Les quartiers de Charleville-Mézières ne sont pas oubliés dans la programmation des spectacles OFF en salle, pendant le Festival mondial des théâtres de marionnettes. Les représentations font le plein, au milieu des barres d'immeubles à Ronde-Couture.
Si vous ne venez pas voir les marionnettes, ce sont les marionnettes qui viennent vous voir! Les habitants du quartier Ronde-Couture, loin du centre-ville, ont eu une belle surprise ce samedi 28 septembre. Ils ont vu fleurir dans leurs rues des pancartes indiquant des spectacles de marionnettes entre les grands immeubles de béton. Dans une petite salle dédiée d'habitude à la lecture, s'est invitée la compagnie Les bruit des casseroles, avec deux artistes échappés des sentiers battus.
Quartier en zone favorisé
D'habitude, le grand spectacle de la rue Ferroul à Ronde-Couture, c'est son célèbre marché du dimanche avec ses étals colorés. S'y ajoutent quelques fêtes associatives dans l'année, de belles rencontres sportives, et l'offre culturelle et festive s'arrêtent là. Aussi ici, lorsqu'on a la chance d'aller au théâtre de marionnettes, la tentation est forte.Ce samedi matin, une file d'attente se forme devant la porte du spectacle à la médiathèque. Des familles, des enfants, des curieux, se pressent pour "Citron", la représentation de 10h 20.
Elle ne prend pas de gants, Aline
Le décor est minimaliste. Un rideau noir, une table nappée de la même couleur et deux projecteurs de lumière pour ne montrer qu'un œil au bout d'un doigt et un citron, en attente. C'est une main, bleue, ce n'est pas un gant, mais une peinture en trompe l'œil, surmontée justement d'un énorme œil qui est la vedette de l'histoire. Aline Ladeira et Daniel Olmos, deux marionnettistes unis dans la vie et sur les planches, assurent ce spectacle du programme OFF en salle ce matin-là.Je ne mets pas de gants car, sinon, je perds la sensation, alors je me peins la main et je fais sécher ensuite. (Ses doigts sont les bras de sa marionnette, son index soutient la tête). C'est l'histoire d'une créature qui découvre la vie, son corps, ses limites, les limites de son espace et qui va vivre une aventure avec un citron.
Aline Ladeira, marionnettiste dans la compagnie Le bruit des casseroles
Un violon pour un citron
Dans la pénombre, sur le côté, s'échappent de jolies notes de musique jouées au violon par son compagnon aux accents espagnols. Le rythme est lent, avec une douce poésie qui vous envahit dès les premiers mouvements de la main, le corps de la marionnette. Cet œil unique au bout de l'index devient rassurant et s'agite par moments, suivant le scénario.Les doigts font de grandes enjambées sur la table et les cordes du violon marquent chaque pas en cadence, avec une précision millimétrée.
On oublie la main bleue, c'est un petit être. Aline, cachée derrière dans le noir, lui offre même une voix et un cœur. De temps en temps, ses yeux dépassent de la table et s'additionnent au cyclope pour compléter la scène. Le partage est réussi.
Jouer dans les quartiers, ce n'est pas le même public. On a les classes qui viennent, les profs, les gens du coin, c'est très intéressant. Ici, il y a plus d'échanges en direct avec le public. Dans le centre-ville, on met une pièce dans un chapeau et on passe à un autre spectacle, ici on partage plus.
Daniel Olmos, marionnettiste musicien dans la compagnie Le bruit des casseroles
Idriss est à deux doigts de s'étouffer de rire
Il y en a un que l'on entend plus que tous les autres, au milieu des éclats de rires du premier rang dans la salle. Idriss, 5 ans, est venu en famille voir cette drôle d'histoire de citron. Quand, dans un passage du spectacle, l'œil le fixe et lui parle en gazouillant, le petit garçon laisse éclater sa joie et ses yeux se plissent de bonheur. Sa maman, émue aux larmes également, l'accompagne au second rang en s'essuyant les yeux.Avoir de la culture comme ça, pas loin de chez soi, c'est génial. Vous avez vu, le petit, il a ri tout le long du spectacle. Je pense qu'il a adoré. Moi, j'ai beaucoup aimé.
La maman d'Idriss, un petit festivalier très réceptif
La belle histoire prend fin et la main bleue devenue oiseau s'envole derrière le rideau noir, saluée par des applaudissements nourris. Pour cette autre maman et sa fille, venues toutes deux d'un village voisin, cette prestation hors du flot de spectacles intra- muros de Charleville-Mézières, est une belle surprise.
Je n'avais pas fait encore de OFF en salle et l'affiche m'attirait. J'ai bien aimé la manipulation et la magie fonctionne puisqu'on oublie la marionnettiste. J'aime bien les OFF en quartier, c'est plus simple pour y venir et on rencontre des troupes qu'on ne verrait pas autrement.
- Alix, une festivalière venue du village voisin d'Evigny dans les Ardennes
Le spectacle "Citron" se termine au Festival mondial des théâtres de marionnettes dans les Ardennes. Aline et Daniel ont eu le temps de goûter à de beaux échanges avec ce public de proximité avide de poésie et d'imaginaire. Une fois les projecteurs éteints, "Citron"va prendre de la hauteur et ira raconter son histoire prochainement dans les Alpes, avec la compagnie Le bruit des casseroles.