Jean-Patrick Vernet, élu de Rassemblement national s'en était pris à Fethi Cheikh lors d'un conseil municipal à Romilly-sur-Seine. Il avait tenu à son encontre des propos équivoques sur ses origines et ses compétences. L'audience a eu lieu ce mardi 19 mai 2020 au tribunal correctionnel de Troyes.
Le tribunal correctionnel de Troyes s'est penché cet après midi du 19 mai 2020 sur des propos jugés discriminatoires tenus par l'élu d'opposition du Rassemblement National Jean-Patrick Vernet à l'encontre de Fethi Cheikh, un autre conseiller d'opposition communiste de Romily-sur-Seine (Aube). L'altercation a eu lieu en mars 2019. Les élus communistes, la Municipalité de Romilly et le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les peuples à l'échelon national s'étaient portés parties civiles.
L'audience n'a peut-être pas été aussi passionnée qu'elle aurait pu l'être puisqu'elle est finalement intervenu après les élections municipales et la réélection des deux conseillers d'opposition. Mais les débats n'en ont pas moins été tendus, souvent houleux mais intéressants sur un dossier plusieurs fois renvoyé. Tout d'abord du fait de l'absence de Jean-Patrick Vernet puis pour des raisons techniques, enfin à cause de la grève des avocats.
Selon le Procureur de la République qui a suivi la plainte déposée par les élus d'opposition communiste de Romilly-sur-Seine, il est reproché à l'élu d'opposition RN Jean-Patrick Vernet d'avoir "provoqué à la discrimination" à l'égard de Fethi Cheikh élu d'opposition PCF "à raison de son appartenance ou non appartenance à une ethnie ou une Nation."
Selon le procès verbal, l'élu aurait pris la parole à la fin d'un conseil au cours duquel l'élu communiste s'était exprimé sur le budget et aurait dit : "Parce que là ça fait 10 minutes que vous me cassez les oreilles. Là, je vous interpelle et je vous demande si vous êtes de Romilly parce que moi ce fut l’une des premières questions que l’on m’a posée vous n’êtes pas né là Monsieur, vous n’êtes pas d’ici, mes parents sont français français (...) si vous êtes aussi compétents allez dans vos pays du Maghreb, ils ont besoin... (..)"
Instrumentalisation de la Justice ?
Entendu sur ces faits Jean-Patrick Vernet s’est déchainé à la barre, tutoyant les parties civiles et accusant le Parquet d’être « un adversaire politique intervenant sur le signalement d’un maire LR » (NDLR : Eric Vuillemin également réélu le 15 mars)Pour le défenseur de Jean-Patrick Vernet, Maître Manuel Colomes, il y a "un grand écart entre ce qui a été entendu, noté et perçu, d'ailleurs le procès-verbal reconnaît que Fethi Cheikh est bien né en Algérie. La citation est tronquée et les versions enregistrées par les gendarmes, ou la restitution de la bande audio du conseil municipal ne sont pas les mêmes." L'avocat du prévenu a plaidé la relaxe.
Il n'y a aucune connotation raciste dans ce qui a été prononcé. Ce qui est attaqué ici c’est la liberté d’expression. Il y a eu dans cette procédure contre mon client une instrumentalisation de la justice dans un climat politique délétère, le contexte électoral joue évidemment.
- Maître Manuel Colomes, avocat de l'élu RN
Ne pas banaliser les propos racistes
Auditionné en tant que victime, Fethi Cheikh se dit "surpris et choqué par les propos tenus en plein tribunal qui semblaient réaffirmer implicitement ceux visés par ma plainte. Pour Jean-Patrick Vernet, les binationaux ne sont pas les bienvenus alors que jamais je n’ai défendu une communauté en particulier ou une nation, je ne pensais pas être confronté à une telle situation en tant qu’élu.J’espère que ma dignité sera respectée."
« La liberté d’expression a ses limites : l’expression d’opinions racistes » surenchérit l’avocat de Feti Cheikh et de la Commune de Romilly-sur-Seine, Maître Guillaume Teboul. Il réclame des dommages et intérêts pour son client et le remboursement des frais de justice pour la Commune.
Même demande de dommages et intérêts du côté du MRAP (Mouvement contre le Racisme et l' Amitié entre les Peuples) qui s’était également porté partie civile.
La lutte contre le racisme est un combat qui se mène par l’éducation et dans les arènes judiciaires.
- Dominique Minkov, l'avocate.
"Notre Mouvement observe de nombreux faits de ce genre en France et il est important que la justice condamne ces propos d’incitation publique à la discrimination et à la haine raciale" affirme Dominique Minkov, l'avocate du MRAP (Mouvement contre le Racisme et l' Amitié entre les Peuples) qui s’était également porté partie civile. « Il ne faut pas banaliser le racisme. Notre Mouvement observe de nombreux faits de ce genre en France et il est important que la justice condamne ces propos diffamatoires."