Après 30 années de travail au centre social du quartier Manchester, à Charleville-Mézières, dans les Ardennes, Carole Charles a changé de vie, à l’âge de 50 ans. Elle a eu une révélation pour le métier de potier.
Carole Charles était coordinatrice jeunesse au centre social Manchester, à Charleville-Mézières, mais elle a tourné la page, au bout de 30 ans. "Cela ne correspondait plus à mes valeurs, dit-elle aujourd’hui. L’éducation populaire a bougé. Les mots sont encore là, mais le monde a changé. Tout s’est dégradé. On est davantage dans la consommation que dans l’accompagnement. On s’est un peu perdu. Cela me déprimait."
Le tournant de sa vie a eu lieu après avoir suivi une formation chez Jean-Luc Pirot, potier à Charleville-Mézières, en 2014-2015. "J’hésitais entre la poterie et la vannerie", raconte-t-elle. Mais quand elle a eu la terre entre ses mains, "c’est devenu une évidence. Je ne pensais pas que ça me ferait ça".
J'aimerais faire des recherches sur les émaux, travailler avec le Moulin à Couleurs d'Ecordal.
Carole Charles, potière-céramiste de grès
Carole Charles, originaire du Sedanais a quitté le centre social et a été s’installer à Liart, dans la Thiérache ardennaise. Il a fallu y faire quelques travaux pour l’installation de son atelier. Devenue artisan d’art, la potière-céramiste de grès y accueille depuis des stagiaires de tout le département des Ardennes et beaucoup de Reims.
Besoin des gens
"J’ai besoin des gens, reconnaît Carole Charles. On grandit ensemble, chacun apporte sa pierre. Les stagiaires apprennent les uns aux autres, ils m’apprennent aussi". L’auto-entrepreneuse aime recevoir en cours individuel. "C’est l’occasion de se poser, de discuter, de raconter sa vie. Les gens découvrent. Ils ne savent pas comment fonctionne la terre. Certains ne savent pas que ça se cuit."
"Quand on a les mains dans la terre, on rencontre la matière. Je me demande comment j’ai fait pour ne pas y aller avant. Cela a vraiment été une révélation". Cette passion conduit Carole Charles à se rendre tous les deux mois en Belgique, aux Argilières de Saint-Aubin, pour y acheter des pains de grès. Elle en prend une tonne à chaque fois pour travailler sur ses créations et animer ses stages. "Ils creusent pour aller la chercher. Ils connaissent bien la terre, et peuvent me conseiller".
Des ventres ronds
L’Ardennaise admet qu’elle s’ennuie très vite. "Au début, je créais des théières. C’est magique ! Mais j’ai du mal avec la répétition. La recherche m’intéresse, alors j’ai eu l’idée de réaliser une horloge et d’autres objets encore. Il faut que ça me parle."
Son goût de la rencontre l'a conduit à proposer des œuvres plus humaines. Des rondeurs des théières, la potière est passée à celles des femmes enceintes. Elle moule les ventres ronds des futures mamans. "Je pratique avec des bandes de plâtre, pour faire le moule, ensuite ça peut devenir une applique. J’attends toujours que l’accouchement ait eu lieu, pour finaliser ce travail. Je l’ai fait notamment pour une personne qui attendait des jumeaux."
Carole Charles a également réalisé un moulage pour une personne qui, atteinte par un cancer, voulait conserver une représentation de sa poitrine. Avant l’ablation des seins, la potière est intervenue. "C’était une belle chose, une rencontre", confie-t-elle.
Des stagiaires qui reviennent
Dans le petit atelier de Carole Charles, ils ont souvent commencé par un stage de deux heures minimum, mais souvent ils deviennent des habitués. L’artisane compte une vingtaine de stagiaires, qui viennent régulièrement. Marie-Claire, 58 ans, Ardennaise d’adoption, est de ceux-là. "J’ai commencé il y a trois ans. C’est un délassement, c’est apaisant. On retrouve son âme d’enfant car c’est ludique. Cela donne confiance en soi."
Quand on a les mains dans la terre, on rencontre la matière. Je me demande comment j'ai fait pour ne pas y aller avant.
Carole Charles, potière-céramiste de grès
Et puis, il y a la rencontre avec Carole Charles. "Elle s’est tournée vers une activité différente. Ce n’est pas donné à tout le monde. Cela fait du bien d’être avec des gens bien dans leur peau."
Lorsqu’elle a quitté son précédent travail, Carole Charles a pu profiter d’un plan social. Cela lui a permis de bénéficier quelque temps des allocations de Pôle Emploi. C’était un complément mais aujourd’hui elle tire un salaire de sa seule activité. A 56 ans, ce qu’elle attend désormais, c’est la retraite, et pas pour ne rien faire.
"Mon activité me prend beaucoup de temps. J’attends la retraite pour expérimenter d’autres choses. J’aimerais faire des recherches sur les émaux, travailler avec le Moulin à Couleurs d’Ecordal", dit-elle. Sa passion pour la poterie et la céramique est toujours aussi vive.