Ce président de conseil départemental menace de démissionner : "on n'en peut plus, l'État nous fait les poches en permanence"

Noël Bourgeois, président (LR) du conseil départemental des Ardennes, tire la sonnette d'alarme. Devant l'état des finances publiques, qu'il juge exsangues, il menace carrément, le jeudi 19 septembre 2024, de démissionner.

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C'est une menace qu'il ne faut pas prendre à la légère. Celle-ci est inédite. Elle émane de Noël Bourgeois, président (LR) du conseil départemental des Ardennes.

Déplorant des finances publiques qu'il qualifie d'exsangues, il met sa démission dans la balance. En poste depuis 2017, l'élu est "très inquiet pour l'avenir de l'institution départementale".

Ce jeudi 19 septembre 2024, il se trouvait au siège du conseil départemental, à Charleville-Mézières (Ardennes). Il a accepté de répondre aux questions de Sébastien Valente et Daniel Samulczyk, journalistes de France 3 Champagne-Ardenne.

Pourquoi avez-vous peur ?

"Au niveau des finances, dans les départements - pas que celui des Ardennes - on est au pied du mur. Les décisions prises ces derniers temps par l'État ont impacté le budget de la collectivité départementale à hauteur de 19,6 millions d'euros. [Ils ont été] compensés à hauteur de deux millions d'euros, donc [il faut sortir] 17 millions d'euros de notre poche."

On ne pourra pas continuer comme ça pendant longtemps.

Noël Bourgeois, président (LR) du conseil départemental des Ardennes

"Les charges augmentent, les compensations ne sont pas à la hauteur, les dotations ont tendance à baisser. Forcément, les équilibres sont très difficiles à trouver. On ne pourra pas continuer comme ça pendant longtemps."

Quelle est votre réponse à cet état de fait ?

"Si rien ne change, je rendrai les clefs au préfet. Je ne vois pas comment on peut équilibrer demain un budget, avec des décisions prises ailleurs et ayant un impact considérable sur le budget de la collectivité."

Déséquilibre interdit

Quelle est la différence entre un département et l'État ?

"Depuis longtemps, l'État n'équilibre pas son budget. Pour nous, c'est une obligation. Cet équilibre est de plus en plus compliqué à trouver [surtout avec la suppression des frais de notaires reversés aux départements; ndlr]. Nous le faisons encore actuellement car nous avions des excédents à reporter, qui permettaient d'équilibrer le budget."

"Mais ces excédents fondent comme neige au soleil, étant donné toutes les dépenses qu'on nous impose. Si rien ne change, si le gouvernement ne prend pas la mesure des difficultés d'un certain nombre de départements, je ne sais pas comment nous équilibrerons le budget."

Les excédents fondent comme neige au soleil, étant donné toutes les dépenses qu'on nous impose.

Noël Bourgeois, président (LR) du conseil départemental des Ardennes

"Nous sommes aujourd'hui, d'après Départements de France, 29 départements en grande difficulté. Nous étions 14 l'année dernière. Et nous serons bientôt 50, voire davantage [sur un total de 101 départements; ndlr]."

Comment évolue la situation au fil des ans ?

"C'est de pire en pire. Par exemple, l'augmentation du RSA de 4,6% au 1er avril 2024. Cela coûte à la collectivité 2,7 millions d'euros. Compensation : zéro. Le dégel du point d'indice ou l'augmentation du Smic, c'est pareil : toutes ces mesures ont eu 19,6 millions d'euros d'impact pour la collectivité."

Qu'en est-il de votre autonomie financière ?

"Nous n'avons plus d'autonomie financière. Nous vivons avec des dotations de l'État. Elles sont ce qu'elles sont; les charges augmentent. Je n'ai pas de baguette magique. À un moment, je ne pourrai plus équilibrer le budget." 

Pourquoi le précédent gouvernement d'Élisabeth Borne vous a affirmé que tout serait compensé ?

"J'avais rencontré le cabinet d'Élisabeth Borne. Elle m'avait envoyé un courrier concernant le RSA, indiquant que c'était intégralement compensé. J'ai renvoyé une petite note pour indiquer qu'il en manquait un [gros] bout, car pour le RSA, nous sommes compensés à hauteur de 52% seulement."

Le département doit pouvoir investir

Et comment ça se passe maintenant ?

"Rien ne change. Aujourd'hui, 63 millions d'euros sont inscrits au budget primitif 2024 au niveau du RSA; à 52%, c'est pratiquement 30 millions d'euros consacrés au RSA sur le budget propre de la collectivité. Ça va devenir impossible d'équilibrer le budget de la collectivité."

"Mon collègue de l'Aisne a voté en 2024 un budget en déséquilibre. Évidemment, la chambre régionale des comptes est intervenue. Ils ont revoté un budget en juin. C'était une volonté de dire : voilà, on n'en peut plus que l'État nous fasse les poches en permanence." (voir le siège de l'institution sur la carte ci-dessous)

Quelle est votre capacité à encore investir ?

"En 2018, je m'étais engagé à désendetter la collectivité. On l'a désendettée à hauteur de 60 millions d'euros, pour réinvestir dans les collèges ou nos équipements structurants, comme la maison départementale des sports, ou la base départementale des Vieilles Forges et de Bairon. Ce sont des équipements à vocation touristique : aujourd'hui, c'est un domaine extrêmement important, vecteur d'économies. Ces investissements lourds ont été rendus possibles grâce à notre politique de désendettement."

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