rappellent qu'il existe des légumes qui peuvent être stockés comme les céleris, les choux, les carottes et autres légumes racines. Il est possible aussi de remettre au goût du jour les bocaux, très à la mode du temps de nos grands-parents, qui permettent de retrouver les produits du soleil au coeur de l’hiver.

En attendant, les producteurs cherchent des solutions pour que bio rime avec écolo.  

"On travaille sur la question depuis un certain temps en Alsace, précise Dany Schmitt,  pour l'instant on le garde secret, mais nous travaillons sur des améliorations de production de nos fruits et légumes, dans l'idée d'être cohérents. 
Travailler avec la saisonalité, mais pouvoir produire plus longtemps dans l’année, sans polluer et en consommant le moins de ressources possibles
."

Avec de la volonté et des idées, bio rimera peut-être bientôt systématiquement avec écolo ?


 
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