Témoignage. Elle raconte le quotidien d'une infirmière scolaire : "là où on recueille les mots et les maux"

Publié le Mis à jour le Écrit par Isabelle Forboteaux
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Delphine Dhilly, réalisatrice de documentaire, est originaire de Dampierre dans l’Aube. Ce mercredi 12 avril, France 2 diffuse son dernier film : "Infirmière scolaire". Une immersion d’un an et demi au collège des Roises à Piney en plein cœur du Parc Naturel de la forêt d’Orient.

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"Le cœur, il a toujours mal quand on ne dit pas les choses. Mais il ne faut pas avoir honte de ce que tu m’as dit. C’est eux les fautifs, pas toi". Ces mots, Mélissa les prononce à l’intention d’un collégien victime. Elle les appelle "mon loulou, ma nénette, ma grande, mon grand" et son rôle est d’être au plus proche d‘eux. Mélissa est le personnage clé de ce nouveau documentaire de Delphine Dhilly. Elle est infirmière scolaire au collège Roises de Piney dans l’Aube.

Des infirmières si rares. Elles sont 7 700 en France, c’est-à-dire une infirmière scolaire pour 1 600 élèves. Mélissa soigne les bobos du quotidien mais aussi les problématiques récurrentes de harcèlement, d’automutilation. Elle parle de sexualité aussi.

L'infirmerie, c'était juste un endroit où ils étaient eux-mêmes.

Delphine Dhilly, réalisatrice

"France 2 m’a proposé de réfléchir à cette problématique, explique Delphine Dhilly. Ce qui m’a intéressé c’est de pouvoir explorer l’adolescence à travers un prisme différent. Je voulais tourner dans un collège ou lycée rural. Je viens d’un petit village, comme celui du film. J’ai fait mes recherches, j’ai trouvé mon personnage. Je suis de l’Aube, je suis allée au collège d’Arcis-sur-Aube, puis au lycée de Troyes. C’est le hasard qui me ramène dans ma région, un beau hasard".

 

L'adolescence : une étape de la vie

 

Le film est tourné pendant un an et demi. "Tous les mois ou tous les deux mois, nous venions trois jours par semaine, précise Delphine Dhilly. Le cœur du film : l’infirmerie. Nous voulions raconter ce qui s’y passait. Cet espace où il y avait un dialogue. Cet endroit qui recueillait tous les mots et tous les maux. Dans ce lieu on pouvait sentir ce qui se passait pour ces collégiens, ce qu’ils traversaient. Et à travers cette infirmière, fine, subtile dans son approche, on pouvait les entendre. L’adolescence est une période de transformation ou tout se précipite, physiquement, émotionnellement. C’est passionnant de voir se transformer un petit gamin de 6e en jeune adulte de 3e".

Mélissa, l’infirmière scolaire les écoute, les soigne dans son cabinet médical. Elle reçoit aussi les parents et dialogue évidemment avec la conseillère principale d'éducation du collège dès qu’un problème intervient et subsiste. Elle suit ces enfants bouleversés par des mots durs, violents. "Pourquoi tu ne mets pas tes lunettes ? Parce que quand je les mets on me traite de pédé". Les revoit ensuite pour faire le point sur leur situation. "L'infirmerie, c'était juste un endroit où ils étaient eux-mêmes, reprend la réalisatrice en parlant des collégiens. Dans ce lieu, ils peuvent avoir des bobos. Alors qu'au collège, il ne faut pas être vulnérable. Il faut être dans les codes de la société qui sont souvent violents. C'est sans doute ce qui m'a le plus marqué".

Comment mieux les accompagner ?

Quand elle débute un documentaire, Delphine Dhilly ne part pas avec une idée préconçue. "Je ne savais pas exactement ce que vivaient les enfants. On a une idée, un concept, mais quand on les rencontre, c'est plus fort. L'accumulation des situations est troublante, frappante. On ne s'y attend pas. On imagine bien un enfant, deux enfants (ayant des soucis). Je n'étais pas hyper bien quand je filmais. Je me rendais encore plus compte à quel point, être adolescent aujourd'hui c'est accompagner ce corps qui se transforme, c'est répondre à la pression scolaire. C'est commencer à se définir". L'infirmerie est finalement une "zone libre"; libre de tout dire, libre de ses choix. Un lieu, où le regard bienveillant, humaniste de Mélissa permet à ces collégiens de se retrouver. Une prise de conscience pour une prise de confiance si importante à cet âge.

"Ce film pose une question hyper intéressante, explique Delphine Dhilly. Comment accompagne-t-on, comment pouvons-nous créer des espaces pour écouter ces enfants. L'infirmière scolaire n'est pas un prof, pas un CPE, pas un parent. Elle a un rôle un peu neutre"

Ce film "Infirmière scolaire", diffusé ce mercredi 12 avril 2023 sur France 2 dans l'émission Infrarouge à 23 h, montre à quel point une infirmière scolaire accompagne justement ces adolescents vers leur vie d'adulte et leur permet de passer ces étapes fondamentales de la construction.

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