INSOLITE. Les pompiers appelés pour s'occuper des loups du Parc Argonne Découverte

Cinq pompiers du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) ont participé aux opérations d'endormissement de plusieurs louves du Parc Argonne Découverte d'Olizy-Primat (Ardennes), peu avant leur stérilisation. C'était le mardi 17 janvier.

Des pompiers qu'on appelle pour éteindre un feu ou sauver quelqu'un, on connaît. Mais pour s'occuper des loups, là, c'est un peu moins commun.
C'est précisément ce qu'il s'est passé au Parc Argonne Découverte d'Olizy-Primat (Ardennes). Les faits se sont déroulés le mardi 17 janvier 2023.
France 3 Champagne-Ardenne a interrogé Anne Frézard, la directrice du parc animalier. "On est intervenu pour flécher des femelles pour pouvoir les stériliser." On parle bien sûr de fléchettes tranquillisantes, pas d'un carreau d'arbalète. 

Des louveteaux, oui, mais pas trop

L'une des heureuses élues, si l'on peut dire, est l'une des jeunes louves arctiques nées en avril 2022. Sa première sortie, sous l'oeil des caméras, avait eu lieu un bon mois plus tard. Et désormais, l'heure des premières chaleurs est imminente. Il fallait donc agir rapidement. Deux autres femelles, "la dominante, et une née en 2020" étaient aussi concernées (visibles sur les photographies Facebook ci-dessous). 

"Sinon, on va avoir une crise du logement pour les loups", s'amuse la directrice. "Si on a trop de naissances, on ne sait plus quoi en faire..." D'autres fléchages, et donc stérilisations, doivent avoir lieu le jeudi 9 février. Il ne devrait donc "plus y avoir de reproduction chez nos loups arctiques cette année".
Tout ne se fait pas le même jour car "même si on essaie d'en faire le plus possible sur le même créneau, il est difficile de concilier l'ouverture au public, le planning du vétérinaire, celui des flécheurs, et les besoins physiologiques des animaux. Pour les adultes, ça devenait urgent car la période des chaleurs va démarrer incessamment sous peu, et qu'on ne peut plus intervenir une fois qu'elle est lancée. Quant aux jeunes, pour favoriser la meilleure croissance possible, il faut les flécher le plus tard possible. C'est pour ça qu'on essaye de décaler au maximum." 

Les loups vont bien

On en profite pour demander des nouvelles des loups. "Ils vont plutôt pas mal. Bon, on aurait aimé - comme beaucoup de gens - avoir un peu plus de froid et de neige, parce qu'actuellement, les terrains sont humides et détrempés. C'est moins agréable pour les animaux de vivre dans ces conditions." (voir l'adresse du parc sur la carte ci-dessous)

"Sinon tout va bien pour les loups, gris comme blancs, qui passent l'hiver tranquillement en attendant la réouverture". Prévue pour le samedi 11 février (jusqu'au lundi 6 mars). "Si les visiteurs ont envie de faire coucou aux loups, ce sera le bon moment, parce qu'après on ne réouvrira que le [samedi] 8 avril." Qu'on se le dise.

Les pompiers se spécialisent

Martin Kosowski, sergent-chef et sapeur-pompier volontaire du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) des Ardennes, était présent avec quatre autres de ses collègues. Il a donc donné quelques précisions sur cette intervention un peu spéciale, et ce qu'elle implique pour les pompiers. "On a fait ça dans l'optique de la création d'une équipe spécialisée dans l'intervention sur le risque animalier. Et dans le cadre d'un partenariat qu'on est en train de monter avec le Parc Argonne Découverte."
Cette mission qu'on pourrait penser inhabituelle est née d'une modification législative (la loi Matras de 2021). "On est dans un département où on a du matériel à disposition, pour faire de la télé-anesthésie, ou anesthésie à distance, avec des propulseurs - ou fusils - à seringues anesthésiantes. Mais ce n'était pas utilisé, comme on n'avait rien d'établi sur le risque animalier."
"Le partenariat créé avec le Parc pour la mise en place de notre équipe spécialisée chez les sapeurs-pompiers du département, nous a amenés à être sollicités par son télé-anesthésieur, qui nous a demandé un coup de main. Ainsi, les animaux sont stressés le moins possible et ça fait gagner du temps. Pour nous, l'enjeu est double : commencer à former les collègues à l'utilisation de ces fusils; et bénéficier des capacités techniques des soigneurs du Parc sur les loups, rapaces, reptiles."

Un article de la nouvelle loi Matras mentionne "spécifiquement les animaux dans les missions du Sdis". Un groupe de travail a donc été créé, et encadré par Martin Kosowski. "C'est ce groupe de travail qui s'est déplacé sur le Parc. L'équipe, elle ne sera validée que plus tard." Le projet a été déposé sur le bureau du directeur du Sdis au mois de novembre, qui a donné son accord pour cette création en bonne et due forme.
"Il m'a chargé de poursuivre le développement de ce projet. On espère que d'ici trois ans, entre les budgets à réunir et les formations à accomplir, on aura 80 pompiers formés sur l'ensemble du département, répartie uniformément avec du matériel pour avoir des délais de réponse adaptés. Ils seront à même de répondre aux sollicitations opérationnelles dans le domaine du risque animalier, grâce à des connaissances plus approfondies : connaissance des espèces, utilisation du matériel, constitution de réseaux de partenaires associés... comme le Parc Argonne Découverte." Mais aussi d'autres parcs, et bien sûr l'Office français de la biodiversité (OFB). 
Un nouveau Schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (Sdacr dans le jargon) avalisera l'existence de cette unité spécialisée, "qui pourra agir rapidement pour le bien des animaux, mais aussi la sécurité des intervenants". C'est le préfet qui signera le document, une fois celui-ci rédigé. Ces pompiers spécialisés seront bien utiles, par exemple dans le cas où un incendie éclaterait dans une étable, ou qu'un camion transportant des animaux de cirque ait un accident. Dans l'Aube, on les a déjà appelés pour des scorpions exotiques, et à Strasbourg (Bas-Rhin), pour un sanglier en divagation.