Anton Newcombe, le chanteur américain de The Brian Jonestown Massacre qui vit à Berlin, a avec ses acolytes joué pour le public du Cabaret Vert. Avant de jouer, il nous accueillait dans son tourbus pour parler de l'emprise des grandes maisons de disques, de cinéma et de l'actualité qui l'inquiète.
France 3 Champagne-Ardenne : On va attendre que vous finissiez de fumer pour commencer à filmer, nous n'avons pas le droit de montrer de cigarette à l'antenne.Anton Newcombe : Sérieusement !? Mais les informations ont le droit de montrer les gens dans les bombardements en Syrie tous les soirs, n'est-ce pas ? C'est incroyable comme loi...
France 3 Champagne-Ardenne : Entre les festivals en plein air et les concerts plus classiques, que préférez-vous en tant qu'artiste ?
Anton Newcombe : Je préfère les concerts traditionnels, parce qu'on peut jouer trois heures, un temps grâce auquel la musique prend une dimension que je préfère. Beaucoup d'artistes préfèrent les festivals : on joue une heure, c'est de l'argent facile et on peut à cette saison faire le tour des endroits sympas, comme ici.
France 3 Champagne-Ardenne : Vous pronez "une musique qui reste diabolique" et qui se tient loin des grandes maisons de disque, les majors. Pourquoi ?
Anton Newcombe : Aujourd'hui la musique tourne beaucoup autour du fait de "faire carrière" et de suivre la mode du moment. Je sais que ça ne me correspond pas. Si je suis ce que font mes pairs, ça ne me mènera nulle part. J'ai mon propre label, je produis mon groupe et d'autres gars.
Si tu prends l'exemple de Billy Idol, c'est clair. Il faisait du bon punk-rock avec son groupe Génération X. Et un jour des producteurs lui ont dit : "Viens avec nous, on va faire de toi une star, etc." Il l'a fait, et maintenant, qui s'intéresse à lui ? Personne. Et je suis sûr qu'il a déjà dépensé tout l'argent qu'il a gagné à cette époque.
Je pense que si tu veux vraiment faire ta propre musique, il faut la faire, peu importe le reste. Et si tu veux faire de l'argent, va à la banque et tu n'auras rien d'autre à faire.
France 3 Champagne-Ardenne : Avec l'album Aufheben en 2012, vous et votre groupe parliez de destruction, de fin du monde. Ces problématiques vont inquiètent-elles encore aujourd'hui ?
Anton Newcombe : En Allemagne où je vis, le gouvernement nous demande d'avoir deux semaines de réserve de nourriture chez nous, l'armée va patrouiller dans les rues comme en France et ils pensent à remettre un service militaire. Qu'est-ce que ça te dit de notre monde ? Est-ce qu'on va vers des moments joyeux avec Leonardo Di Caprio qui va sauver les baleines, le réchauffement climatique et tous ces trucs ?
Tu ne peux rien faire si tu as peur de la mort, tu ne peux pas apprécier la vie. Mais on vit une époque intéressante. Le moment est fou, on va connaître une grande guerre mais si j'avais peur je ne vivrais pas à Berlin. Je retournerais aux Etats-Unis, ou n'importe où.
France 3 Champagne-Ardenne : Vous pensez que c'est votre rôle, en tant qu'artiste, d'alerter le public sur ces problématiques ?
Anton Newcombe : Tu ne peux pas vouloir pour les autres ce qu'ils ne veulent pas pour eux-mêmes. Je peux pas écrire des poèmes magiques qui vont réveiller les gens. Ce n'est pas un secret qu'il y a plus d'idiots sur Terre que jamais.
Enfants, on rêvait beaucoup, mais aujourd'hui tout est pire dans beaucoup d'endroits et de pays. Selon moi, les films, la musique, l'éducation de beaucoup de gens sont pires. Mais je ne dis pas qu'il faut tout envoyer péter non plus.
France 3 Champagne-Ardenne : Vous avez participé au documentaire Dig!, vous avez aussi composé un album intitulé Musique de film imaginé autour d'un film qui n'existe pas. Qu'est-ce qui vous intéresse dans les liens entre musique et cinéma ?
Anton Newcombe : Ce qui est marrant avec Musique de film imaginé c'est que finalement la musique a été utilisée dans le film de Ken Loach Moi, Daniel Blake qui a gagné la palme d'or à Cannes cette année ! C'est arrivé à force que je dise au Monde et partout que j'écrivais la musique d'un film qui n'existe pas, ce que plus personne ne fait.
La bonne musique, ça peut améliorer un film, comme chez Sergio Leone. Tu quittes le cinéma mais tu fredonnes encore les chansons, le film reste avec toi.
France 3 Champagne-Ardenne : En 2015, vous avez collaborer avec Tess Parks pour l'album I Declare Nothing et le Brian Jonestown Massacre a sorti un mini-album de 7 titres. Vos fans peuvent-ils espérer un nouveau disque pour 2017 ?
Anton Newcombe : En fait il en auront deux cette année ! En octobre, on sort l'album Third World Pyramid et un single en décembre, Don't Get Lost.
France 3 Champagne-Ardenne : Pour finir, vous vous produisez au Cabaret Vert et à Rock en Seine, en remplacement d'Eagles of Death Metal [le groupé a été annulé après que son chanteur Josh Homme, surnommé Jessie, ait dit que la sécurité du Bataclan était impliquée dans l'attentat du 13 novembre, ndlr]. Est-ce une situation compliquée pour vous ou n'y accordez-vous pas attention ?
Anton Newcombe : Aaah, Jessie ! Pour lui, pour sa vie, la situation a été tellement folle. Ce qu'il a vécu, c'est un traumatisme, c'est comme vivre la guerre : tu vois les gars te tirer dessus, les gens qui meurent, le sang... Ça abîme l'esprit, et c'est dur pour moi de dire ce qu'il y a dans sa tête.
Dire que la police, la sécurité, les promoteurs de la salle sont en cause dans l'attentat —pour moi qui ait joué au même endroit— c'est complètement malade. C'est dingue d'être dans la conspiration à ce point. Oui, les gouvernement utilisent les terroristes, le terrorisme sert de prétexte pour aller faire la guerre et prendre le pétrole. Mais je ne crois pas que tous ceux qui travaillaient dans cette salle y soient pour quelque chose.