Depuis l'annonce fin janvier de l'installation d'un Primark dans le centre-ville de Troyes (Aube), les réactions sont de plus en plus vives. L’enseigne de vêtements à bas prix verra le jour à l’horizon 2026. Une nouvelle qui ne fait pas que des heureux.

À Troyes, tout le monde connaît bien les anciens Magasins réunis, rue de la République. Au XXème siècle, l’endroit était un incontournable pour y faire ses emplettes, avant de laisser place à la Fnac en décembre 1992. L’enseigne avait finalement déménagé à Saint-Parres-aux-Tertres en avril 2021. Le bâtiment datant du XIXème siècle était alors en attente d’un nouveau projet d’envergure après son rachat en 2017 par le groupe Galia. C’est chose faite avec l’arrivée de Primark en 2026.

Une boutique sur trois niveaux

Pour une première implantation en Champagne-Ardenne, le géant irlandais de la fast fashion a choisi le département de l’Aube. Au total, 4000m2 de surface sur trois niveaux seront dédiés à la marque pour y proposer une large gamme de produits à moindre coût (habillement, chaussures, linge de maison, décoration etc.), et à destination notamment du jeune public. "C’est une bonne nouvelle car tout ferme à Troyes, il n’y a plus rien à faire. Maintenant, on doit aller à Saint-Parres-aux-Tertres pour faire les magasins. Primark peut nous faire revenir en centre-ville", nous confie Adeline, 16 ans. "C’est une marque accessible niveau prix, et il y a un large choix, notamment pour les basiques", s’enthousiasme son amie Klesh. Dans les rues de Troyes ce mercredi matin, l’ouverture du magasin était déjà très attendue pour certains. C’est le cas d’Aïcha, 32 ans : "j’ai trois enfants en bas âge, alors pour le porte-monnaie ça aide bien la famille. Jusqu’à maintenant, je prends le train exprès pour aller au magasin de Créteil, mais c’est très loin et très coûteux."

Une centaine d’emplois créés

Alors que le centre-ville de Troyes, comme partout ailleurs en France, fait face à de nombreuses fermetures d’enseignes nationales liées à des plans sociaux (la plus récente : Minelli, rue Emile-Zola en janvier 2024), l’installation de la marque dans la cité tricasse peut donner un souffle nouveau. "Forcément, le monde attire le monde. Cette ouverture peut repeupler le centre-ville et attirer d’autres chaînes", nous confie par téléphone Alexandre Melin, président de l'association des commerçants Les Vitrines de Troyes la Champagne. "Le quartier des Halles va revivre. Les grandes chaînes sont des moteurs, des locomotives. Aussi, on parle d’une centaine d’emplois à la clé. C’est une très bonne nouvelle."

Du côté des commerçants indépendants, les avis sont plus nuancés, mais unanimes. "Je ne suis pas certaine que l’arrivée de Primark fera venir plus de monde dans ma boutique, car ce n’est pas la même clientèle. Là-bas, les produits ne sont pas chers, et on sait qu’ils ne sont pas conçus pour durer 20 ans. Mais il en faut pour tout le monde. Je comprends les clients qui veulent acheter 5 articles pour 35 euros. Chez moi, c’est le prix d’un chemisier" lâche Stéphanie Piscopo, gérante de la boutique de prêt-à-porter Noeud à Pois, place Jean-Jaurès. Un peu plus loin, Angela Leroux, gérante d’Ekyog, magasin de vêtements rue du Général-Saussier ajoute : "cela peut aussi être un vrai levier pour les boutiques indépendantes. Par exemple, les clients peuvent acheter une belle pièce chez moi, plus chère, puis la compléter par un accessoire chez Primark. Il y a de la place pour tout le monde."

"Niveau écologie, c'est catastrophique"

Mais l’implantation d’une boutique de fast fashion a de quoi inquiéter, voire scandaliser, dans un département où la filière textile et le savoir-faire local représentent 3 000 emplois : "C’est dommage car ici dans l’Aube toute la filière existe, du tricotage jusqu’à la finition. Chez Primark, les vêtements viennent de très loin, et les conditions de travail des salariés sont très floues", se questionne Pascal Lucani, secrétaire CGT du syndicat du textile de l’Aube. Un couple de Troyens, croisé ce mercredi matin, est vent debout : " nous sommes totalement contre. Niveau écologie, c’est catastrophique. On nous demande de faire attention à la planète, de conserver nos vêtements plus longtemps, d’avoir recours à la seconde main, et à côté de ça, un nouveau Primark ouvre, quand on sait d’où viennent les articles...". La marque compte 27 magasins dans tout le pays, dont trois actuellement dans le Grand Est à Metz, Mulhouse et Strasbourg.

"On préfère privilégier cette marque plutôt que de soutenir la filière textile française"

Denis Arnoult, président de l'Union des Industries Textiles Champagne-Ardenne

Pour Denis Arnoult, président de l’Union des Industries Textiles Champagne-Ardenne et cogérant de France Teinture, l’installation du Primark est insensée. "Aujourd’hui pour produire en France, nous sommes confrontés à des contraintes environnementales, sociétales et sociales, et pourtant nous donnons la priorité à des compagnies installées dans des pays où les conditions de travail et de fabrication sont incontrôlables. On préfère privilégier cette marque plutôt que de soutenir la filière textile française, qui souffre terriblement aujourd’hui." Il y a 40 ans, dans l’ancienne capitale de la maille, l’industrie textile représentait 30 000 emplois. "Je ne blâme pas les consommateurs, ils sont obligés de faire des choix face à l’inflation. Mais on ne peut pas imposer en France et dans l’Union Européenne des réglementations que certaines entreprises mondiales outrepassent", conclut-il.

Contactée, la ville de Troyes n’a pas donné suite à nos demandes d’interview. À noter que le bâtiment des Magasins réunis abritera également d’autres commerces, ainsi que 82 logements.

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