Une page se tourne dans l’Aube où la maison centrale de Clairvaux travaille désormais à son démantèlement. Depuis 1971, le site était divisé en deux : une partie de l'ancienne abbaye se visitait déjà, une autre était occupée par des prisonniers condamnés à de longues peines. Les derniers sont partis depuis trois semaines.
Le bruit du portail de la maison centrale de Clairvaux, dans l'Aube, ne résonne plus tout à fait pareil depuis le 24 mai, jour du dernier départ de prisonnier. Cette semaine, les journalistes ont pu visiter en toute liberté des installations qui font désormais partie de l'Histoire, guidés par le chef d’établissement Cédric Esteffe.
"On est sur des cellules de 7 mètres carrés et demi, avec des douches sur le palier. Donc pas de douche en cellule", décrit-il. Ces cellules exiguës étaient souvent personnalisées par des détenus. La prison n'accueillait que des condamnés à de longues peines, gardés par des surveillants de père en fils.
La maison centrale de Clairvaux est une ancienne abbaye cistercienne du XII e siècle devenue prison au XIX e. L'annonce de sa fermeture remonte à 2016. Le ministre de la Justice d'alors, Jean-Jacques Urvoas, avait qualifié les bâtiments, situés sur le territoire de la commune de Ville-sous-la-Ferté, de "vétustes". Selon lui, leur état était "incompatible avec la dignité" des détenus et gardiens.
Passionné d’histoire pénitentiaire, Paul Lelu a choisi de travailler à Clairvaux depuis un an. "C'est un lieu empreint d'émotions, d'une âme. J'ai la chance de travailler avec des collègues qui sont présents depuis des années, qui ont vu la fermeture progressive. J'ai la chance, l'honneur, d'être le dernier chef du bâtiment A de la maison centrale de Clairvaux et c'est quelque chose qui compte beaucoup pour moi", explique le surveillant.
Un lieu marqué par plusieurs drames
Dans la mémoire pénitentiaire, Clairvaux est avant tout une série de décès en service. Ils sont commémorés par une stèle qui vient d’être restaurée. Elle rappelle notamment les noms de l’infirmière Nicole Comte et du surveillant Guy Girardot, tués par deux détenus lors d’une prise d’otages en 1971. Elle mentionne également celui de Marc Dormont, un agent mort dans une fusillade suite à une évasion en 1992.
Car des détenus très dangereux ont été enfermés ici. Du terroriste Carlos, au chef du gang des barbares Youssouf Fofana, en passant le tueur en série Guy Georges, tous sont passés par Clairvaux, avant même que cette cellule disciplinaire moderne ne soit créée en 2017.
"Pendant une trentaine d'années, Clairvaux a été une des quatre maisons centrales les plus sécuritaires, voire la plus sécuritaire en France. L'isolement naturel était aussi un aspect positif, dans le sens où toute tentative d'évasion ou d'intrusion était plus facilement anticipée ici que dans des établissements plus urbains", détaille Cédric Esteffe, le chef d’établissement.
Une transformation à venir
Les 70 personnels restants sont chargés d’enlever les matériels que l’on pourra recycler. Dans quelques mois, ils rejoindront pour certains la prison de Troyes Lavau qui accueillera des peines plus courtes.
Qu’adviendra-t-il des bâtiments répartis sur une trentaine d'hectares ? L’État ne diffuse presque aucune information. "Les deux porteurs de projet se sont positionnés pour reconvertir l’ensemble du site, à savoir tout ce qui est à l’intérieur du mur d’enceinte de l’abbaye", précise toutefois Barthélemy Champanhet, sous-préfet de l'arrondissement de Bar-sur-Aube.
Leurs propositions devront "préserver la double dimension historique du site, la dimension cistercienne et l'héritage carcéral". Les modalités de reconversion du site seront annoncées lors de la fermeture complète à l’automne.