C'est l'aboutissement d'un combat qui aura duré 50 ans. Ce mardi matin 13 août, Mohammed Guerroumi est venu chercher sa carte d'identité et son passeport à la mairie de Strasbourg, des papiers qui portent enfin son prénom et son nom de naissance. Lors de son arrivée en France en 1966, cet algérien avait été rebaptisé Jean-Pierre Guérin.
Il est arrivé ce mardi 13 août à la mairie de Strasbourg très ému. Entouré de sa famille, Mohammed Guerroumi s'est vu remettre par les services de la ville sa nouvelle carte d'identité et son nouveau passeport. Avec son "vrai" prénom. Et son "vrai" nom. À 70 ans, une page douloureuse se tourne. "C'est comme si pendant toutes ces années j'avais eu un masque, explique-t-il. Le masque Jean-Pierre Guérin. Tout était compliqué. Je suis une victime de la guerre d'Algérie."
Lorsqu'il arrive en France en 1966, Mohammed Guerroumi est placé sous la tutelle du foyer Charles Frey dans le quartier du Neudorf à Strasbourg. Son tuteur lui donne le nom de Jean-Pierre Guérin, au nom de la politique d'assimilation française. Une blessure. Sur ses papiers il est écrit : Jean-Pierre Guérin, nom d'usage Mohammed Guerroumi. "Lorsque je passais la douane allemande il y avait toujours des problèmes, je m'en souviens encore, poursuit-il. J'étais obligé de montrer une attestation de concordance. C'était toujours difficile", précise Mohammed.
En 2023, après une longue bataille, il obtient le droit d'utiliser uniquement le prénom Mohammed. Puis début 2024, le ministère de la justice lui envoie un dossier à transmettre à Nantes pour demander la concordance du nom retenu à l'état civil français avec le nom inscrit à l'état civil étranger. Il pourra désormais s'appeler Guerroumi. "Je me souviens qu'une fois, une infirmière m'a dit : ah, mais vous êtes l'homme qui a plusieurs identités !", raconte Mohammed Guerroumi. J'étais vexé. Je lui ai dit que la prochaine fois qu'elle me reverrait, je n'aurai plus qu'une seule identité".
Ce nom qui m'a été imposé c'était un fardeau pour moi. J'en ai terriblement souffert.
Mohammed Guerroumi
Ce mardi 13 août, lorsque sa nouvelle carte d'identité et son passeport flambant neuf lui ont été remis, une vague d'émotion l'a submergé. "Je suis très très heureux. C'est une souffrance de plus de 57 ans qui s'achève. Ce nom qui m'a été imposé c'était un fardeau pour moi. J'en ai terriblement souffert. Je le portais comme un masque, c'était un faux" assure-t-il.
Nadia Zourgui, adjointe à la mairie de Strasbourg, a souligné le chemin parcouru par celui qui s'est battu pendant des décennies. "Votre combat est juste. Il montre à quel point le nom, le patronyme sont des choses extrêmement importantes. Votre combat vous honore car il prouve que le nom dit beaucoup de notre identité, de notre passé, de nos origines et de notre famille."
Ex-entraîneur de handball, Mohammed Guerroumi, qui aime rappeler que petit, il "gardait les chèvres pieds nus", aimerait bien se réinvestir dans un petit club. "Et je mettrai en place une licence qui portera mon nom ! Ce sera ma revanche... Ce qui m'arrive aujourd'hui, c'est un retour à mes racines. Une reconnaissance officielle mais aussi une célébration de mon identité et de mon histoire". Un long combat de plusieurs décennies se termine enfin pour Mohammed Guerroumi.