"On a vu les Français qui ont démarré, alors il était temps pour nous" : la contestation des agriculteurs s'étend à la Belgique

Dans les Ardennes, agriculteurs belges et français partagent le même barrage et les mêmes revendications. Ce dimanche soir, des jeunes agriculteurs belges ont mis en place un barrage filtrant à la frontière franco-belge à hauteur de Bouillon. Une trentaine d'agriculteurs ardennais français se sont joints à eux pour exprimer leur solidarité.

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Ce dimanche soir, près de 110 tracteurs sont rassemblés à la frontière entre les Ardennes belges et françaises, près de la ville de Bouillon. Les automobilistes avancent au ralenti et constatent l'ampleur du rassemblement de ces jeunes agriculteurs belges pressés de rejoindre le mouvement de contestation lancé aux quatre coins de l’Europe.

"On a vu les Allemands qui ont démarré, on a vu les Français qui ont démarré, alors il était temps pour nous, explique un jeune agriculteur belge. On était le dernier pays à ne pas avoir démarré et c’était presque honteux parce que c’est comme si tout allait bien chez nous alors que pas du tout. Moi, j’en ai ras-le-bol et je pense que pour une très grande partie des agriculteurs réunis ici, c’est la même chose."

La mobilisation des agriculteurs belges s'intensifie et les Ardennais français n'ont pas manqué l'occasion pour le prouver. Aux côtés des Belges, plusieurs adhérents du syndicat des Jeunes Agriculteurs des Ardennes ont tenu à se tenir côte à côte avec leurs voisins wallons.

"C'est un ras-le-bol général, on s'entend bien avec les Belges et on défend les mêmes valeurs, explique Stéphanie Lebègue, agricultrice en polyculture, élevage laitier bio à Tailly. On a beaucoup de points communs et c'est important de les soutenir."

Ils étaient au total une trentaine de Français à répondre à l'invitation belge pour inspecter notamment quelques camions en provenance de France. "On a vu des produits venant d'Espagne et qui allaient en Allemagne, explique l'agricultrice française. On a vu aussi de la viande abattue en Belgique, mais venant d'Allemagne et du Luxembourg et destinée à Rungis. On nous dit qu'on consomme que français à Rungis mais en fait ce n'est pas vrai."

"Dans le même bateau"

Réunis sur le barrage, agriculteurs belges et français ont échangé sur leur situation et rapidement constaté que leurs combats, à quelques détails près, étaient le même. 

"En parlant avec les Belges, on se rend compte qu'on doit subir les mêmes problèmes, poursuit l'agricultrice. On est tous dans le même bateau. Nous, on doit faire avec les normes françaises qui viennent transposer les normes européennes et ils nous disent qu'eux aussi ont des normes belges qui viennent s'ajouter aux règles européennes. Et au final, ça donne les mêmes problématiques, comme sur les haies par exemple..."

Cet exemple fait écho aux annonces du Premier ministre Gabriel Attal vendredi. Le Premier ministre s'était alors étonné qu'il existe quatorze normes différentes en France pour réglementer l'entretien des haies.

Concurrence déloyale et revenus trop bas

Avec ce barrage filtrant, les automobilistes ne sont pas bloqués. Seuls les camions sont la cible des agriculteurs mobilisés. Les jeunes agriculteurs belges sont avant tout là pour faire de la pédagogie et sensibiliser le grand public à leur situation sociale difficile.

Avec leurs collègues français, ils ont inspecté des poids lourds voulant traverser la frontière. "On nous dit qu'on consomme que français à Rungis mais en fait ce n'est pas vrai."

On voit des produits non conformes qui viennent en France ou en Belgique, y a tout un trafic derrière et c'est scandaleux

Un agriculteur belge mobilisé à Bouillon

En découvrant le chargement d'un autre camion ce lundi, les agriculteurs ont retrouvé des œufs en provenance d'Ukraine destinés au marché français. "Ces œufs là ne respectent pas les normes CE, c'est certain. Et pourtant, ils ont été achetés par une entreprise française. Donc le camion a été bloqué, et il est reparti d'où il venait."

Les agriculteurs mobilisés jugent cette concurrence ukrainienne déloyale, car elle n'est pas soumise aux mêmes normes environnementales que les productions contrôlées par l'Union européenne. À cela s'ajoutent des revenus en baisse face à des charges qui ne cessent d’augmenter, un rapport de force inégal face aux centrales d’achat et des normes toujours plus nombreuses et complexes.

"Il faut savoir que sur une journée de 24 heures, on passe 12 à 13 heures sur nos tracteurs ou derrière nos vaches, raconte un agriculteur belge, les larmes aux yeux. En plus de ça, on doit passer du temps derrière un tas de paperasse, des papiers incompréhensibles et absurdes et on n'est même pas reconnus pour tout ce travail.

Le salaire ne sort pas et la situation financière de nos exploitations deviennent très compliquées. Et après, on voit des produits non conformes qui viennent en France ou en Belgique, y a un trafic derrière tout ça et c'est scandaleux"

Bruxelles en ligne de mire ?

En constatant ces points communs entre France et Belgique, les agriculteurs illustrent finalement que c'est bien à Bruxelles, capitale européenne, que pourrait aboutir la convergence des luttes. "Il faut d'abord mettre la pression sur nos gouvernements, juge Stéphanie Lebègue. C'est comme ça qu'on pourra faire comprendre à l'Europe qu'il faut que la situation change. Si la mobilisation devient plus forte en France, notre gouvernement n'aura pas d'autre choix que de nous défendre face à l'Europe."

Ce lundi matin, il restait encore une quarantaine de tracteurs pour barrer la route franco-belge. Il en faudra bien plus pour marquer les esprits et forcer les autorités nationales et européennes à prendre en compte les revendications du monde agricole. La dynamique ne semble pourtant pas près de ralentir. C’est tout l’espoir de ces jeunes agriculteurs européens pour sauver leur avenir.

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