Depuis le 6 avril tous les Français sont limités à un rayon de 10 km autour de leur domicile. Le gouvernement a incité la population à se mettre au vert pendant ce confinement. C’est le cas de cet enseignant de Troyes, camping-cariste parti dans le sud de la France pour enseigner à distance.
Matthieu enseigne l'anglais à l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA). Originaire de Troyes, à 52 ans, cette période d’isolement contraint, il la vit plutôt bien, au calme, au plus près de la nature. Habitué à l’éloignement, Matthieu a déjà vécu les deux confinements précédents à bord de son camping-car. Le premier, c’était dans la Nièvre, 55 jours de cours à distance, en mars 2020, une partie en forêt et ensuite dans un gîte pour motards.
En octobre 2020 intervient le second confinement, direction le Var pour quatre semaines au cœur d’une plantation d’oliviers. Sa maison, son espace de vie de tous les jours, c’est 6m2, il faut donc accepter ces contraintes. "Cela demande de l’organisation, mais la liberté est bien là avec ce type de véhicule, j’ai tout le nécessaire à bord pour vivre sereinement et en autonomie", assure Matthieu.
Quitter le département de l’Aube
Sa maison roulante lui permet de vivre normalement et continuer d’exercer son métier d’enseignant. Adepte des sports aériens et notamment du vol libre, il a choisi ce lieu pour sa météo clémente et son calme. A l’annonce du troisième confinement, Matthieu a décidé de laisser une nouvelle fois son appartement du centre-ville de Troyes pour profiter du calme et de la quiétude de l’Aveyron a bord de son camping-car, pas loin du fameux viaduc de Millau.
"Quand j’ai pris la route juste avant les restrictions du week-end de Pâques, je savais que l’Aube allait basculer en confinement, le taux d’incidence y était très fort, j’ai eu un sentiment de liberté en passant par le département de la Haute- Marne, j’étais en train de franchir une frontière de liberté, je devenais un homme libre, tout en respectant les horaires imposés par le couvre-feu, J’ai une pensée pour mes étudiants et mes collègues qui sont chez eux. Je sais la chance que j’ai à ce jour ", confie l'enseignant.
Professeur d’anglais, depuis son camping-car, Matthieu assure ses cours à distance
Avec la pandémie du Covid-19, le télétravail pour les professions en capacité de le faire est devenu une évidence. "Que ce soit depuis chez moi ou depuis mon camping-car, l’enseignement est identique grâce aux nouvelles technologies, cela a du bon, j’ai 400 élèves, à ce jour j’ai assuré la totalité de mes cours et même réalisé les oraux via la plateforme Teams. Je ne voulais pas me sacrifier à rester chez moi, alors que j’avais le moyen mobile pour vivre au mieux ce confinement", explique Matthieu C.
Il assure sans problème tous ses cours en visio-conférence, y compris les examens oraux. Ce qui a surpris plus d’un élève."Le camping-car devient aussi un lieu de travail et pas seulement de divertissement, mes élèves savent que je suis un camping-cariste averti, ils me demandent 'vous êtes dans le Sud', je leurs réponds d’après vous ? Je n’ai rien volé, j’accepte cette situation dans ma tête j’ai l’esprit d’être libre, quand j’ouvre la porte, j’ai cette sensation de liberté, quand je lis les articles ou les étudiants sont dans 9m2, dans leurs chambres, pour moi vivre dans un espace restreint cela ne me dérange pas", commente Matthieu.
Une relation nouvelle avec ses élèves
Ce professeur a aussi appris à mieux connaitre ses élèves. "Il n’y a pas la même notion quand vous êtes face à votre classe et face a un écran d’ordinateur". Matthieu a ainsi découvert la détresse chez certains jeunes et avec le "distanciel", la technologie a été propice pour notre enseignant troyen.
"Le négatif c’était que ne voyant pas mes élèves, je n’avais pas leurs réactions, ce qui est le plus difficile aussi à gérer en visio, ce sont les longs silences, quand je leur demande, 'vous avez des questions' et derrière pas de réponse, cela fait mal au cœur, en revanche l’aspect positif de la visio nous a rapprochés, j’ai eu vent de situation particulière, notamment en privé, j’ai eu des cas très complexes, j’ai une de mes élèves qui a fait ses oraux depuis ses toilettes car le contexte familial était trop perturbé elle a donc dû s’isoler, je me suis aperçu qu’ils n’avait pas les conditions de travail adéquates.
Une de mes élèves a fait ses oraux depuis ses toilettes car le contexte familial était trop perturbé elle a donc dû s’isoler
J’ai aussi eu un élève en cours dans la rue, car chez lui il n’avait pas d’internet, il devait se mettre à côté des bornes wifi extérieures, j’ai découvert une grande détresse chez nos étudiants, et tout cela je ne m’en serais jamais aperçu si nous n’avions pas été en confinement. Quand ils sont en présentiels, ils sont tous pareils. Pour moi la Fac doit rester un sanctuaire. On dit fréquemment que les nouvelles technologies déshumanisent, mais pour moi j’ai pu rentrer au cœur de l’humain", précise Matthieu C.
Profiter aussi des instants que la nature nous offre
Installé au camping Larribal de Millau au bord du Tarn, Matthieu savoure ce havre de paix, un espace ombragé propice au repos. "C’est grâce à un ami parapentiste que je me retrouve là, j’ai droit à un espace pour moi tout seul, je suis à quelques mètres de l’atterrissage des parapentes, des que les conditions sont idéales je peux me permettre de monter au décollage et profiter d’un joli vol dans le ciel Aveyronnais, c’est une chance unique et tout cela dans la respect de la zone des dix kilomètres, j’ai aussi mon vélo avec moi qui me permet d’aller faire mes courses au cœur de la ville, c’est extraordinaire", explique Matthieu C.
Les campings ont le droit d'ouvrir pour accueillir les campeurs
Depuis mi-mars, les campings sont toujours sous le coup des mesures gouvernementales liées au décret du 29 octobre 2020, modifié le 14 décembre puis le 12 février 2021. Les campings peuvent accueillir du public sur leurs emplacements, quels qu’ils soient (emplacements nus, locatifs et résidentiels). En revanche, les bars, restaurants et autres salles communes (animation, etc.), tout comme les piscines, extérieures ou couvertes, ne sont pas accessibles au public. Les dernières mesures et textes réglementaires imposent évidemment le respect des décisions nationales ou locales, de couvre-feu ou de confinement.
Peut-on voyager en camping-car pendant ce troisième confinement ?
La réponse est non, dans la majorité des cas.
Les règles de déplacement pendant ce troisième confinement sont les suivantes :
- Dans un rayon de 10 kilomètres autour de chez soi, vous avez autorisation de vous promener, de pratiquer une activité sportive (nécessite de présenter un justificatif de domicile).
- Dans votre département de résidence et jusqu'à 30 kilomètres au-delà de votre département, vous avez l'autorisation de vous déplacer pour des motifs précis uniquement avec une attestation de déplacement dérogatoire.
- Les voyages interrégionaux sont quant à eux cantonnés aux motifs impérieux (raisons professionnelles ou familiales).
- Après 19h pendant le couvre-feu, vous devez être muni d'une attestation de déplacement dérogatoire pour un motif précis.
Il est donc impossible dans ce contexte de profiter de vacances en camping-car sur les routes de France.
En route vers le déconfinement
Matthieu compte rester dans l’Aveyron encore plusieurs semaines, il savoure sa place au camping et les nombreux vols en parapente qu’il a déjà effectué. Le gouvernement envisage la fin de la zone des 10 kilomètres dès le 3 mai, l'enseignant devrait poursuivre sa route et remonter vers le Nord. En attendant, toujours connecté, il reste à l’écoute de ses élèves qui ont bien besoin de réconfort en cette période troublée.
Ce camping-cariste des temps modernes sait apprécier la chaleur du soleil du sud et ressentir cette brise des plateaux Aveyronnais. Il lui reste encore un peu de temps avant de reprendre une vie presque normale auprès de ses jeunes étudiants.