La liste des communes de l’Aube qui équipent leurs classes maternelles ou primaires en détecteurs de dioxyde de carbone tend à s’allonger mais Troyes hésite. Le département choisit d’en acheter deux ou trois par collège. Les lycées seront dotés par la Région Grand Est d’ici février. Ce petit objet de mesure revendiqué par les enseignants est-il vraiment indispensable ?
Ils ont été commandés mi-décembre et ils doivent être livrés dans les écoles de Bar-sur-Seine ces prochains jours. Dans cette commune rurale de l'Aube, les détecteurs de CO2 se laissent désirer car il commence à y avoir de la demande mais selon Katia Djaffar, directrice générale des services, il n y' a "pas de doute sur leur valeur ajoutée pour lutter contre le Covid".
"Quand j’étais gamine et que l’on rentrait de récréation, on se disait “ça sent le cerveau ! Le capteur va mesurer la concentration en dioxyde de carbone et l’on sait que les virus s’épanouissent davantage dans un air qui est saturé. Cela fait longtemps qu’on aurait dû en installer pour savoir quand aérer", ajoute Katia Djaffar.
La petite commune a choisi des boitiers "très simples car on sait que les professeurs ont déjà beaucoup à gérer. Quand la dose de CO2 est faible, il est vert. Il passe au jaune puis au rouge quand l’atmosphère doit absolument être renouvelée".
Rassurer les équipes avec des indicateurs durables
Comme Bar-sur-Seine, mais aussi Arcis-sur Aube ou Barberey-Saint-Sulpice, Sainte Savine s’est équipée récemment. "La décision d’en acheter a été précipitée par le coup de pouce offert par l’Etat, " raconte de son côté Marie-Laure Caterino, conseillère déléguée au secteur enfance jeunesse de Sainte Savine, "mais nous y étions vraiment favorables. Nous avons 32 dispositifs, un par classe, pour un montant de 4 368 euros avec un soutien de 3 180 euros. Nous préparons un gros Plan Ecole qui sera lancé au printemps avec d’importantes réhabilitations des fenêtres sur nos bâtiments vieillissants, du coup c’était assez logique d’avoir des indicateurs et cela rassure les équipes."
Enthousiastes vis-à-vis des capteurs de CO2, la municipalité de Pont-Sainte-Marie et son équipe enseignante le sont également, qui ont été les premiers du département à accueillir les petits boitiers. "Les professeurs des écoles étaient très demandeurs", explique la maire adjointe chargée de l’enseignement Marie-Grafteaux-Paillard. "Tout le monde était convaincu de l’importance de garder les écoles ouvertes. Les 24 classes de l’ élémentaire et de la maternelle ont été fournies depuis la fin octobre et nous estimons que c’était une chance supplémentaire au milieu de toutes les précautions prises."
Une efficacité difficile à mesurer
"Nous avions déjà des réflexes mais nous nous sommes rendus compte qu’il fallait souvent aérer au bout de 30 à 35 minutes après une récréation. L'air est saturé à partir de 800 ppm (partie par million) de CO2", remarque une enseignante de Pont- Sainte-Marie. Pour le directeur Franck Deseyne, le boitier mobile est aussi "une façon d’éduquer les enfants à cette bonne habitude. Il n’empêche pas la contamination mais il diminue le risque."
"Impossible de dire dans quelle mesure cela a contribué à limiter les difficultés, cependant, car à un si haut niveau de contagiosité, Omicron ne nous a pas épargnés reconnait Marie Grafteaux-Paillard. Mais elle précise que "les écoles de Pont-Sainte-Marie ont eu assez peu de classes fermées du temps où le protocole l’imposait pour 3 cas d’élèves positifs. Les fermetures enregistrées ont été liées à des contaminations des enseignants dans le milieu intra-familial et qui ne pouvaient être remplacés".
Des parents plutôt perplexes voire hostiles
Il y a sûrement des parents favorables à l'acquisition du boitier mais ceux que nous avons croisés à la sortie de l’école de Pont Sainte-Marie étaient très dubitatifs. "Avec tous les cas d’enfants positifs qui sont déclarés jour après jour, pas sûr que cela marche très bien le capteur de Co2, lance une maman qui n’était pas au courant de la présence de l’instrument à l’école.
A l’heure de la cantine devant l’école Paradis à Troyes, les parents sont encore plus sceptiques.
Tout le monde est censé savoir qu’on doit ouvrir les fenêtres. Pas besoin d'un objet pour nous le redire!
Ghislaine, parent d'élève à l'Ecole du Paradis
"Tout le monde est censé savoir qu'on doit ouvrir les fenêtres, glisse Ghislaine. C’est un geste barrière et c’est bien comme ça. Pas besoin d’un objet pour nous le redire !" Aline, une autre mère d’élève qui évolue dans le monde de la santé, ne mâche pas ses mots. "Si ça continue on va placer un saturomètre sur chaque enfant qui rentre pour calculer son taux d’oxygène! Pour moi, c’est du gaspillage d’argent public. Espérons que toute cette mascarade va cesser, car on en a marre."
Troyes réfléchit à une autre stratégie
Même si elle n’est pas encore tout à fait tranchée, la stratégie de la ville de Troyes pourrait satisfaire les détracteurs de l’appareil. A ce stade, pas question de se lancer dans l’achat de capteurs de CO2 même s’il est compliqué d’obtenir des détails sur les alternatives.
Dans la dernière interview à notre confrère Canal 32, François Baroin a évoqué des “assistances techniques auxquelles la ville peut recourir pour organiser une ventilation, une réoxygénation de l’air dix minutes par heure”. Solutions humaines ou matérielles ? Selon la Ville, à ce jour ce sont les atsems qui ventilent les classes a minima toutes les 10 minutes en ouvrant/fermant les fenêtres, une solution jugée plus simple et plus efficace qu’un détecteur.
Il ne s’agit pas en tout cas d’installer des purificateurs d’air. Selon le distributeur aubois d’instruments de mesure Distrame, qui a vendu des capteurs de CO2 à une trentaine de communes dans l’Aube, les purificateurs qui vont plus loin ne se vendent pas pour le moment dans le Grand Est pour des écoles car là où un capteur coûte entre 400 et 600 euros un purificateur représente un investissement de 500 à 3 000 euros pour une commune.
La municipalité et l’Etat « en chiens de faïence » sur le financement
Pour la Ville de Troyes, le financement des simples capteurs est en tout cas sujet à débat. Selon le maire de Troyes “la taille de la ville fait que la question n’est pas de même nature que dans des communes inférieures. L’Etat ne veut pas financer à la juste hauteur. Pour l’instant, on est en chiens de faïence”, résume-t-il.
Recommandée mais pas obligatoire selon le Ministère de l’Education Nationale, l‘acquisition des capteurs de CO2 est subventionnée par l’Etat à hauteur de 50 euros par appareil et deux euros par enfants mais cette aide est plafonnée.
Troyes a fait ses calculs et selon la Maire adjointe à l'Enseignement et référente Covid Stéphanie Fraenkel, "pour 350 classes l’investissement exigé est de 71 000 euros. L'aide de l’Etat ne serait que de 8 000 euros."
La municipalité peut encore se donner le temps de la réflexion. Le délai de demande de subvention a été repoussé jusqu’à la fin avril.
Des options particulières pour les lycées et collèges
Avec ou sans subvention, d’autres collectivités se sont lancées. Responsable des bâtiments des collèges, le département de l’Aube vient de faire son choix. "Plutôt que d’installer systématiquement un capteur fixe dans chacune des salles, nous avons choisi de doter chaque collège public de 2 ou 3 détecteurs mobiles selon la taille des établissements", précise un communiqué. Des capteurs qui ne mesurent ni la présence de Covid, ni celle d’autres polluants. Cela permettra néanmoins selon la collectivité une sensibilisation à tour de rôle à la nécessité d’aérer les lieux. Les commandes seraient en cours.
Quant à la Région, décisionnaire pour les bâtiments des lycées, elle a annoncé que 1 300 capteurs connectés et intelligents doivent être livrés dans les établissements publics d’ici le mois de février. Ils seront capables de donner des informations sur le CO2 mais également sur d’autres polluants pouvant affecter la qualité de l’air et dépendent d’un programme d’1,4 million d’euros. La Région ne manque pas de rappeler que "ces capteurs viennent à l’appui des bons comportements sans représenter une solution à part entière. "
On le voit, si certains considèrent les capteurs de CO2 comme des gadgets, beaucoup de collectivités font un pas vers l’amélioration de la mesure de la qualité de l’air.