Mobilisation des buralistes du Bas-Rhin: "on ne sait pas ce qu'on va devenir avec le tram vers Kehl"

Plus de tickets bus et tram en vente chez les débitants de tabac du Bas-Rhin à partir de ce mardi 21 novembre. Ils ont été appelés à cesser la vente des produits de la CTS  par solidarité avec les buralistes de l’Eurométropole, en difficulté depuis le lancement de la ligne de tram D vers Kehl.

Rien ne va plus pour les buralistes de l’Eurométropole.  Au cœur de leur colère, les achats transfrontaliers du tabac, largement favorisés, selon eux, par le lancement au printemps dernier de l’extension de la ligne D du tram qui relie désormais Strasbourg à Kehl. «Certains buralistes  accusent une baisse de chiffre d’affaire record. Ils sont dans une situation préoccupante», dénonce Patrice Soihier, Président de la chambre syndicale des débitants de tabac du Bas-Rhin. Avec jusqu’à 7.000 passagers par jour sur la ligne, acheter ses cigarettes moins chères Outre-Rhin serait devenue un sport régional.

Après avoir alerté les pouvoirs publics, sans succès, sur l’impact néfaste pour les professionnels alsaciens, la chambre syndicale 67 s’est décidée à passer à l’action  en appelant dès ce mardi 21 novembre au boycott des produits de la CTS (tickets de tram, bus, et abonnements) traditionnellement en vente chez les 299 buralistes du département. Un mot d’ordre lancé dans la nuit,  "jusqu’à présent très suivi » assure Patrice Soihier, prévu pour durer « jusqu’à ce qu’on ait un retour et qu’on soit enfin écouté. Ce qui est incroyable, c’est qu’on fait de la prévention à tout-va contre le tabac, mais que dans le même temps on cherche à faire du business en permettant les achats transfrontaliers. Il faut que les parlementaires aillent au fond du problème."



Rue du Faubourg de Pierre à Strasbourg, Bruna Pistis fait partie des buralistes mobilisés. Elle s’est installée il y a près de 10 ans. Et aujourd’hui…elle a le blues. « On accuse -25% de chiffre d’affaire depuis que le tram D dessert l’Allemagne. Je ne sais pas si on va tenir longtemps comme ça ».  Derrière sa caisse, la commerçante s’efforce de garder le sourire « pour les clients », mais sur son comptoir une pancarte affiche la couleur. « Non à la concurrence déloyale pour les buralistes qui a entrainé la fermeture de 1000 débits en 2015 » peut-on lire.

Elle sait que les clients ne sont pas dupes. « Ils savent que nos situations sont délicates, mais on ne peut pas les empêcher d’aller voir ailleurs. Il y a déjà eu une augmentation du prix du paquet la semaine dernière. En mars prochain, cela augmentera encore d’un euros. On perd des ventes c’est certain. Mais en attendant, nos charges ne baissent pas, elles ! » Loin de se complaire dans le rôle de victime, la buraliste a cherché des solutions pour redresser la barre. Lorsque les quatre autres débits du quartier ont définitivement baissé le rideau, elle, a décidé de se diversifier. Dépôt de colis, ouverture de comptes Nickel, vente de cigarettes électroniques… « On a tout fait, mais ce n’est encore pas suffisant. On continue de nous taper dessus et de nous pénaliser »
 


Dans le quartier de la Musau, Mostafa Naha a lui aussi vu ses concurrents fermer boutique. « Dans ma rue il y en avait quatre. Je suis le dernier. J’espère que je ne serai pas le prochain. Avec le tram et l’augmentation du prix du tabac, je me pose des questions. » Pour pallier la baisse de fréquentation, il a  agrandi et rénové son affaire. « J’ai désormais une activité bar. Ça m’aide jusqu’à maintenant mais si les clients continuent à fuir, ça deviendra dur. » 

Comme ses collègues, Bruna Pistis ne contestent le besoin de mener campagne contre les effets nocifs du tabac. "Il faut réduire la consommation, mais de la bonne manière. Il faut trouver les bons leviers, et ce n'est pas en culpabilisant et en pénalisant les buralistes qu'on y arrivera".

Pour ne pas voir leur avenir partir en fumée, les professionnels en appel maintenant aux pouvoirs publics. « Il faut une harmonisation européenne des prix du tabac. On nous parle de quotas, partout, tout le temps, pourquoi pas des quotas pour nous buralistes ? Il faut aussi s’attaquer aux taxes. En France nous sommes davantage taxés qu’en Allemagne ou qu’en Italie » martèle encore Bruna Pistis, tout en rappelant, le cœur lourd, les lèvres serrées, que 5000 débitants de tabac, soit 1 sur 5 devraient mettre la clé sous la porte en 2018, selon une étude de la confédération des buralistes de France. Une hécatombe.
 

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