Ma France 2022. Si les Français sont bien conscients de la nécessité de disposer d'un bon système de santé, les candidats à la présidentielle se sont peu emparés de la question, et ce malgré la crise générée par le covid. Du côté de Munster (Haut-Rhin), les habitants s'adaptent malgré la pénurie de médecins spécialistes, et espèrent que de nouveaux professionnels s'installeront dans leur vallée.

A Wasserbourg (Haut-Rhin), sur les hauteurs de Munster, il n'y a ni plaque de médecin ni croix lumineuse de pharmacie. Pour leur santé de tous les jours, les 471 habitants descendent dans la vallée. Le premier généraliste et la première pharmacie sont à 7 km de là, les urgences à presque 20 km.

C'est devant l'école du village que l'on rencontre Elodie Martel. Elle est arrivée à Wasserbourg il y a deux ans et demi, et s'est vite adaptée. "C'est un peu compliqué mais à force on s'y fait, on n'a pas trop le choix, assure-t-elle. C'est la vie qu'on a choisie. Il faut avoir le permis, c'est tout." 

En traversant le village, on se rend compte que la voiture fait partie du mode de vie de tous. Il y en a une ou deux garées devant chaque maison. Indispensable pour aller travailler.

"Pas de place avant septembre"

Voiture ou pas, la situation se complique quand il s'agit de consulter un spécialiste, notamment pour les enfants. Elodie recherche un orthophoniste pour son fils de cinq ans, depuis que le précédent professionnel a quitté le secteur. "Les délais sont très longs, explique la jeune maman. Je suis allée voir jusqu'à Horbourg-Wihr [à 30 minutes de route, ndlr] pour trouver un rendez-vous, il n'y a pas de place avant septembre."

Pour la mère de famille, l'élection présidentielle à venir ne devrait pas changer beaucoup de choses à la situation médicale du secteur. C'est surtout une question de choix personnels. "Il faut montrer que la vie en montagne n'est pas si moche que ça ; on a la forêt, la tranquillité. On ne peut pas obliger un médecin à s'installer s'il n'en a pas envie."

"On ne change pas nos habitudes"

Cette vie à la montagne, Irène et Bernard, savent en profiter. Bâtons de marche à la main, ils profitent du soleil de ce lundi pour une balade autour de chez eux. Le couple de retraité a quitté Colmar il y a cinq ans pour s'installer en bas du village. "Il y avait trop d'insécurité, explique Bernard. Et en ville, les gens ne se connaissent pas. Ici, on a été très bien accueillis." A Wasserbourg, les habitants semblent proches des uns des autres. Une vraie entraide existe. "Un jour, Bernard est tombé en faisant du papier peint. Immédiatement, deux voisins sont venus l'aider", raconte Irène.

Face à un tel confort de vie, quelques kilomètres de route pour voir un médecin sont finalement peu de choses. Irène et Bernard ne regrettent pas leur choix, et continuent de se rendre aux cabinets de leurs médecins colmariens. "Et même la pharmacie ! Cela fait 30 ans qu'on y va, on ne change pas nos habitudes", renchérit Bernard. "Evidemment, ce serait plus simple qu'il y ait un docteur ici. Mais les gens ne monteraient pas à Wasserbourg pour voir un médecin, c'est plutôt à nous de descendre. Et puis il faudrait que le médecin ait assez de travail ici, ce n'est pas sûr," tempère Irène.

En redescendant dans la vallée, nous rencontrons Sylvain Schmitt devant la pharmacie de Munster. Ce professeur d'anglais vit ici depuis 2010 avec sa femme et ses deux filles. Dès leur arrivée, ils ont logiquement choisi les professionnels de santé les plus proches. La rengaine est toujours la même : pour les généralistes, les pharmacies, tout va bien. mais pour les spécialistes, ça se corse. "On a commencé à prendre les médecins de la vallée, c'était plus pratique, se souvient Sylvain. Mais vu la complexité d'obtenir des rendez-vous rapidement, on s'est tourné vers Colmar, où il est plus simple d'avoir des rendez-vous."

Les filles de Sylvain ont besoin de lunettes et d'appareil dentaire. Il espère que la situation va s'améliorer, notamment avec la crise du covid. "On s'est rendu compte de la nécessité d'un système de santé fort. La santé, c'est l'élément le plus important de sa vie, même si on n'y pense pas toujours. Quelques médecins arrivent à la retraite, on se demande si la relève sera assurée rapidement, ou pas du tout. " Pour lui, il n'y a pas d'obstacles ici pour l'installation de médecins. "Cette vallée est attractive, il y a tout de la crèche au lycée, c'est pour ça que nous avons décidé de nous y installer en tant que jeunes parents il y a 12 ans."

Les médecins se regroupent

La situation n'est pas critique dans la vallée de Munster, comparativement à d'autres territoires du centre de la France. Ici, on ne parle pas de désert médical. On trouve une petite vingtaine de médecins pour les 16.000 habitants des 16 communes. Mais les habitants souhaitent que davantage de médecins s'installent, des spécialistes surtout, pour réduire les délais d'attente et aussi les kilomètres parcourus, car la géographie des lieux complexifie les déplacements.

Dans ce territoire de montagne, les communes ne sont pas connectées entre elles. Pour les relier, il faut souvent descendre d'une première vallée pour en remonter une seconde, ou passer par une petite route de montagne et franchir un col. Un trajet souvent plus long et impossible en hiver. Munster et Wasserbourg sont éloignées de 5 km à vol d'oiseau, mais de 13 km par la route.

Aurélie Fillinger connait Wasserbourg depuis son enfance. Elle ne compte plus les trajets en voiture, pour elle ou pour son fils de cinq ans, qui consulte un ophtalmologue à Turckheim. "On a entre 15 et 30 minutes de route pour voir un spécialiste. On est habitué depuis toujours à rouler, mais on a besoin d'ophtalmos, d'orthoptistes", explique-t-elle. Il n'y a jamais eu de médecin à Wasserbourg et il n'y en aura sans doute jamais. La crise du covid n'y changera rien. "On ne se projette pas" sur l'installation d'un médecin, reconnait Aurélie.

La présence d'un médecin par village, seul dans son cabinet, est une situation de moins en moins fréquente. "Les jeunes médecins vont à l'hôpital, il y a moins de contraintes que dans un cabinet", estime le maire de Wasserbourg, Jean-François Kabucz. Pourtant, il existe des médecins prêts à s'installer dans la vallée. A Metzeral, deux généralistes se sont installés en trois ans dans le cabinet médical, situé à l'entrée du village. Et un troisième médecin va rejoindre la petite équipe dès le 1er avril 2022. Cet exemple est à l'opposé des statistiques : le nombre de médecins généralistes a reculé de 14% depuis 2010 dans le Haut-Rhin (-9% en France).

Ces trois nouveaux médecins de Metzeral ont exercé en tant que remplaçant avant de se décider. Pour eux, il est plus simple de s'installer à plusieurs. Pour des raisons pratiques : le partage des charges du cabinet, des gardes. Ils peuvent ainsi être absents tout en sachant qu'un confrère prend le relais pour les patients. Et en cas de questionnement sur un diagnostic, les médecins se consultent entre eux.

Une offre en coeur de vallée

La tendance se porte donc vers des centres médicaux avec plusieurs professionnels de santé, qui peut se coupler avec une offre de transport adaptée pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer ou qui vivent sur les hauteurs. La communauté de communes de la Vallée de Munster s'est dotée d'un service de transport à la demande depuis 2011. Agathe (le prénom a été modifié) y recourt ponctuellement depuis six mois pour se rendre chez le seul psychologue de la vallée ou le généraliste. A 35 ans, elle souffre d'une maladie chronique et ne peut pas passer le permis de conduire. "J'habite à Soultzeren, un peu dans la montagne, et ce service me redonne de la mobilité pour mes rendez-vous médicaux," explique Agathe.

Pour 8€ l'aller-retour, un taxi-ambulance vient vous chercher jusqu'au domicile et vous emmène là où vous avez besoin. Cela peut être pour aller chez un professionnel de santé, mais aussi pour faire les courses ou effectuer des démarches administratives. Cela fait sept ans qu'Agathe, auto-entrepreneuse dans le commerce, a emménagé dans la vallée de Munster. Elle travaille depuis chez elle et est ravie de trouver un tel service. "Je réserve simplement la veille par téléphone pour le trajet aller, et je peux prévenir une fois le rendez-vous terminé pour le trajet retour, c'est très pratique."

Ce service fait office de relais de la solidarité qui existe encore dans la vallée. Les personnes âgées n'osent parfois pas demander à leur famille de les véhiculer pour un rendez-vous, de peur de déranger. "Grâce à ce service, elles sont plus libres, assure le co-gérant des ambulances Jacqua. Et c'est un moyen pour ces personnes de ne pas rester seules à la maison. Cela permet un échange déjà avec nous, les ambulanciers, puis dans leurs rendez-vous en ville".

La proposition d'une citoyenne

Quelles solutions pour résorber les inégalités en matière d'accès aux soins et aux médecins ? France 3 Régions s'associe à la consultation Ma France 2022, initiée par France Bleu sur la plateforme Make.org. Le but ? Vous permettre de peser dans le débat démocratique en mettant vos idées les plus plébiscitées au centre de la campagne présidentielle.

Sur le thème de la démographie médicale, Lou, 65 ans, habitante de la Vienne, propose : "Il faut revoir le numerus clausus des professions médicales en fonction des besoins de la population, pour mettre fin aux refus de rendez-vous."

Vous avez été une large majorité à être favorable à cette proposition, parmi 138 réponses.

Que proposent les candidats ?

Malgré la crise sanitaire due au covid, la santé n'est pas une thématique principale de la campagne présidentielle 2022. Pour autant, plusieurs candidats ont fait des propositions pour mieux doter les territoires mal pourvus en médecins.

La candidate LR Valérie Pécresse propose de créer une quatrième année d'internat en médecine générale pour envoyer des "docteurs juniors" dans des territoires non pourvus, pendant un an.

Anne Hidalgo (PS) veut transformer la dernière année d'internat en année de professionnalisation. Le jeune médecin serait en poste et encadré par un confrère plus expérimenté.

Pour le communiste Fabien Roussel, un médecin ne pourrait s'installer dans une zone dense que pour remplacer un confrère dans le cadre d'un départ.

Jean-Luc Mélenchon (LFI) propose de payer les étudiants en médecine au smic, à la charge de l'Etat, en contrepartie, ils seront envoyés là où sont les besoins, pour un service de 10 ans.

Marine Le Pen (RN) propose d'inciter financièrement les médecins. Leur rémunération serait modulée selon le lieu d'installation. Marine Le Pen propose également de développer la télémédecine.

En 2017, les habitants de la vallée de Munster s'étaient mobilisés plus que la moyenne nationale lors du premier tour de l'élection présidentielle. Ils étaient 81,8% à voter, et trois électeurs sur dix s'étaient tournés vers la candidate du Rassemblement National. Marine Le Pen était arrivée en tête dans l'ensemble des 16 communes de la Vallée de Munster.

En avril 2022, Sylvain Schmitt, le prof d'anglais, ira voter, "évidemment", mais il n'est pas convaincu que la situation médicale du territoire changera beaucoup avec le prochain président. "J'espère que la crise covid qu'on traverse fera bouger notre futur gouvernement. On ne peut plus fermer les yeux sur les difficultés du système de santé."

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