Service saturé, lits et personnel en nombre insuffisant… À la veille des fêtes de fin d’année, la situation des urgences du CHU de Limoges n’a guère évolué, malgré la promesse d’Emmanuel Macron en avril 2023 de “désengorger les urgences d’ici à la fin" 2024. Après une année sous tension, des améliorations ont été apportées, mais sont-elles suffisantes ? On fait le point.
Sans surprise, la promesse d’Emmanuel Macron n’a pas été tenue. Le 17 avril 2023, lors d’une allocution télévisée à la suite de la promulgation de la réforme des retraites, le président de la République promettait de “désengorger les services d’urgence d’ici à la fin de l’année prochaine”, soit en décembre 2024.
Sur le moment, peu de professionnels de santé avaient été convaincus. Nous sommes en décembre 2024, les fêtes de fin d’année approchent et la situation des urgences au CHU de Limoges n’a pas beaucoup évolué.
Des améliorations...
L’année 2024 avait mal commencé. Face à l’engorgement des urgences en janvier dernier, le "plan hôpital en tension" avait été déclenché par le CHU de Limoges pour absorber le flux des patients aux urgences qui attendent des lits d'hospitalisation.
Depuis, des évolutions ont bien eu lieu. La professeure Muriel Mathonnet, présidente de la Commission Médicale d’Établissement (CME), met d’abord en avant des ouvertures de lits d’hospitalisation de courte durée pour éviter que des patients ne passent trop de temps installés sur des brancards dans les couloirs des urgences : “Certains patients stagnaient aux urgences. Un secteur a été déplacé et augmenté en capacité, de douze à seize lits. C’est un quart d’augmentation”.
Autre axe de travail, la gestion des lits d’aval : ils font souvent défaut pour accueillir des patients sur une plus longue durée, après le passage aux urgences. Une “cellule d’ordonnancement” travaille pour rechercher des solutions pour les patients à l’échelle de la région : “On fluidifie les parcours en recherchant des places au plus près du domicile des patients”.
... Et encore de nombreuses difficultés
Malgré ces avancées, des difficultés persistent. Des soignants qui travaillent dans le service racontent toujours les mêmes situations, devenues courantes : des patients qui attendent dans les couloirs, un rythme de travail qui ne diminue pas.
La situation ne s’est pas améliorée du tout, mais le personnel est complètement résigné. À un moment donné, vous faites vos heures sup et vous acceptez.
David CombeauReprésentant syndical CFDT-Santé
Le 7 novembre dernier, la CFDT santé sociaux de Haute-Vienne a déposé un droit d'alerte pour dénoncer le manque de personnel aux urgences du CHU de Limoges. David Combeau, représentant du syndicat, dénonce un manque de personnel récurrent, et constate une forme de fatalisme : “La situation ne s’est pas améliorée du tout, mais le personnel est complètement résigné. À un moment donné, vous faites vos heures supplémentaires, et vous acceptez”.
Selon le Docteur Clément Raynaud, chef du service des urgences, "vingt-trois médecins sont actuellement en équivalent temps plein dans le service. Mais les heures supplémentaires réalisées équivalent à quinze équivalents temps plein." Autrement dit, le service des urgences du CHU de Limoges nécessiterait quinze médecins supplémentaires.
Comment le CHU se prépare-t-il à l'affluence hivernale ?
Selon Muriel Mathonnet, du côté médical, “les plannings sont prêts, il n’y a pas de trou”. Pour l’hôpital de Saint-Junien où les fermetures sont régulières, la situation est gérée avec des médecins de Limoges qui travaillent en temps partagé. Reste le risque d’une absence imprévue qui peut encore perturber cette organisation.
L’hiver dernier, la situation des urgences avait été compliquée par les conséquences d’un incendie qui avait provoqué des fermetures de lits, ainsi que par des épidémies. Selon le dernier bulletin de Santé Publique France publié le 11 décembre dernier, les cas de bronchiolite sont actuellement en forte augmentation, toute la France est en phase épidémique, mais l’activité est faible sur le front de la grippe ou du Covid 19.
Mais c’est aussi l’avenir qui préoccupe, car aucune solution durable ne semble se dessiner. Pour elle, le problème des urgences ne peut pas se régler à l’échelle du CHU : “Les urgences ne sont qu’un symptôme de l’état de l’organisation du pays et du désengagement de la médecine de ville sur la permanence de soins. Ça doit être l’affaire de tous les médecins. 80% des gardes sont assurées par le secteur public. Il faudrait que tout le monde s’y mette”.
Ce désengagement de la médecine de ville explique notamment l’augmentation du nombre de passages aux urgences. En 2023, on dénombre 46 000 passages aux urgences, et “cela devrait être 48 000 pour l’année 2024. Avec 135 passages par jour en moyenne, dont des pics à 170 par jour”, indique Clément Raynaud, chef du service.
Pour entreprendre de véritables changements, des mesures fortes et globales semblent nécessaires, mais dans ce domaine comme dans d’autres, l’instabilité politique ne simplifie pas la tâche. Il y a eu cinq ministres de la Santé différents en 2024, on attend encore le nom du sixième.
Et ailleurs en Limousin ?
De leur côté, les services d’urgence corréziens et creusois semblent mieux se porter. Pour l'heure, la direction du centre hospitalier de Guéret n'a pas répondu à nos questions.
En Corrèze, la direction commune des hôpitaux de Brive, Tulle et Ussel a déjà permis de vérifier qu'il était possible de sécuriser les plannings en travaillant conjointement. Selon Nicolas Portolan, directeur général des hôpitaux de Corrèze : “les équipes se connaissent, s’organisent pour se remplacer si besoin, et cela, même avant la mise en place de cette direction en commun ; nous n’avons jamais eu à réguler les services d’urgence via le 15, comme cela peut se voir ailleurs. Nous avons eu une seule journée de tension à Ussel durant l'été 2023, et nous avons réussi à nous organiser, notamment grâce à la solidarité des médecins de ville”.
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Une organisation qui permet de faire face à l’augmentation au-delà de 10% du passage aux urgences à Tulle et à Brive : “on peut l’expliquer par la répercussion du manque de médecins de ville, et par le fait que la population corrézienne vieillit, avec des pathologies chroniques. Mais nous arrivons à gérer cette augmentation du passage aux urgences”.
Les hôpitaux corréziens ne sont pas dotés d’urgences pédiatriques, mais l’augmentation du nombre de cas de bronchiolite en cette fin d'année n’inquiète pas les pédiatres corréziens. Ils remarquent une baisse de fréquentation en lien avec cette épidémie ; les premiers effets des traitements, accessibles depuis 2023, limitent les arrivées aux urgences (le bébé peut recevoir un traitement préventif ou la femme enceinte peut désormais se faire vacciner au 8ᵉ mois de grossesse).
De plus, les hôpitaux corréziens écrivent concomitamment un projet “médico-soignant”, qui vise à réunir tous les acteurs de la santé pour définir les objectifs à réaliser afin de rester attractif. Parmi ces objectifs : maintenir ou développer l’offre de proximité pour les patients afin d’éviter, notamment, le renoncement aux soins ; ou encore développer la prévention pour éviter les errances médicales.