"C’est super bon, il mérite une étoile", un restaurant éphémère et associatif séduit dans la côte des Bar

Habituée à proposer des concerts, des expositions et des ateliers culturels de tous ordres, l'association Quai des Arts a ouvert, le dimanche 25 février, un restaurant éphémère dans son local, l'ancienne gare de Polisot, dans l'Aube, baptisé l'Aiguillage. Pour son président, Thomas Grigis, "la gastronomie, c'est de la culture". Les bénévoles ont donc relevé les manches et se sont mis aux fourneaux pour proposer un repas digne d'une table gastronomique. Un coup d'essai, mais un coup de maître.

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Carpaccio de Saint-Jacques dans son balsamique blanc, cabillaud sauce champagne et oeufs de truite, suprême de volaille et purée fumée… Le menu est aussi alléchant qu’il est éphémère. Ce dimanche midi, les dix-neufs convives qui prennent place dans la salle de l’Aiguillage, à Polisot, savent qu’ils vont vivre un moment unique. L’ancienne gare de cette petite commune de 323 habitants s’est transformée, pour un jour seulement, en restaurant gastronomique.

Pour cette occasion spéciale, une cuisine a été aménagée dans la salle du café associatif qui se trouve dans l’extension en ossature métal accolée au bâtiment historique de la gare. On y trouve un billot avec sa panoplie de couteaux, deux postes de travail destinés à la découpe et au dressage, une étuve pour maintenir le poisson à température et chauffer les assiettes. Tout a été pensé et optimisé par Pierre Berthelin. Cet éducateur spécialisé dans un institut médico-éducatif de Troyes voue une véritable passion à la cuisine. Autodidacte, il a préparé ce repas dominical dans les moindres détails.

Dans un coin de la pièce, un tableau trône comme un pense-bête pour lui et ses commis d’un jour. Quand on propose un menu avec sept plats (amuse-bouche, mise en bouche, entrée, poisson, viande, pré-dessert et dessert), on évite de faire la cuisine à la bonne franquette. "Le menu a été pensé pour que ça puisse être fait dans cet environnement, pas dans une cuisine professionnelle, pas avec des cuisiniers professionnels", explique Pierre Berthelin devant ses croquis de dressage et la liste des opérations du jour. Pour l’accompagner dans ce défi, il pourra compter sur un ancien régisseur-lumière reconverti en brasseur et un menuisier.

Jérome Fritschy a exceptionnellement délaissé son couteau à bois pour un couteau d’office. En moins de dix minutes, il est devenu expert en épluchage de betteraves. Pierre délivre la consigne de découpe : "d’abord quatre quartiers, puis tu coupes encore en deux dans le sens de la longueur". Plus tard, elles serviront d’entrée, délicatement déposées sur une crème de haddock. On salive déjà. Dans la pièce règne une atmosphère de belle camaraderie drapée dans des odeurs de sauces et crèmes qui mijotent doucement. "On est une bande de copains, on se connait depuis 20 ans et on aime faire la cuisine ensemble", raconte le menuisier.

Cette idée d’un restaurant éphémère s’inscrit dans la lignée des événements organisés par l’association Quai des Arts qui a élu domicile dans les murs de l’Aiguillage. Ici, elle propose toutes sortes d’activités : des concerts, des projections de courts-métrages, des dégustations de vins, champagnes ou bières, des expositions et des ateliers créatifs. L’éventail est large. "C’est un lieu de vie, c’est un lieu de rencontres, c’est un lieu d’échanges qu’on essaie de provoquer à travers des manifestations culturelles et la cuisine c’est aussi la culture", explique son président, Thomas Grigis, l’autre commis du jour. La commune de Polisot se situe à 45 minutes de Troyes, au coeur de la côte des Bar. Jusqu’à l’ouverture de l’Aiguillage, l’offre culturelle était limitée dans les environs.

A l’heure du repas, la vingtaine de personnes à avoir réservé prend place dans la salle des pas perdus de l’ancienne gare, parfois salle de spectacle, aujourd’hui restaurant. La décoration est soignée, la table parfaitement dressée. Un peu plus tôt dans la matinée, Ophélie Oudard était plongée dans le bac à couverts à la recherche de fourchettes, couteaux et cuillères identiques. "On s’en sort, on arrive à trouver ce qu’il faut pour que ce soit harmonieux mais c’est un peu avec les moyens du bord quand même", déclarait-elle avec un large sourire. Le repas du jour, facturé 60 euros par tête sans les boissons devrait permettre de mettre un peu de beurre dans les épinards de Quai des Arts.

"Pour un restaurant moyen, on est souvent sur des coefficients x3 mais pas ici. On est à peine à x 2, c'est vraiment histoire de rentrer dans les frais et de rapporter quelque chose à la fin à l'association pour pouvoir réinvestir dans un autre projet", précise Pierre Berthelin en cuisine. En mettant les pieds sous la table, les convives offrent à la fois la possibilité à l’association de regarder l’avenir avec sérénité et un délicieux moment à leurs papilles. Entre deux assiettes, les compliments fusent. "C’est super bon, il mérite une étoile", ose une cliente. "Je trouve ça tellement courageux de faire ce qu’il fait, il n’a pas fait d’école hôtelière", s’émerveille une autre, "ces jeunes qui font des tas de choses nouvelles, c’est formidable".

Forte du succès de ce premier restaurant éphémère à l’Aiguillage, l’association Quai des Arts devra peut-être remettre le couvert dans quelques mois, surtout si le bouche à oreille fait son oeuvre. Quant à Pierre Berthelin, peut-être finira-t-il par franchir le pas et aller chercher ce CAP cuisine dont il rêve. En tout cas, les bases sont là…

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