Après une année 2022 dévastatrice pour les forêts françaises, les sapeurs-pompiers se mettent en ordre de bataille pour affronter l'été. Dans les Ardennes, plus de 200 d'entre eux se sont formés ou remis à niveau pour lutter contre les incendies. Interview avec le capitaine Sébastien Courbet.
Les images des pompiers français luttant corps et âmes contre les flammes, durant l'été 2022, marquent encore les esprits. Comment les éviter cette année, alors que les fortes chaleurs et les faibles pluies de ce mois de juin font planer un risque de sécheresse pour la saison estivale ?
Dans les Ardennes, département très boisé, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) - constitué de 134 professionnels et 1400 volontaires - a mis l'accent sur la formation de ses effectifs. En vue de cet été 2023, quelque 220 sapeurs-pompiers ont été formés ou remis à niveau sur la lutte contre les feux de forêt et autres espaces naturels. Explication avec Sébastien Courbet, chef du service formation au SDIS 08 et chef du groupe feu de forêt.
Comment les sapeurs-pompiers des Ardennes se préparent à lutter contre les feux de forêts ?
S.C : Un gros accent a été mis sur la formation avant la saison estivale. Cela fait deux ans que nous organisons des sessions de formation initiales pour les équipiers et les chefs d'agrès (les responsables des véhicules d'intervention). Ces formations sont axées sur les manœuvres et les techniques d'extinction et de lutte contre les feux d’espace naturel et sur la sécurité des personnels. Nous avons formé 140 sapeurs-pompiers.
Nous avons mis en place une nouvelle formation d'une semaine pour redonner les réflexes sur la lutte contre les feux de forêts.
Sébastien Courbet, chef du service formation au SDIS des Ardennes
Puis, cette année, nous avons également mis en place des formations d'une semaine sur le maintien et le perfectionnement des acquis pour redonner les réflexes sur la lutte contre les feux de forêt. C’est la première année que cette formation est mise en place. Elle a permis de recycler 80 équipiers.
Au total, depuis l’année dernière, 220 sapeurs-pompiers des Ardennes ont été formés ou remis à niveau.
Avez-vous suffisament de moyens humains et matériels ?
S.C : Cela dépendra de l’ampleur du sinistre. Si nous avons une activité courante, ce sera suffisant. Si nous avons la situation qu’il y a eu dans les Vosges, ce ne sera évidemment pas suffisant.
Côté matériel, deux véhicules ont été achetés pour le renouvellement notre parc. Aussi, le Sdis des Ardennes s’inscrit dans la démarche gouvernementale, et le programme de renouvellement et d’acquisition matériel. Les demandes sont faites, les dossiers sont en cours d’instruction.
Comment s'organise la coopération avec les voisins ?
S.C : Nous pouvons compter sur l’entraide mutuelle avec les départements limitrophes. Nous savons qu’on pourra bénéficier de renforts s’il y a des besoins.
Il y a également des conventions d’entraide avec la Belgique. D’ailleurs, le 3 juin, nous avons fait une manœuvre sur feu réel avec nos collègues belges, avec largage par hélicoptère bombardier d’eau pendant l’exercice, à Vresse-sur-Semois. Nous avons appris à travailler ensemble.
Avez-vous des craintes pour l'été 2023 ?
S.C : Si le temps reste tel qu’il est aujourd’hui, avec les mêmes conditions de température, d'hydrométrie et de vent - assez soutenu depuis quelques semaines - oui la végétation sèchera et le risque augmentera. Nous sommes très liés à la météo. Il suffit d’une semaine de pluie pour que le risque diminue, mais si la semaine d’après il y a à nouveau du soleil et du vent ça reprendra.
Mais nous sommes vigilants et attentifs, nous faisons un point sur la météo, le matériel et le personnel disponible, tous les jours. Nous nous tenons prêts.
Les incendies sont-ils plus précoces cette année ?
S.C : On ne peut pas parler de précocité. Pour mémoire, lors des années 2020, 2021 et 2022, les premiers feux d’espace naturel débutaient au mois de mars ou avril. Cette année, en mars et avril nous avons eu beaucoup de pluie. Les premiers départs de feu sont enregistrés ces derniers jours. Mais cela reste une activité modérée, sur des surfaces contenues. Avec des feux inférieurs à 500 m2, parce que la végétation vivante est encore résistante à la propagation des flammes.
Quelles zones sont les plus à risque en Ardennes ?
S.C : Il y a deux parties bien distinctes. Il y a la partie sud du département avec les grandes plaines céréalières, soumises aux risques de feu de récolte un peu plus tôt dans la saison, dès la moisson. Puis, en remontant dans le Nord, il y a ces forêts et sous-bois qui sèchent. Avec ces forêts de sapins, où le scolyte fait des dégâts, avec des sapins qui meurent sur pied et sèchent.
Nous conseillons aux habitants qui résident à proximité des forêts de débroussailler autour de leur maison.
Sébastien Courbet, chef de groupe feu de forêt au SDIS des Ardennes
Quels messages de vigilance pour les citoyens ?
S.C : Les règles de prévention s'apparentent à du bon sens. Quand on est dans les bois, on ne fait pas de feu, on ne fume pas et on ne jette pas son mégot dans la nature. Il y a aussi les règles pour notre propre sécurité. Quand l’accès à un massif forestier est interdit, il faut respecter cette interdiction. Pour ne pas risquer une activité qui mettra le feu ou pour ne pas risquer sa vie.
Aussi, dans notre département, nous n’avons pas d’obligation à débroussailler autour de nos maisons. Mais nous ne pouvons que conseiller aux habitants qui résident à proximité des forêts de débroussailler autour de leur maison. S’il y a un feu dans la forêt, cela évite qu’il arrive jusqu’à la maison. Et si vous faites un barbecue et qu’il y a une brèche qui s’en va dans l’herbe, cela évite de se propager dans la forêt.