Grand frère du père Noël, le père d'Ardennes souhaite apporter en ces temps compliqués un peu de magie aux enfants. Un personnage né de l'imagination foisonnante de Séverine Lune Magin-Revoy, la créatrice des Frountz, ces petits êtres poilus qui gardent les maisons.
Même barbe blanche, même bienveillance et même type de vêtements, le père d'Ardennes a des airs de père Noël. "Normal, c'est son grand frère, explique sa créatrice Séverine Lune Magin-Revoy. Il a quitté la Laponie il y a très longtemps pour venir dans les Ardennes. Mais il ne se montre que maintenant car, en ces temps compliqués, le père Noël lui a demandé de l'aider." Seul le grand manteau rouge est devenu vert. "Pour évoquer la nature ardennaise", précise celle qui a imaginé ce nouveau personnage de légende.
Si le père Noël distribue toujours les cadeaux, le père d'Ardennes offre lui un peu de magie. "Pendant le deuxième confinement, je me suis dit qu'en ces temps de Covid les enfants n'allaient pas pouvoir aller sur les marchés de Noël et profiter de la magie habituelle de cette période, explique cette Ardennaise. Du coup j'ai eu l'envie de créer un lieu où les enfants pouvaient écrire au père Noël ou plutôt à son grand frère. Le but, c'est d'apporter un peu de bienveillance et un message positif."
"Crois en tes rêves et ne cesse jamais de rêver." C'est souvent par ces mots que, chaque soir, le père d'Ardennes prend la plume pour répondre à chaque courrier reçu. Des lettres d'enfants, des dessins, des listes de cadeaux qu'il reçoit à son domicile de Chooz, sur la pointe des Ardennes. Des enfants qui lui réclament des jouets bien sûr mais qui lui font aussi part de leurs sentiments, de leurs difficultés à vivre avec la Covid.
"Un sourire par courrier"
"Il y en a un qui souhaite que sa mère puisse rouvrir son restaurant, un autre qui explique qu'il en a marre de porter le masque à l'école et de ne plus voir ses grands-parents, détaille la créatrice. C'est assez dur pour les enfants en ce moment et le père d'Ardennes leur apporte un peu de soutien, comme un sourire par courrier. Il leur dit aussi qu'il n'y a pas de frein à leurs rêves, aux enfants, comme aux adultes, car les plus grands aussi n'osent plus rêver".
Chaque enfant recevra une réponse personnalisée, ainsi qu'un petit sachet de paillettes porte-bonheur. Depuis son apparition début décembre, père d'Ardennes a reçu une cinquantaine de lettres. Mais il n'est pas encore très connu. Car à cause de la pandémie, il doit à son grand regret se faire discret. Ce vendredi 18 décembre, il va se présenter aux enfants de l'école de Chooz pour sa première apparition publique. Séverine Lune Magin-Revoy aimerait que, l'an prochain, son grand barbu au manteau vert déambule sur les marchés de Noël et fasse le tour des écoles.
Sous le costume se cache Patrick Lefèvre, son conjoint qui, confie-t-elle, la soutient et la suit dans toutes ses histoires. Car celle qui a su garder son âme d'enfant adore les histoires, les raconter, mais surtout les imaginer. "J'aime donner vie à des petits peuples", d'où son premier métier de marionnettiste, explique cette artiste touche-à-tout qui a longtemps gagné sa vie grâce à la photographie. A cause du confinement, son activité s'est réduite comme peau de chagrin, mais un autre univers a pris davantage de place, celui des Frountz, ces petits personnages poilus, au nez rond et aux yeux cachés par un chapeau pointu ou un joli haut de forme.
Adopte un Frountz
"Le père Noël a ses lutins, le père d'Ardennes a ses Frountz", sourit-elle. Ils sont sortis de son imagination il y a une quinzaine d'années lorsque, le soir, elle inventait des histoires à sa fille, mais ont fait réellement leur apparition en décembre 2018. "Ce sont des petits êtres qui gardent la maison et repoussent les cauchemars", explique leur "maman". "Chaque Frountz est unique, chacun d'eux a un certificat de naissance et une fiche d'adoption. Car on n'achète pas un Frountz, on l'adopte."
En deux ans, 1.200 Frountz ont été adoptés. "On en a envoyé en Australie, aux Etats-Unis, au Canada, au Kurdistan, mais il y en a surtout dans les Ardennes, en Bretagne, en Alsace, en Belgique, des territoires où l'on aime les légendes." Depuis novembre, la demande ne fait qu'augmenter. "Pendant le deuxième confinement, les gens ont cherché à acheter local, j'ai vraiment senti une différence. Pendant les quinze premiers jours, grâce à la page facebook A Ma Zone champardennais, je n'arrivais déjà plus à suivre."
Et depuis le 7 décembre, la demande explose. "Dimanche dernier, j'ai mis 29 Frountz sur mon site internet et il n'a fallu que 14 minutes pour qu'ils soient tous adoptés." Une popularité éclair qu'elle doit à l'influenceuse Silent Jill. Touchée par cet univers aussi étrange qu'attachant, l'instagrameuse a présenté 5 Frountz en direct sur ses "stories". "Dans la minute qui a suivi, j'avais 3.000 visites sur mon site au lieu de la centaine habituelle, s'en étonne encore la créatrice. J'en tremblais, j'ai eu l'impression d'un véritable rouleau compresseur. Depuis on ne dort pas beaucoup."
La Covid a changé ma vie. Il y a un an, jamais je n'aurais imaginé arrêter mon activité de photographe pour vivre de mes Frountz.
Le rythme de travail à la maison s'est intensifié. Pendant qu'elle continue de "donner naissance" à ses petits personnages, sa fille s'occupe des réseaux sociaux et son conjoint de l'envoi des colis. Celui-ci gère aussi une boutique de country qu'ils ont créée ensemble à Givet où l'on peut bien sûr dénicher quelques Frountz. Malgré la forte demande, pas question pour elle de créer une "usine à Frountz". "Les 1.200 sont tous sortis de mes petites mains. Je ne conçois pas de demander à d'autres de les faire à ma place. Il n'y a que les chapeaux en cuir qui sont fabriqués par mon ex-mari, le maroquinier Yoann Donckers."
Pour enrichir son univers, Séverine Lune s'apprête à sortir un livre racontant l'histoire de son petit peuple, ainsi qu'un jeu de société. Un festival, le Festi'Frountz, devrait aussi voir le jour l'an prochain. "Avec entrée gratuite pour tous les adoptants", sourit-elle. Son prochain projet : créer une grande maison magique où vivraient tous ses personnages imaginaires, les Frountz bien sûr, mais aussi la reine des Fées et le père d'Ardenne. A 42 ans, cette éternelle enfant n'a décidément pas fini de rêver.