Ardennes : prise illégale d'intérêts, 10.000 euros d'amende pour Pascale Gaillot (LR), présidente de la commission environnement du Grand Est

Pascale Gaillot (LR), conseillère régionale élue dans les Ardennes et présidente de la commission environnement du Grand Est, a été condamnée pour prise illégale d'intérêts ce mardi 6 septembre. Elle écope de 10.000 euros d'amende, mais échappe à la peine de prison (avec sursis) et d'inéligibilité demandée par le parquet.

C'était un jugement attendu de longue date, dans une affaire de conflit d'intérêt au sommet du Grand Est. Ce mardi 6 septembre 2022, le tribunal correctionnel de Strasbourg (Bas-Rhin, où est situé le siège de la collectivité) a rendu son jugement : 10.000 euros d'amende pour prise illégale d'intérêts.

Pascale Gaillot (LR) est conseillère régionale issue du département des Ardennes. Elle préside la commission environnement du Grand Est. En 2018, alors qu'elle était vice-présidente en charge de l'agriculture, elle a supervisé le vote d'une subvention à une association (ce qui est normal).

Mais la particularité moins normale de cette association, regroupant des entreprises du monde agricole, est que son trésorier s'appelle Joachim Gaillot. Le mari de Pascale Gaillot. Une telle situation pourrait s'apparenter à un conflit d'intérêts, car cette dernière pourrait être suspectée d'avoir été influencée, ou d'avoir souhaité faire bénéficier d'un avantage indû.

Rétroactivité de la loi nouvelle

L'association n'a bénéficié des fonds régionaux qu'en 2018. Pascale Gaillot a ensuite expliqué "qu'elle n'avait pas intégré" immédiatement le problème que cela pouvait poser, avant de comprendre "que la situation était paradoxale" et "ne plus voter aucune subvention en faveur de cette association",  dévoile Rue89 Strasbourg, Le parquet s'est finalement saisi de l'affaire après un signalement, et le procès a eu lieu durant l'été. 

La loi relative à la prévention des conflits d'intérêt et à la transparence de la vie publique a été votée en 2013, sous François Hollande (PS). Les faits se sont déroulés en 2018, et une loi de 2021 votée sous Emmanuel Macron (LREM) a réduit la portée de la loi de 2013. Le paquet a réclamé huit mois de prison avec sursis, 10 ans d'inéligibilité, et 15.000 euros d'amende. La juge a finalement reconnu Pascale Gaillot coupable de prise illégale d'intérêts, mais ne l'a sanctionnée "que" d'une amende de 10.000 euros. La justice a pris en compte la loi de 2021 plutôt que celle de 2013.

En temps normal, la loi nouvelle ne s'applique que pour les faits postérieurs à celle-ci, pas antérieurs : on parle de la non-rétroactivité de la loi nouvelle, un principe fondamental du droit. Application avec un exemple volontairement extrême : si demain la loi punit d'une amende le fait de critiquer le président sur les réseaux sociaux (c'est impossible mais faisons comme si), elle ne pourra condamner que les gens qui ont écrit des critiques après la promulgation de la loi, pas avant. Le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle admet plusieurs exceptions, dont celui de la loi pénale plus douce : elle s'applique justement aux faits antérieurs. 

Loin d'une "peine démesurée", mais condamnée quand même

"C'est une décision de justice qui a fait le choix d'une condamnation malgré le fait qu'il n'a pas été démontré le moindre détournement de fond ni la moindre action contraire à l'intérêt général par madame Pascale Gaillot", détaille maître Jean Deconinck, avocat de l'élue régionale, auprès de France 3 Champagne-Ardenne. "Mais la condamnation est infiniment moindre que ce que demandait le parquet."

Il n'a pas été démontré le moindre détournement de fond ni la moindre action contraire à l'intérêt général par madame Pascale Gaillot.

Jean Deconinck, avocat

"Mais même si le tribunal a fait le choix de prononcer une simple amende... Et fait le choix de ne pas suivre le parquet qui réclamait une peine démesurée pour faire exemple du cas de madame Gaillot... Cette condamnation est à déplorer car je considère que la justice pénale n'est pas là pour traiter de ces affaires dans laquelle les administrés n'ont ici pas été lésés."   

"Madame Gaillot n'avait rien à se reprocher
[le Grand Est a d'ailleurs officiellement considéré qu'il n'avait "pas subi de préjudice"; ndlr]. Le fait de verser une subvention n'est pas remis en cause, est justifié. Elle se réserve donc la possibilité de faire appel pour le principe", complète son conseil, qui met en avant la portée politique d'une telle condamnation judiciaire, même assortie d'une "faible" peine. Son opposante politique, Éliane Romani (EELV), n'a d'ailleurs pas attendu pour réclamer sa démission et brocarder "l'exemplarité" de la majorité de la droite et du centre tenant les rênes du Grand Est.

À noter que Pascale Gaillot comptait candidater aux élections législatives de juin 2022, dans la première circonscription des Ardennes. Députée sortante, la bien établie Bérangère Poletti (LR, 20 ans de mandat parlementaire successif), lui avait même apporté son soutien. Avant de devoir le retirer à cause de cette potentielle casserole judiciaire, et de lui privilégier Guillaume Maréchal (LR), au final battu par Lionel Vuibert (Agir, majorité présidentielle). 

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