Le Rhin était autrefois l’un des fleuves les plus riches en saumons atlantique dans le monde. Une espèce qui a presque disparu dans les années 1960 à cause de l’aménagement du fleuve et de la pollution. Martin Gerber est pisciculteur à Obenheim en Alsace. Il participe avec ténacité à la réintroduction de cette espèce dans le Rhin depuis trente ans.
L’hiver, c’est la période de remontée des saumons dans le Rhin, ils tentent de retrouver l’endroit où ils ont grandi dans les affluents du fleuve pour se reproduire. C’est un moment crucial pour Martin Gerber. Ce pisciculteur bas-rhinois peut capturer quelques spécimens adultes grâce à un piège placé dans la passe à poisson du barrage d’Iffezheim.
Ces saumons peuvent alors servir de géniteurs pour produire une descendance capable de boucler leur cycle de migration. Des milliers d’œufs issus de cette reproduction assistée en pisciculture sont redistribués à part égale entre la Suisse, l’Allemagne et la France.
Après éclosion, c’est au bout de six mois que les petits poissons sont lâchés dans les affluents du Rhin, ils mesurent à peine quelques centimètres. Il s’agit du plan de réintroduction du saumon dans le Rhin mis en place depuis les années 1990.
C’est des miraculés. 90% des prises sont issus de piscicultures
Martin GerberPisciculteur
Martin Gerber explique tout en remontant deux magnifiques saumons pris au piège : "C’est des miraculés. 90% des prises sont issus de piscicultures. Ils ont parcouru 5.000 kilomètres d’ici au Groenland aller-retour ! Ils ont échappé aux turbines hydroélectriques, aux silures de plus en plus nombreux aux cormorans et à la pêche illicite dans l’estuaire."
Le cycle de migration de ce poisson démarre par une période de deux ans en eau douce, il rejoint la mer au bout de 700 kilomètres en Hollande puis il nage jusqu’au Groenland avant de revenir au bout d’une période de un à trois ans pour se reproduire.
Un plan de réintroduction du saumon dans le Rhin mis en place il y a trente ans
Les deux poissons pris dans la nasse sont impressionnants, ils mesurent un mètre et pèsent presque dix kilos. Martin en saisit un à l’aide d’une épuisette à maille fine et le plonge dans un bain anesthésiant. Le poisson se calme immédiatement, on ne risque pas de le blesser.
Pour le pisciculteur il faut faire vite. Le saumon est ausculté, il doit être en parfaite santé, une plaie récente peut être fatale. Lorsque le saumon remonte en eau douce pour se reproduire, il ne s’alimente plus avant la ponte, il vit sur ses réserves pendant plusieurs mois. Il faut le manipuler avec beaucoup de précaution, il doit être en bonne santé jusqu’au moment de la reproduction en novembre. Chaque poisson est systématiquement marqué et un prélèvement ADN permet de savoir précisément d’où il vient, à quel endroit il a été lâché.
Depuis la mise en place du plan de réintroduction du saumon dans le Rhin il y a trente ans, un dispositif automatique permet de compter quelques dizaines de saumons par an, le travail acharné de Martin Gerber et de son homologue haut-rhinois Olivier Sommen porte ses fruits. 2020 était une année record avec plus de 200 passages mais malheureusement moins de 10 % des saumons qui remontent sont issus d'une reproduction naturelle. Pour Martin Gerber c’est peu mais c’est encouragent. Il ne faut pas oublier qu’à la fin des années soixante, il n’y avait presque plus rien.