Un drone pour mesurer en direct et de manière très précise les émissions de gaz à effet de serre. C'est ce qu'ont développé des chercheurs de l'université de Reims dans la Marne. Cet outil supplémentaire pour lutter contre le dérèglement climatique a déjà séduit de grands groupes industriels.
À première vue, il ressemble à un simple drone, mais les capteurs qui lui ont été ajoutés en font une petite révolution scientifique. En survolant des sites industriels ou naturels, cet outil développé par des scientifiques de Reims peut mesurer précisément les émissions de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2), deux puissants gaz à effet de serre.
Démonstration à Rethel, dans les Ardennes, autour d'un méthaniseur. "Quand vous regardez une cheminée, vous voyez un panache. Il est visible parce que c'est de la fumée ou de la vapeur d'eau. Là, il y a une émission, donc c'est une sorte de panache. Mais comme c'est du méthane, on ne le voit pas à l'œil", détaille Lilian Joly, le responsable du pôle de recherche et d'innovation AEROLAB de l'université de Reims, qui a développé l'outil.
En direct pendant le vol du drone, qui quadrille la zone, les données sont transmises sur un ordinateur, ce qui permet de mesurer les gaz échappés du méthaniseur. "Le drone cartographie la zone en temps réel. On arrive à voir les pics de CO2 et de CH4", ajoute le professeur des universités.
Une fois analysés, les résultats permettront au propriétaire du méthaniseur de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et de gagner en efficacité. "Aujourd'hui, il n'y a pas de données concrètes. On a des grosses masses, mais on n'a pas de vraies données. Ensuite, s'il y a un endroit où on voit des rejets sur le stockage du digestat ou ce genre de choses, on pourrait améliorer nos pratiques", indique Thomas Samyn, agriculteur méthaniseur.
"Ici, on fabrique tout de A à Z"
La suite se passe à l’université de Reims Champagne-Ardenne, où les données sont modélisées en trois dimensions. "Ça permet d'identifier où est la fuite et de quantifier si c'est une petite, moyenne ou grande fuite. On donne un chiffre en gramme par seconde", explique Lilian Joly.
L'utilisation du drone, au lieu d'autres solutions comme des ballons ou des avions, permet des mesures bien plus précises et moins coûteuses. On peut aussi plus facilement renouveler les campagnes de mesure pour observer une évolution dans le temps.
Les chercheurs du pôle de recherche et d'innovation AEROLAB ont développé le capteur capable de reconnaître une molécule donnée, grâce à une analyse qui s'appuie sur une diode laser et un détecteur. "Pour faire simple, avec une empreinte digitale et une base de données, on arrive à retrouver un nom, parce que l'empreinte digitale est unique pour chaque individu. C'est pareil pour une molécule, qui a une empreinte spectrale. On arrive à retrouver son nom et à déterminer sa concentration."
C'est grâce à la synergie entre tous les laboratoires au sein de l'université qu'on arrive à être leader dans ce domaine sur les émissions de gaz à effet de serre.
Lilian Joly, responsable du pôle innovation AEROLAB
Les pièces du capteur sont imprimées en 3D au sein même du laboratoire, dont la force est de pouvoir tout concevoir sur place. "C'est vraiment une plus-value par rapport à d'autres laboratoires, d'autres universités. Ici, on fabrique tout de A à Z, l'électronique, la mécanique, la modélisation", insiste Lilian Joly.
Le pôle d'innovation de l'université de Reims Champagne-Ardenne affirme détenir avec ce projet "une position de leader au niveau international". "C'est grâce à la synergie entre tous les laboratoires au sein de l'université qu'on arrive à être leader dans ce domaine sur les émissions de gaz à effet de serre", explique l'universitaire.
Le drone est désormais en phase d’industrialisation et a déjà séduit Total Energies pour équiper 90% de ses infrastructures. La prochaine étape est d'intégrer de l'intelligence artificielle pour que l'appareil ajuste de lui-même sa trajectoire en fonction des émissions de gaz.